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Justice :coup de gueule des experts judiciaire

Après les gardiens de prison et les avocats pro deo, les experts judiciaires clament leur ras-le-bol et tirent la sonnette d’alarme. Une épine supplémentaire dans le pied de la ministre Turtelboom (Open-VLD). Rien ne va plus dans le monde judiciaire.

C’est un vrai coup de gueule que poussent les experts par la voix du porte-parole de l’Union professionnelle des experts judiciaires. Ils se sentent prêts à tout. Une lettre ouverte bientôt envoyée à la ministre de la Justice ne suffira pas. Pourquoi ne pas s’enchaîner à une grille devant le cabinet ou le 16 rue de la Loi ? Les idées choc fusent au sein de la profession. Comment en est-on arrivé là ?

« Déjà sous Stefaan De Clerck (Ndlr : ex-ministre de la Justice CD&V), on nous faisait savoir qu’on n’a plus besoin d’experts judiciaires, explique Thierry Mansvelt de l’Union. Nous sommes suspects de faire traîner les dossiers, d’être la cause de nombreuses procédures d’appel et, surtout, de coûter trop cher. » Selon l’Union, les expertises pénales ont diminué de plus de 60 % en quatre ans. Il reste environ 500 experts contre plus d’un millier, il y a cinq ans. Ce sont surtout les experts comptables, informatiques, en accidentologie qui sont touchés, moins les médecins légistes.

Les juges d’instruction ont reçu des injonctions pour diminuer drastiquement leurs demandes. Il n’est pas rare de voir un expert mettre la clé sous le paillasson ou licencier des collaborateurs. Sans parler des arriérés de payement. Lorsqu’elle a pris les commandes de la Justice, Annemie Turtelboom a découvert une ardoise de plus de 7 millions d’euros, incluant les laboratoires ADN et les télécoms. « Je connais un bureau d’experts à qui l’Etat doit 450 000 euros. Pour les psychologues, les créances classiques vont de 25 000 à 30 000 euros, affirme Mansvelt. Aujourd’hui, les arrondissements judiciaires, dont on a réduit le nombre, travaillent avec des enveloppes fermées. Que fera-t-on avec un dossier aussi important que l’affaire Dutroux, si cela devait arriver ? »

Et le porte-parole de pointer d’autres dysfonctionnements : en matière de fraude fiscale, la justice préfère dorénavant s’adjoindre les services d’un agent du fisc, de toute façon déjà rétribué par l’Etat, plutôt que ceux d’un expert comptable. Cela ne menace-t-il pas l’impartialité dont les magistrats doivent faire preuve ? Dans le dossier Fortis, on peut se demander si les petits actionnaires se seraient vus systématiquement déboutés, si le matériel informatique de la banque avait été saisi ? Cela n’a pas été fait : faute de moyens ?

Bref, outre leur gagne-pain, les experts tirent la sonnette d’alarme en dénonçant le délabrement de la justice. Malgré leurs requêtes, ils n’ont pas encore été reçus par la ministre Turtelboom, juste par un délégué du cabinet qui leur a signifié qu’il y avait des situations plus graves que la leur (l’état des prisons) et des gens qui faisaient davantage de bruit qu’eux (gardiens, avocats…). « Nous ne voulons plus nous adresser à Madame Turtelboom, qui de toute façon n’a pas les mains libres, car elle est prisonnière de son groupe politique et du fait qu’elle n’est plus vice-Première, lâche encore Thierry Mansvelt. Elle a, en outre, hérité d’une situation très mauvaise. C’est le gouvernement et le Premier ministre que nous interpellons, pour lui faire savoir qu’un des trois pouvoirs de notre société démocratique est en danger. »

Depuis plusieurs semaines, Le Vif/L’Express a sollicité, à plusieurs reprises, une interview de la Ministre Turtelboom pour évoquer les différents problèmes de la Justice. Sans succès jusqu’ici.

Thierry Denoël

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