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L’homme qui lui offrait des fleurs et qui a fini par la brûler avec sa cigarette (témoignage)

Catherine Vuylsteke Journaliste Knack

Après une relation dévastatrice de trente mois avec un homme qui la battait, la défigurait et la contrôlait, Nathalie (47 ans) a craint de ne plus jamais être la même. Elle raconte cette douloureuse histoire, dans le cadre de notre dossier spécial Assez!, sur les violences faites aux femmes.

Une nouvelle maison lumineuse, non loin de la côte. Au calme, aménagée avec goût. C’est comme si Nathalie avait réussi à tourner la page. Du moins, c’est l’impression qu’elle donne. Mais la voiture est immédiatement mise dans le garage, il n’y a aucun nom sur la sonnette et la porte reste toujours fermée à clé.

Elle se souvient de ses problèmes financiers, de la maison d’accueil et de repas de pain rassis. Mais depuis 2019, Nathalie dirige avec succès une petite entreprise qui emploie sept infirmières. Ce sont de longues journées de dur labeur, mais aussi de gratitude et de satisfaction. D’une certaine façon, le travail est aussi son refuge.

Perdue à jamais

Elle nous dit que nous ne voyons pas la vraie Nathalie. Derrière la femme d’affaires et infirmière énergique se cache une personne qui est loin d’en avoir terminé avec son psychologue. Et elle craint que la Nathalie sociable, qui n’avait jamais douté des autres, ne soit perdue à jamais.

Dans le miroir, elle peut contempler les traces du sadisme de son bourreau. La lèvre fendue, le nez cassé à plusieurs reprises, la cicatrice sur le sourcil gauche, des marques laissées par les clés de voiture sur les joues. Selon le médecin, elles sont à peine perceptibles et ne pourront être éliminées par de la chirurgie plastique. Peut-être qu’un travail de bénévole auprès de ses compagnes d’infortune serait un bon plan ? Cette étape a déjà été franchie.

L'homme qui lui offrait des fleurs et qui a fini par la brûler avec sa cigarette (témoignage)

Bouquet de fleurs

L’histoire commence en 2014 avec deux trentenaires, fervents supporters du Club de Bruges. Elle est divorcée depuis quelques années et a conservé de bons contacts avec le père de ses deux filles de 12 et 17 ans. Lui est embourbé dans un divorce difficile, avec médiation de dettes et une femme acariâtre qui lui cause un stress énorme.

Il est vraiment spécial : séduisant, éloquent, sympathique, passionnant. Un homme qui offre des fleurs et qui vous fait sentir que vous comptez. Un homme qui sait profiter de la vie et avec qui vous pouvez discuter et rire. Toute forme de routine lui est étrangère et tous deux partagent une passion pour la musique – la plupart des week-ends, il travaille comme DJ – et ils sortent souvent ensemble. Il adore la voir danser. Du moins au début.

Nathalie pense d’abord avoir rencontré l’homme idéal, mais après dix-huit mois, elle voit son amant changer. Il se montre de plus en plus lunatique, suspicieux, jaloux. Il voit des preuves d’infidélité dans les choses les plus banales. C’est lui qui fait la loi. Ils passent la plupart du temps dans son appartement dont elle n’a pas la clé. Si elle part, elle ne peut pas rentrer. Il ne veut pas qu’elle sorte.

Elle est persuadée que tout ira mieux après son divorce. De plus, il s’excuse à chaque fois.

Au fur et à mesure, l’étau se resserre. Alors qu’au début elle pouvait encore le charmer avec de petits messages et des photos de ses plats, elle doit rapidement justifier ce qu’elle fait, où elle va et avec qui. Là, maintenant, tout de suite. « Prends une photo de toi avec un verre en main ! » Nathalie essaie de le convaincre de son honnêteté. Elle est persuadée que tout ira mieux après son divorce. De plus, il s’excuse à chaque fois. Le lendemain, il ne peut expliquer ce qu’il lui est arrivé. Et pourtant. Nathalie marche en permanence sur la pointe des pieds, mais elle ne peut échapper aux reproches et à la violence. Il la bouscule, la frappe, lui donne des coups de poing au visage. Elle porte des cicatrices de brûlures de cigarette, de morsures et de fractures. Ces scènes sont suivies de séances de repentir et d’une lune de miel. Encore et encore.

Elle le comprend, l’accepte, ment à ses filles à propos de ses blessures. La vie ne lui a pas donné de bonnes cartes : un fils peut-il se remettre du suicide de son père ? Il fait ce qu’il peut, se défend-il, et il a plus de rêves que d’argent. Il a du mal à participer aux frais du ménage et ses rêves d’avenir coûtent des fortunes. Il investit d’abord dans du matériel sono, puis dans un bar-restaurant flottant. Nathalie voit son compte en banque fondre comme neige au soleil, mais tout finira par s’arranger. C’est du moins ce qu’il affirme. Il y croit. Dur comme fer.

Automutilations

La rage et la violence deviennent son lot quotidien, jusqu’à ce que le cauchemar prenne fin après plus de trente mois. Nathalie est ruinée et trompée. L’homme n’a jamais eu l’intention de quitter sa femme et ses enfants. Au contraire. Lorsqu’il voulait les voir, il faisait un esclandre, prétexte à une bouderie et à une absence de plusieurs jours.

L’histoire se termine par la délivrance. Mais avec une obsession, car Nathalie ne compte pas le laisser s’en tirer à si bon compte. Elle a trop perdu. Son insouciance, son travail, et même sa relation avec ses filles. Pour lui, ses enfants étaient des concurrents. Quand il était là, la maman n’existait plus. Pendant trop longtemps, Nathalie a pensé que ses filles n’avaient rien remarqué. Jusqu’à un matin où elle a vu des éraflures sur le bras de la plus jeune. Des marques profondes, sombres, une forme de défense contre de trop nombreuses nuits blanches passées à craindre qu’un meurtre ne se produise dans la chambre d’à côté. L’aînée étudiait à Bruxelles et vivait en kot. Elle pensait que c’était fichu. Si sa mère n’avait pas le courage de partir, elle pouvait encore moins obliger sa fille à être témoin de sa déchéance. Pendant longtemps, les deux soeurs ont considéré la maison de leur père comme leur seul refuge, mais en 2021, les liens ont été restaurés. Maman a cependant dû promettre une chose : de ne plus jamais, jamais mentir.

La vie d’après

Nathalie n’a pas encore réglé tous ses comptes avec son passé. Ni avec elle-même ni avec lui. La culpabilité, la haine de soi et la colère alternent avec l’incompréhension. Comment les choses ont-elles pu en arriver là ? Pourquoi s’est-elle laissé intimider de la sorte ? Cette histoire ne s’explique pas par une enfance abominable. Jusqu’au décès de sa mère, ils formaient une famille parfaitement heureuse et les liens avec ses deux soeurs cadettes ont toujours été affectueux. Avec le père de ses enfants, les choses n’ont pas non plus dérapé. L’amour s’était simplement éteint et ils se sont quittés bons amis. Alors pourquoi ? Pourquoi ? Nathalie craint de ne jamais cesser de se poser la question.

Pire encore, elle a l’impression que son bourreau a gagné la partie, malgré sa condamnation et un bracelet électronique à la cheville pour une durée d’un an. Nathalie n’a jamais reçu d’indemnisation et, en avril 2020, elle a mis fin à la procédure. Les frais d’avocat étaient trop élevés. Elle considère qu’il est important de témoigner. Ici et maintenant. Pour s’aider et aider les autres. Et pour prouver que malgré tout, il y a encore une vie. La vie d’après.

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