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L’ancien premier ministre Jean-Luc Dehaene est décédé

Le Vif

Jean-Luc Dehaene est décédé à l’âge 73 ans. L’ancien premier ministre, qui souffrait d’un cancer du pancréas est décédé d’une chute en France. Il siégeait dans différents conseils d’administration et au parlement européen.

Jean-Luc Dehaene, décédé jeudi à l’âge de 73 ans, a fait un malaise alors qu’il visitait la biscuiterie française Le Glazik du groupe Lotus Bakeries à Briec (Bretagne). L’ancien Premier ministre, administrateur de Lotus jusqu’en mars 2011, était fatigué à son arrivée et la visite a rapidement été écourtée, a indiqué à l’agence Belga Marc Berger, le directeur de l’usine.

Jean-Luc Dehaene se trouvait dans l’usine de Briec en compagnie de sa femme et d’un ami. « Sa visite était prévue depuis quinze jours », a précisé Marc Berger qui a accueilli le ministre d’Etat à son arrivée. « Il était fatigué et il a fait un malaise peu de temps après le début de la visite. »

En accord avec son épouse, les responsables de l’usine ont alors mis fin à la visite et ont appelé une ambulance qui a rapidement emmené Jean-Luc Dehaene à l’hôpital de Quimper.

Les réactions à chaud des hommes politiques

Elio Di Rupo, Didier Reynders ou encore Philippe Moureaux figurent parmi les premières personnalités politiques francophones ayant rendu hommage sur Twitter à l’ancien Premier ministre Jean-Luc Dehaene, décédé jeudi en France à la suite d’une chute.

=> Lire aussi: Le monde politique rend hommage à « un homme d’Etat hors du commun »

Le Premier ministre Elio Di Rupo (PS) a rendu un premier hommage à M. Dehaene, louant un « homme d’Etat hors du commun » et un « compagnon de route précieux ». Le vice-Premier ministre Didier Reynders (MR) envoie ses pensées à la famille et aux proches d’une « forte personnalité de premier plan ».

L’ancien président d’Ecolo Jean-Michel Javaux a également salué la mémoire de l’ancien Premier ministre, se remémorant « des rencontres hors normes, franches, directes, concrètes ». Philippe Moureaux (PS) s’est lui dit « totalement bouleversé » par la mort de M. Dehaene, « le plus grand politique de ces dernières années, un homme d’envergure », selon lui. « Jean Luc n’a jamais été pour moi un adversaire mais bien un partenaire malgré nos divergences politiques », ajoute-t-il.

« Avec le décès de Jean-Luc, j’ai l’impression que toute une époque se meurt. Il a écrit une page de notre histoire. Il faut s’inspirer de lui », tweete encore celui qui fut avec lui l’un des artisans de la création de la Région bruxelloise.

Le ministre fédéral du Budget Olivier Chastel (MR) a également présenté ses condoléances à la famille de M. Dehaene par le moyen du réseau social. Le ministre wallon de l’Economie Jean-Claude Marcourt a déploré la perte d’un « monument du pays ». Le président du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles Jean-Charles Luperto (PS) salue l’incarnation du « compromis à la belge ». Ou encore du côté néerlandophone:

Kris peeters : « Avec Jean-Luc Dehaene nous perdons le père de la Belgique fédérale. Un homme du compromis. Un homme d’Etat. »

Wouter Beek : « Le décès de Jean-Luc Dehaene fait perdre un grand homme d’état à notre pays. Un pilier du parti. Courage à Celie et à la famille. »

Annemie Turtelboom : « Jean-Luc Dehaene, le maître du possible. Le guide qui montre comment avancer dans une société complexe et diverse. Courage à la famille. »

Alexander De Croo: « Adieu à Jean-Luc Dehaene. Bon courage à la famille, aux amis et aux partisans. Un homme qui forçait le respect. »

Geert Bourgeois : « RIP Jean-Luc Dehaene, condoléances à sa famille ».

Le CD&V suspend sa participation à la campagne électorale jusqu’à dimanche soir

Le CD&V, formation politique de Jean-Luc Dehaene, a décidé de suspendre sa participation à la campagne électorale jusqu’à dimanche soir, ont annoncé jeudi en fin de journée, le président du parti, Wouter Beke, et le ministre-président flamand Kris Peeters. Les présidents des autres formations démocratiques flamandes, à savoir Gwendolyn Rutten(Open VLD), Bruno Tobback (sp.a), Wouter Van Besien (Groen) et Bart De Wever (N-VA), ont aussitôt dit comprendre cette décision du CD&V et décidé pour leur part de suspendre les débats et activités de campagne nationale prévus ce jeudi soir.

Report du duel télévisé entre Elio Di Rupo et Didier Reynders
Le débat télévisé prévu jeudi soir sur la RTBF entre Elio Di Rpo (PS) et Didier Renders (MR) a été reporté en raison du décès de Jean-Luc Dehaene. Le duel aura lieu lundi prochain, a indiqué Johanne Montay, la rédactrice en chef politique de la RTBF, sur son compte Twitter.

Vilvorde ouvre un registre de condoléances et met les drapeaux officiels en berne

La ville de Vilvorde, fief de l’ex-Premier ministre, ouvrira à partir de vendredi un registre de condoléances. Celui-ci restera ouvert samedi, de 9 à 18 heures, et durant toute la semaine prochaine, aux heures d’ouverture de la maison communale où Jean-Luc Dehaene a siégé de 2001 à 2007, comme bourgmestre.

Dans un communiqué, Vilvorde a fait part de sa fierté vis-à-vis des réalisations de Jean-Luc Dehaene, en tant que bourgmestre et des chaleureux souvenirs qu’elle gardera de l’époque durant laquelle il l’a dirigée.

L’actuel bourgmestre Han Bonte (sp.a) a ainsi souligné l’implication, jusqu’au bout, du ministre d’état pour faire de Vilvorde une belle et agréable ville de résidence. « Il était un de leviers fondamentaux qui ont fait de cette vieille ville industrielle une ville résidentielle moderne. Je pense à la reconversion de la zone le long du canal et des anciens axes
industriels, mais aussi au très grand coup d’accélérateur porté à la rénovation urbaine », a souligné Hans Bonte qui considère l’ex-Premier ministre démocrate-chrétien, comme un de ses « pères » en politique.

Selon le maïeur socialiste flamand, Jean-Luc Dehaene avait une incroyable vision à long terme de la ville et il avait continué à offrir ses services pour aider à réaliser des choses là où il le pouvait pour sa ville, même après le passage du CD&V dans l’opposition.

Jean-Luc Dehaene, le « bulldozer » de la politique belge

Figure politique incontournable de la fin du XXe siècle, Jean-Luc Dehaene aura marqué de son empreinte le cours de la Belgique dont il fut Premier ministre près de huit années durant, avant de se reconvertir au niveau européen ainsi que dans les affaires.

Reconnu pour son intelligence et sa détermination à toutes épreuves, l’homme fut tour à tour qualifié de « démineur », de « bulldozer » ou de « plombier » de la politique belge. Cette réputation enviable sera cependant écornée par le naufrage de la banque Dexia, à la tête de laquelle il avait été nommé fin 2008 après le début de la crise financière.

Imposant physiquement, parfois bourru avec la presse, le « taureau de Vilvorde » avait pris l’habitude ces dernières années de se qualifier de « politicien de l’ancienne génération », à des années lumières de la peoplisation, de la communication politique lisse et des réseaux sociaux. Aux feux de la rampe, l’homme préférait les négociations discrètes, plus efficaces pour forger des compromis dont il avait le secret.

Né le 7 août 1940 à Montpellier (sud de la France), Jean-Luc Dehaene était diplômé en droit et en économie de l’Université de Namur et de la KUL.

Il débute sa carrière dans les organisations sociales-chrétiennes. A la « Vlaamse verbond der Katholieke Scouts » d’abord (1963-67), puis à l’ACW (le MOC flamand) en tant qu’attaché au service d’étude de 1965 à 1972. Cette même année, il accédera au bureau national du CVP après un passage dans le « wonder cabinet » des CVP-Jongeren (1967-71) dont il fut le vice-président, aux côtés d’un certain Wilfried Martens, décédé en 2013.

Membre de différents cabinets ministériels sociaux-chrétiens dans les années 70, il sort de l’ombre en 1981 en devenant pour la première fois ministre (Réformes institutionnelles et Affaires sociales) dans le gouvernement Martens VI.

Eminence grise du CVP, il est considéré comme le véritable architecte du dernier gouvernement Martens puisqu’il en avait été successivement l’informateur et le formateur -durant près de trois mois- avant de devenir vice-Premier ministre en charge des Communications et des Réformes institutionnelles.

Sa fonction de « démineur » s’accentue encore quand le roi fait appel à lui pour dénouer la crise politique née du scrutin législatif du 24 novembre 1991, lequel avait sanctionné les socialistes et les sociaux-chrétiens et vu la percée de l’extrême-droite au nord du pays.

Informateur, puis formateur, Jean-Luc Dehaene bâtit finalement une coalition « rouge-romaine » avec un programme axé sur trois priorités: l’assainissement des finances publiques, l’achèvement de la Réforme de l’Etat, et la rencontre des préoccupations de l’électeur sous la forme d’un intitulé ambitieux « le contrat avec le citoyen ».

Et assainissement budgétaire, il y aura avec près de 500 milliards de francs d’économies, un record pour l’époque en Belgique. Une Belgique qui, deuxième objectif atteint, devient par ailleurs fédérale au terme d’une réforme de l’Etat qui introduit l’élection directe des membres des différentes assemblées fédérales, régionales et communautaires.

En 1993, alors que la Belgique préside l’Union européenne, Jean-Luc Dehaene se fait remarquer par ses pairs européens et le président de la Commission européenne de l’époque Jacques Delors pour la qualité de son travail.

Encouragé à présenter sa candidature pour succéder au Français à la tête de l’exécutif européen, il sera toutefois stoppé net par le Premier ministre britannique John Major qui met son veto à sa désignation lors du sommet de Corfou, en juin 1994. Jugé trop eurofédéraliste par les Britanniques, le Belge voit la haute fonction lui filer entre les doigts au profit du Luxembourgeois Jacques Santer, démocrate-chrétien comme lui.

Resté Premier ministre, Jean-Luc Dehaene sera alors confronté à différents événements tumultueux de l’histoire de Belgique contemporaine: l’affaire Agusta-Dassault d’abord, l’affaire Dutroux ensuite, et enfin la crise de la dioxine, en 1999, qui lui vaudra finalement d’être renvoyé dans l’opposition malgré ses 600.000 voix de préférence.

Ecarté du pouvoir au profit d’une majorité arc-en-ciel (libéraux, socialistes et écologistes), Jean-Luc Dehaene se reconvertit dans les affaires en devenant administrateur de plusieurs grandes entreprises.
En 2001, à l’issue d’une nouvelle présidence belge de l’Union européenne, il est nommé vice-président de la Convention européenne, sous la direction de l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing. Il tient à cette occasion la plume lors de la rédaction du projet de Constitution européenne, qui donnera finalement naissance au Traité de Lisbonne.

En 2004, il est élu au Parlement européen dont il devient l’un des spécialistes des questions budgétaires.

En 2007 et 2009, il reviendra brièvement sur la scène politique belge pour différentes missions ponctuelles de médiation, notamment pour la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde, mais sans succès.

Fin 2008, il est appelé à la rescousse pour redresser Dexia, méchamment secouée par la crise financière. Il accède au poste de président du Conseil d’administration de la banque, en tandem avec le Français Pierre Mariani, désigné CEO. Mais ce sera un échec.

Affaiblie, la banque ne survivra pas à une seconde tempête, celle des dettes souveraines, deux ans plus tard. « C’était Mission impossible… », reconnaîtra-t-il à regret un peu plus tard.

Marié à Celia Verbeke avec qui il aura quatre enfants, Jean-Luc Dehaene amassa une volumineuse collection de coqs (de haan, en néerlandais) en tous genres, avant d’en vendre plus tard une partie au profit de bonnes oeuvres.

A côté de la politique, le football était l’autre passion de Jean-Luc Dehaene, et plus particulièrement le Club de Bruges, dont il portait fièrement l’écharpe noire et bleue dans les tribunes du stade Jan Breydel où on le vit plus d’une fois s’enflammer.

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