Patrizio Nissirio

L’Italie: un pays hospitalier au discours raciste

Patrizio Nissirio Patrizio Nissirio est rédacteur senior d'ANSAmed, le département méditerranéen d'ANSA, la principale agence de presse italienne.

Le journaliste Patrizio Nissirio est d’avis que l’Italie n’est pas un pays raciste. Pourtant, on y entend régulièrement un discours sauvagement raciste.

« L’Italie n’est pas un pays raciste ». C’est ainsi que le correspondant en Italie du journal The Guardian a récemment conclu un article sur les déclarations racistes de Robertio Calderoli. Cet homme politique issu du parti anti-immigrés Lega Nord a comparé la ministre italienne de l’Intégration, Cécile Kyenge, à un orang-outan.

Pourtant, j’ai tendance à donner raison à John Ford. Les Italiens – et comme j’ai vécu dans quatre pays et voyagé dans d’innombrables nations je parle d’expérience – comptent parmi les gens les plus hospitaliers du monde. Pour ne donner qu’un exemple : regardez la solidarité et l’humanité dont fait preuve la population de l’île Lampedusa (Sicile) à l’égard des vagues d’immigrés. Ces mêmes immigrés ont dû subir des réactions totalement différentes de la part d’autres pays méditerranéens.

Et pourtant, en Italie, on entend régulièrement un discours acharné, vulgaire et foncièrement raciste de la part de politiques de droite. Ils n’hésitent pas à sortir une large gamme de « blagues », de stéréotypes et de commentaires qui susciteraient tant d’indignation dans tous les autres pays d’Europe, qu’aucune carrière politique n’y survivrait. Avec une régularité alarmante, les footballeurs noirs sont victimes de son de singes méprisants et les déclarations racistes émaillent les conversations quotidiennes. Le pire c’est qu’en Italie, les réactions de l’opinion publique, de politiques progressistes et des institutions sont faibles et inadéquates, pour le dire avec un euphémisme.

Il est vrai que les habitudes et le langage ne changent que lentement. Ces dernières années, l’Italie a connu un bouleversement historique. D’un pays où pendant de nombreuses générations, les gens émigraient pour trouver du travail, l’Italie s’est métamorphosée en pays d’immigration considéré comme attirant par les immigrés.

La politique a également contribué à créer un climat plus dur, principalement la Lega Nord qui pendant des années a adopté des positions clés dans les gouvernements de l’ex-premier ministre Silvio Berlusconi. L’Italie dispose de l’une des législations d’immigrations les plus strictes au monde et en même temps elle souffre de l’une des pires réputations en matière d’exploitation d’immigrés en situation illégale. Ceux-ci sont notamment forcés à travailler dans le secteur agricole ou de la construction sans papiers. Souvent, leurs « employeurs » leur font payer entretien et logement. Ces pratiques relèvent donc d’esclavage pur et simple. La citoyenneté italienne est toujours basée sur la lignée et non sur le pays de naissance. Le vif débat actuel sur le sujet n’a encore mené à rien.

Résultat : l’intégration (la compétence de la ministre Kyenge) se trouve à un niveau douloureusement bas. « À Londres par exemple, les immigrés apprennent rapidement l’anglais grâce à des cours de langue efficaces. En Italie, beaucoup d’immigrés ne maîtrisent même pas une base d’italien. Ils n’ont pas accès aux habitations sociales. Au fond, ils sont maintenus dans la marge de la société italienne.

Cette situation renforce une perception dépassée, opposant les « nous » et « eux », présente jusque dans les milieux les plus larges d’esprit de la société italienne. Pendant ces années de gouvernement, la Lega Nord a instauré une culture toxique d’exclusion. Leur fierté paranoïde régionale et même locale a atteint un tel stade que même les Italiens du sud sont devenus victimes d’un racisme sauvage.

Quelles sont les solutions? L’Italie bénéficie d’une excellente réputation de solidarité. Des dizaines d’ONG (et de nombreuses personnes issues d’institutions publiques, principalement des soins de santé) contribuent tous les jours à l’intégration des immigrés. Elles les aident à trouver un moyen légal de rester et de travailler en Italie. Elles aident les femmes et apprennent aux plus vulnérables à ne pas se laisser abuser.

Cependant, comme toujours, il faut chercher la clé dans l’enseignement. Il faut semer ces nouveaux grains dans un sol fertile. Les écoles italiennes sont de plus en plus souvent multiethniques et multiculturelles. Les nouvelles générations d’Italiens se composent d’enfants de multiples origines ethniques. Pour eux, la cohabitation est un fait. De nombreux professeurs ont prouvé ces dernières années qu’il n’est pas difficile d’inculquer de nouvelles perceptions.

J’espère que l’avenir italien tournera davantage autour de personnes telles que la star de football Mario Balotelli (souvent la victime de blagues dégoûtantes) qu’autour de déclarations scandaleuses comme celles de Calderoli.

Patrizio Nissirio

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