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L’Eglise crée un centre pour prolonger le travail de la commission Adriaenssens

Au cours de la conférence de ce matin, l’Eglise a annoncé l’ouverture d’un centre pour prolonger le travail de la commission Adriaenssens. L’ouverture du centre devrait toutefois prendre du temps.

Ce centre travaillera sous la conduite de quatre experts qui travailleront en concertation à la fois avec les victimes, la Justice, le ministère public et les tribunaux interdiocésains. L’Eglise a plaidé pour une meilleure collaboration avec la Justice et encouragé les prêtres responsables d’abus sexuels à se dénoncer auprès de leurs supérieurs ou du futur centre.

« Nous voulons ouvrir le centre le plus rapidement possible, mais les questions sont complexes et le nombre de parties concernées est important. Nous avons l’espoir que le centre sera ouvert d’ici Noël », a déclaré Johan Bonny, l’évêque d’Anvers. Les quatre experts seront bientôt désignés et devront travailler dans un but de reconnaissance et de réconciliation. Ils devront également réfléchir à la manière d’octroyer des compensations financières aux victimes. Chaque mois, ils devront publier un rapport de leurs activités.

Monseigneur Léonard, qui a regretté l’intervention de la Justice dans le dossier, a rappelé que l’Eglise souhaitait collaborer étroitement avec la Justice. Il a précisé que l’Eglise allait organiser une concertation avec toutes les parties concernées dans les plus brefs délais mais qu’il était impossible de répondre dès à présent à toutes les questions.

« L’Eglise demande du temps et de la confiance pour continuer dans cette nouvelle voie après avoir eu le courage de laisser la commission Adriaenssens faire son travail et publier ses onclusions », a expliqué Mgr Bonny.

D’après Mgr Harpigny, évêque de Tournai, en instituant la commission Adriaenssens l’Eglise a donné aux victimes l’occasion de s’exprimer en toute indépendance. Pour maintenir la confiance, l’Eglise espère que des règles très claires seront établies concernant la saisie des dossiers par la Justice. Elle a précisé que tous les dossiers remis par la Justice aux évêques étaient sous scellés et que toutes les personnes qui ont dénoncé des abus peuvent récupérer leurs données et les remettre au futur centre ou à une nouvelle commission.

« Chaque récit est unique, mais globalement on distingue trois domaines: le juridique, le canonique et le clinique », a expliqué l’évêque de Tournai. « Ces trois domaines doivent être dissociés et requièrent une approche spécifique ». Soulignant que des abus se produisent dans tous les réseaux de la société, Mgr Harpigny a plaidé la nécessité de relier l’approche ecclésiastique et l’approche sociétale. Pour y parvenir, il faut établir une nouvelle structure qui regroupe l’Eglise, la Justice, les associations de soins et les victimes.

L’Eglise a réitéré l’appel lancé par Mgr Léonard le 23 avril dernier. Elle invite toutes les victimes d’abus sexuels à réagir et tous les prêtres coupables d’abus sexuels à se signaler auprès de leurs supérieurs ou du futur centre.

Mgr Léonard a précisé que la plupart des faits commis par les 91 prêtres identifiés comme auteurs d’abus sexuels et encore en vie sont prescrits. « Si les faits ne sont pas prescrits, nous demandons aux victimes de s’adresser à la Justice », a-t-il expliqué au micro de la RTBF, ajoutant que dans le cas contraire « nous prendrons les sanctions nécessaires ».

En outre, l’Eglise a entamé la rédaction d’un code de conduite pour
tous les responsables pastoraux. Elle voudrait l’étendre à toutes les personnes qui travaillent dans un milieu chrétien et qui côtoient des jeunes (professeurs, etc.).

Dans l’attente du futur centre, l’Eglise a ouvert un centre d’information auquel les personnes qui veulent des informations peuvent d’adresser par mail ou par téléphone. Il ne s’agit pas d’un endroit destiné à recueillir les plaintes pour abus sexuels, qui doivent être adressées à la Justice, a insisté Mgr Bonny.

Le projet ne satisfait pas le Collectif Droits de l’Homme dans l’Eglise

La mise en place par l’Eglise du Centre ne satisfait pas le Collectif Droits de l’Homme dans l’Eglise, une association de victimes d’abus sexuels par des prêtres. « Il ne peut y avoir de commission d’enquête sur des crimes commis dans une institution contrôlée par cette institution elle-même », a regretté la porte-parole du Collectif, Lieve Halsberghe.

Selon elle, la Justice et le monde politique sont trop présents au sein de l’Eglise. « Le centre auquel les victimes peuvent s’adresser est organisé par le CD&V. Et la Justice collabore trop avec l’Eglise. On ne peut pas accepter cela en démocratie », a-t-elle expliqué lundi sur la RTBF.

« J’aurais aimé que les paroles viennent plus profondément des tripes »

Invité du Journal Télévisé de 13h à la RTBF, Gabriel Ringlet a regretté le visage « figé » que l’Eglise a montré lors de la conférence de presse lundi. « J’aurais aimé que les paroles viennent plus profondément des tripes », a déclaré le prêtre et ancien vice-recteur de l’UCL. « C’est ce qu’attendent les victimes », a-t-il ajouté.

« Le mot clé est le mot confiance », a expliqué Garbiel Ringlet. « Il faut donc qu’il n’y ait aucune ambiguïté » aux yeux des victimes. « Il faudrait que les victimes sachent qu’il existe un lieu où elles peuvent exprimer des choses qui n’ont pas pu l’être ailleurs », a précisé Gabriel Ringlet qui craint une « confusion » au sujet du futur centre dans lequel l’Eglise sera partie prenante.

L’ancien vice-recteur de l’UCL se demande si « l’ampleur de la tâche » évoquée par l’Eglise concerne également le travail qu’elle doit faire sur elle-même, une priorité selon Gabriel Ringlet.

« Que l’Eglise s’abstienne et laisse faire la justice »

L’avocat Walter Van Steenbrugge, qui défend une trentaine de victimes d’abus sexuels au sein de l’Eglise, n’est pas convaincu par l’annonce de la mise en place d’une nouvelle commission interne. Il estime que Mgr Léonard aurait dû se contenter d’une déclaration laconique se limitant à une seule phrase: « nous laisserons désormais la justice faire son travail. »

Selon l’avocat, plusieurs victimes ont déjà réagi dans ce sens: l’Eglise doit s’abstenir et laisser la justice faire son travail.

Johan Bonny, porte-parole de la conférence épiscopale, a annoncé lundi que la nouvelle commission allait collaborer avec la justice. « On sait ce que cela a donné dans le passé. L’Eglise doit cesser de passer des accords avec les autorités judiciaires », a commenté Me Van Steenbrugge.

L’avocat insiste sur la notion d’Etat de droit. Il souligne qu’une commission créée au sein de l’Eglise n’a pas de base légale. La seule chose que l’Eglise puisse faire à ses yeux, c’est créer un fonds d’indemnisation dont les avoirs seraient par la suite répartis par la justice.

Me Van Steenbrugge examine la possibilité de réunir les victimes d’abus sexuels au sein de l’Eglise, de telle manière qu’elles puissent être représentées collectivement.

André Léonard s’attend à une réaction de Rome

Concernant Monseigneur Vangheluwe, Monseigneur Léonard a expliqué qu’il s’attendait à une réponse prochaine de Rome, précisant que ce n’était pas à Monseigneur Vangheluwe de décider lui-même de son sort. Il espère également une lettre de Rome à tous les catholiques de Belgique.

C’est au Vatican et non à l’Eglise belge de prendre une décision sur le sort de Roger Vangheluwe, l’ancien évêque de Bruges, a déclaré Monseigneur Léonard.

« C’est la tâche de Rome de prendre une décision », a expliqué Monseigneur Léonard. « Ce n’est pas à l’ancien évêque de décider lui-même de son sort ». L’archevêque attend une réaction de Rome dans des délais proches.

Il n’a par contre pas reçu d’information concernant une lettre du pape Benoît XVI aux catholiques de Belgique, mais estime qu’elle serait la bienvenue.

Fin mars, Benoît XVI avait envoyé une lettre aux catholiques d’Irlande dans laquelle il exprimait sa honte face au scandale de pédophilie dans le clergé irlandais.

Le Vif.be, avec Belga

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