Jean-Claude Fontinoy © Belga

Kazakhgate : Fontinoy nous a menti

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Devant la Commission d’enquête parlementaire, mercredi, Jean-Claude Fontinoy, le fidèle bras droit de Didier Reynders a reconnu avoir rencontré Etienne des Rosaies, personnage central du Kazakhgate, en 2013, dans le cadre de l’anoblissement de Georges Forrest. Or, interrogé par Le Vif, il y a cinq mois, Fontinoy avait farouchement nié avoir eu le moindre contact avec des Rosaies !

Le 23 novembre dernier, LeVif.be publiait un article sur un étrange contact entre le cabinet Reynders et Jean-François Etienne des Rosaies, cet homme de l’ombre de l’Elysée sous Nicolas Sarkozy, qui a été chargé de trouver une solution aux ennuis judiciaires du trio kazakh en Belgique. Dans cette enquête du Vif et du Standaard, nous révélions que le cabinet Reynders s’était investi dans le projet nobiliaire de l’homme d’affaires Georges Forrest, à l’automne 2013 et que, dans ce cadre, Etienne des Rosaies, qui est un proche de Forrest, est entré en contact avec Jean-Claude Fontinoy, le vieux compagnon de route de Reynders. Interrogé par Le Vif, Fontinoy avait vivement contesté la chose : jamais vu ni entendu ce des Rosaies…

Or, ce mercredi 10 mai, devant la commission d’enquête parlementaire Kazakhgate, la version de Jean-Claude Fontinoy était tout à fait différente. Le conseiller-expert du vice-Premier MR a reconnu avoir été contacté, en octobre 2013, par Jean-François Etienne des Rosaies, dans le cadre du projet d’anoblissement de Forrest, et l’avoir reçu à plusieurs reprises. Conclusion : en novembre dernier, Fontinoy nous a menti. Pour quelle raison a-t-il pu changer de version ? Depuis notre conversation avec lui, Le Vif et De Standaard ont fait d’autres révélations. Entre autre celle concernant une clé USB sur laquelle l’ancienne secrétaire personnelle d’Etienne des Rosaies archivait la correspondance du conseiller élyséen. Sur cette clé USB, saisie par la justice française, les courriers de des Rosaies sont classés par dossier. Il y en a dix en tout, dont un baptisé « Fontinoy (président de la SNCF belge) ». Il devenait donc difficile pour le bras droit de Reynders de continuer à nier ses contacts avec des Rosaies. Mais pourquoi avoir alors menti au Vif ?

Voici les deux versions (que nous avons enregistrées) de Jean-Claude Fontinoy à propos de ses contacts avec Jean-François Etienne des Rosaies.

1. Au téléphone avec Le Vif/L’Express, le 23 novembre 2016 (après les présentations de politesse) :

Le Vif : Je voulais savoir comment s’était passée la procédure d’anoblissement de Georges Forrest. Je pense que vous aviez des renseignements là-dessus. Qui l’a proposé ?

>J-C. Fontinoy : Ah, je ne sais pas. Moi, je ne m’occupe pas de ça, vous savez. Mais tout ça est très vieux. Ce n’est pas d’actualité.

Deux ans…

>Oui, mais écoutez, moi, je me suis pas occupé de ça. Ce n’est pas dans mes attributions au cabinet des Affaires étrangères.

Vous n’avez pas rencontré Jean-François Etienne des Rosaies pour cela, à cette occasion, ou parlé au téléphone ou eu un contact avec lui ? Jean François Etienne des Rosaies…

>Ah non. Jamais. Je n’ai jamais eu de contact avec… Non, absolument pas. Du tout, du tout, du tout. Aux Affaires étrangères, la commission d’anoblissement est souveraine et je ne sais pas comment ça se passe. Voilà. Je suis franc avec vous. Je ne me suis jamais occupé de ça.

Monsieur Fontinoy, quand même, nous avons des informations comme quoi vous auriez servi d’intermédiaire entre Jean François Etienne des Rosaies et certains milieux notamment diplomatiques.

>Et certains quoi ?

Certains milieux notamment diplomatiques. Vous auriez servi d’intermédiaire…

>Quels milieux diplomatiques ?

Je vous demande si vous l’avez rencontré, si vous avez servi d’intermédiaire.

>Pas du tout. Je n’ai jamais servi d’intermédiaire avec Monsieur des Rosaies, comme vous dites. Absolument pas. Absolument pas. Je démens formellement. C’est tout simple.

Vous ne le connaissez pas ? Vous ne l’avez jamais vu ni entendu ?

>Non, je démens formellement cette histoire. Voilà…

2. A la Commission d’enquête parlementaire, mercredi 10 mai 2017 :

J-C. Fontinoy : Je vais répéter encore une fois, car on m’a posé la question cinquante fois. Je ne me suis jamais occupé des dossiers secrets bancaires, transaction pénal et Kazakhgate. J’ai appris tout ça par les médias comme tout le monde. En ce qui concerne mes contacts avec Monsieur des Rosaies, je ne le connaissais pas. J’ai eu une première fois un contact avec lui en octobre 2013. Monsieur des Rosaies s’est présenté, il m’a téléphoné, il a pris contact, comme – je lis, parce que j’aime bien que les titres soient précis – conseiller spécial du Grand Chancelier de l’ordre souverain, militaire, hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte et expert agréé près la Cour pénale internationale. Monsieur des Rosaies a demandé que je le reçoive. Je l’ai reçu en octobre 2013. Quel était le but de son déplacement ? Représenter Jean-Pierre Mazery, le Grand Chancelier de l’Ordre de Malte dans la proposition d’anoblissement de Georges Forrest. (…) Monsieur des Rosaies est également revenu, et cela s’est répété au cours de mes contacts avec l’Ordre de Malte, pour la reconnaissance diplomatique de l’Ordre de Malte par la Belgique. (…) Jean-François Etienne des Rosaies connaissait mon nom par Georges Forrest. (…) Il prend contact avec moi pour essayer de faire évoluer le dossier de Monsieur Forrest. D’autres sont intervenus. J’ai relayé les demandes vers le chef de cabinet Affaires étrangères. C’est la procédure. Je ne pouvais que relayer. On me le demande, je le fais. (…) J’ai un premier contact fin octobre 2013, pas avant. Je ne connaissais pas Monsieur des Rosaies. J’ai été surpris d’apprendre en cours de route qu’on le mentionnait dans le dossier Kazakhgate. (…) Quand j’ai eu le coup de téléphone de Monsieur des Rosaies, nous avons fixé un rendez-vous. Ce rendez-vous a eu lieu avec Monsieur Forrest.

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