Thomas Michiels

L’école de l’excellence et ses contradictions

Thomas Michiels Assistant et doctorant en philosophie (ISP, Chaire Hoover) à l'UCL

Présenté le 26 janvier par Joëlle Milquet, le projet de « Pacte pour un enseignement d’excellence » ne cesse de faire parler de lui. Mais qu’apporte au fond ce nouveau projet politique ? À y regarder de près, des contradictions toujours plus nombreuses et un parti-pris certain. Analyse.

Fer de lance de la ministre lors de son entrée en fonction, ce projet se présente d’emblée comme une « refondation de l’école » autour de ce qui est appelé une « culture de l’excellence ». Une dénomination singulière pour désigner le besoin de renforcer des mesures déjà existantes : que ce soit en matière d’accompagnement des élèves et acteurs de l’enseignement, d’accroissement de la qualité de l’offre scolaire ou de bonne gouvernance des établissements… Parler de refondation est d’ailleurs quelque peu excessif quand on voit l’orientation prise par le texte. Sont ainsi rappelés des objectifs tels que la lutte contre l’échec scolaire, l’intégration socio-professionnelle ou le développement d’une citoyenneté responsable, mais aussi les mérites de stratégies antérieures à poursuivre comme la CPU ou le projet « Décolâge « .

Faire de l’excellence la première priorité de l’enseignement, est-ce dès lors proposer autre chose que la nécessité de poursuivre l’effort ? On répondrait volontiers par la négative si ce concept, loin d’être anodin, n’entrainait pas avec lui le passage vers une nouvelle sémantique, affectant la façon de déployer et hiérarchiser nos objectifs éducatifs. L’école a besoin d’être plus en phase avec son époque, défend le texte. Le décret « missions » doit être aujourd’hui réexaminé avec l’aide des acteurs de l’enseignement. Une proposition ouverte intéressante, si elle ne donnait un contenu aussi orienté à ce qu’elle attend de l’enseignement. Le texte insiste énormément sur les capacités d’innovation et d’adaptation des élèves, sur la logique de mise en réseau des équipes enseignantes et sur leur « coaching », ou encore sur l’école comme levier de l’emploi et du développement économique. L’épanouissement des élèves, leurs chances d’émancipation sociale, ou leur développement citoyen semblent ici happés par le désir de les voir s’adapter aux impératifs du monde des entreprises et d’une société mondialisée. Les enseignants dont il faut pourtant explicitement accroître l’autonomie, sont eux aussi invités à suivre un même régime. Préparer l’école à la société d’aujourd’hui, c’est semble-t-il, en faire un instrument trop peu critique au service de l’entreprise.

Il faudrait donc être plus au clair sur le sens à donner au Pacte : une refondation concertée ou un parti-pris mal assumé ? On peut d’ailleurs se demander comment celui-ci entend contrer la logique de quasi-marché de l’offre scolaire, là où il propose de donner plus d’autonomie aux établissements et d’augmenter la qualité de leurs offres. Ou encore comment il parviendra à accroître l’autonomie des enseignants tout en leur demandant d’être mieux formés, conseillés et responsabilisés. Des tensions majeures négligées par la forme actuelle du Pacte ; des tensions qu’il conviendra de suivre de près.

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