Delphine Chabbert

L’avenir des allocations familiales à Bruxelles et en Wallonie

Delphine Chabbert Secrétaire politique de la Ligue des familles

Depuis 2012, la Ligue des familles travaille à un projet de réforme des allocations familiales. Seule à animer un débat public sur le sujet côté francophone, la Ligue des familles a mis sur la table un modèle réaliste car budgétairement neutre et efficace dans le soutien aux parents. Essai réussi de l’avis de tous, professionnels… et familles.

La Ligue des familles a dévoilé le 27 mai 2016, sa proposition de réforme des allocations familiales. Unanimité pour reconnaître la qualité et la pertinence de proposition : représentants des ministres Fremault pour Bruxelles et Prévot pour la Wallonie, partenaires sociaux, mouvements familiaux, caisses d’allocations familiales et chercheurs se sont exprimés positivement sur le modèle.

Le lendemain, le gouvernement flamand présente son nouveau système d’allocations familiales pour le 1er janvier 2019. Proche, très proche de celui de la Ligue des familles.

La proposition de la Ligue des familles est réaliste car budgétairement neutre, constructive car permet des compromis politiques et une certaine harmonie entre les régions, efficace car elle aide mieux les parents au moment où ils en ont le plus besoin et plus juste dans la lutte contre la pauvreté des enfants.

Le transfert des allocations familiales : un défi et une opportunité

Soyons clair, le transfert de compétence prévu par la 6e Réforme de l’Etat présente de grands risques. Des erreurs ou des retards auraient des conséquences dramatiques pour les parents. La Ligue des familles sera extrêmement vigilante sur le transfert. Trois priorités guident notre action. 1. Garantir la continuité de paiement des allocations familiales. Pas un jour de retard ne sera toléré.

2. Assurer le maintien des droits actuels pour tous les bénéficiaires. Aucune famille ne doit y perdre. Nous demandons que les familles, en particulier les familles nombreuses, continuent de percevoir le même montant d’allocations familiales jusqu’à leur sortie du système.

3. Préparer, dès maintenant, l’avenir. Les exécutifs wallons et bruxellois ne peuvent pas, ne doivent pas, se contenter de subir une défédéralisation qu’ils n’ont pas souhaité. Pas plus que la Ligue des familles d’ailleurs. Le transfert des allocations familiales est aussi une occasion unique de réformer en profondeur notre système, au bénéfice des parents cette fois. D’où cette proposition de réforme, pour faire avancer le débat là où il peine côté francophone.

La Ligue des familles propose une réforme équilibrée et moderne

Il faut supprimer les rangs et suivre le coût d’un enfant. C’est-à-dire, prévoir la même allocation pour le 1er enfant, le 2e, le 3e etc. Pourquoi ? Parce que les allocations familiales doivent suivre l’évolution du coût de l’enfant. Accorder 3,5 fois plus au 3ème enfant qu’au 1er (comme c’est le cas actuellement) n’est pas efficace dans le soutien financier des parents. Toutes les études sur le « coût de l’enfant », tant nationales qu’internationales s’accordent sur un point : un 4e ou un 3e enfant représente une charge financière comparable à un 2e ou un 1er.

C’est pourquoi nous proposons une allocation de base, d’un montant évalué à 150€, pour chaque enfant, quelle que soit sa place dans la fratrie ou la situation de ses parents. Rappelons également qu’avant d’avoir 3 enfants, les familles commencent par en avoir 1, puis 2. Dans le système actuel, les familles perçoivent des allocations faibles pour leurs premiers enfants. En augmentant significativement l’allocation du 1er enfant, les jeunes parents sont mieux soutenus à un moment de leur vie où très souvent leurs ressources sont plus faibles car en début de carrière. Et puis les familles recomposées sortent grandes gagnantes de cette proposition. Comment compter le « rang » de l’enfant quand les parents d’un enfant ont d’autres enfants d’unions précédentes ? Aujourd’hui ces familles sont lésées car leur 3e ou 4e enfant perçoit une allocation pour un 1er, soit un montant divisée par 3,5…

Enfin, c’est la même logique de coller au mieux au « cout de l’enfant » qui nous conduit à proposer un supplément d’âge aux 14 ans de l’enfant, âge à partir duquel le jeune passe d’une consommation d’enfant à une consommation d’adulte. Ce supplément est évalué à 42,5€.

Il faut renforcer les suppléments pour les familles à faibles revenus et les familles nombreuses

La pauvreté des enfants atteint un niveau record en Wallonie et à Bruxelles. Or, les allocations familiales sont reconnues comme un outil particulièrement efficace dans la lutte contre la pauvreté infantile. Raison pour laquelle la Ligue des familles propose de renforcer les suppléments pour les familles modestes. Un supplément de 50€ par enfant est proposé pour les parents dont les revenus sont inférieurs à un certain plafond (environ 2500 euros bruts mensuels). Nous prévoyons également un supplément social de 30€, cumulable avec le précédent, pour tous les enfants de familles de 3 enfants et plus , dès le premier enfant. L’objectif est là de neutraliser les impacts négatifs sur les familles nombreuses causés par la suppression des rangs.

Avec ces deux suppléments, nous renforçons la sélectivité du système. Aujourd’hui, 5% de l’enveloppe est prévue pour des suppléments sociaux. Avec notre réforme, c’est entre 15 et 20% du budget qui sont consacrés à la lutte contre la pauvreté des enfants. Plus de solidarité pour lutter contre la pauvreté qui touche 1 enfant sur 4 en Wallonie et plus de 4 enfants sur 10 à Bruxelles. Les 80% restant sont « universaux », c’est-à-dire accordés de façon identique pour chaque enfant.

Enfin, il faut maintenir les allocations majorées pour les enfants handicapés et orphelins, comme c’est le cas actuellement.

Forte adhésion sur la proposition de la Ligue des familles

Côté bruxellois, le représentant de la ministre Fremault est affirmatif : Bruxelles devrait supprimer les rangs et prévoir des suppléments sociaux. Il y a un accord sur ces principes dans la Déclaration de politique régionale. Reste à définir les modalités et les montants. La proposition de la Ligue des familles fait mouche.

Côté wallon, la suppression des rangs est acquise mais les questionnements restent sur les suppléments. La Région attend, d’ici l’été, les résultats d’une étude sur plusieurs scenarii possibles. La proposition de la Ligue en est un.

Les caisses d’allocations familiales quant à elles soutiennent la réforme. Bonne nouvelles, elles sont un acteur incontournable du futur régional des allocations familiales.

Les partenaires sociaux sont plus mesurés. A l’échelle régionale, c’est une compétence qu’ils découvrent. En gros, oui sur les principes, mais beaucoup de flous encore sur les modalités.

En Flandre, l’avenir est désormais connu. Le gouvernement flamand a présenté publiquement ce samedi 30 mai 2016 sa réforme des allocations familiales, en vigueur au 1er janvier 2019, soit un an avant la date butoir du transfert…

On ne va pas bouder notre plaisir. La Flandre supprime les rangs, prévoit des suppléments sociaux en fonction des revenus des parents, avec un soutien renforcé pour les familles nombreuses. Des bonnes nouvelles pour les futures familles flamandes, et par ricochet pour les familles francophones dont la vie sera simplifiée si les systèmes d’allocations familiales des différentes régions sont proches.

Plus mitigé pour nous est la suppression complète des suppléments d’âge, le rognement sur l’allocation « orphelin » et sur le lien entre l’inscription scolaire en maternel et un supplément de 150€. Même si la Ligue des familles défend ardemment une scolarisation dès la première année de maternelle, nous regrettons cette conditionnalité. Pour une raison simple : c’est faire jouer aux allocations familiales un jeu qui n’est pas le leur. Ces allocations sont un outil de solidarité qui marque la prise en charge des enfants par la collectivité et permet aux parents de donner à leurs enfants des conditions de vies dignes. Il ne faut pas tout mélanger. La réponse à la non-inscription à l’école maternelle se trouve davantage dans un accompagnement des parents plutôt que dans une carotte financière.

Et si on ne changeait rien ?

Une branche entière de la Sécurité sociale transférée du fédéral aux régions, des changements prévus dans une allocation cruciale pour un grand nombre de familles, cela inquiète et fait peur. Nous aussi. Nous n’avons pas souhaité cette défédéralisation. Est-ce pour autant une raison de ne rien faire ? La Ligue des familles, avec tout son savoir-faire, ses compétences reconnues par tous, son expérience de gestionnaire des allocations familiales depuis 1930 ( !), veut oser la réforme. Parce que c’est une occasion historique, unique, d’aller vers un mieux pour les familles. Le modèle actuel d’allocations familiales est dépassé et ne correspond plus à la diversité et à la réalité des familles d’aujourd’hui. Il est possible de mieux soutenir les parents au moment où ils en ont besoin et de lutter plus efficacement contre la pauvreté, véritable fléau de notre société.

La Ligue des familles propose une réforme équilibrée et rassembleuse, avec sérieux et transparence. A ceux qui voudraient une Ligue des familles cantonnée dans le passé, au nom d’une vision nostalgique de la famille, nous répondons par l’audace, la compétence, la légitimité et l’ouverture. Autant de qualités reconnues par le plus grand nombre, aujourd’hui et pour longtemps encore, nous n’en doutons pas.

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