Jean Paul Van Bendegem

Joke Schauvliege : ministre omnicompétente

Il est normal qu’actuellement en Belgique la formation du gouvernement fédéral cristallise toute l’attention. Puisque tout le monde s’y est forgé une opinion et que ces opinions sont si diversifiées que chacune d’elles, imaginable ou même inenvisageable, finit par trouver ses partisans, je préfère ne pas aborder le sujet.

Par Jean Paul Van Bendegem, Professeur à la Vrije Universiteit Brussel, mathématicien et philosophe.

Ce dont on ne se rend pas compte en Flandre (et encore moins à l’extérieur de ses frontières), c’est qu’une révolution silencieuse s’est produite, porteuse éventuellement de lourdes conséquences. En effet, nul ne s’en est aperçu et il faut être philosophe, comme l’auteur de ces lignes, pour s’en étonner.

De quoi s’agit-il ? Le gouvernement flamand compte parmi ses membres Joke Schauvliege. Le lecteur se méprendrait s’il pense que je veux m’arrêter sur l’incident qui a opposé cette ministre à Paul Magnette sur la question de savoir qui conduirait la délégation belge au sommet du climat à Cancun. Ce qui m’intrigue, ce sont les compétences de cette ministre. Officiellement, elle est ministre flamande de l’Environnement, de la Nature et de la Culture. L’Environnement, je suppose, peut être considéré comme faisant partie de la Nature. On peut donc affirmer qu’elle est ministre de la Nature et de la Culture. Partagez-vous mon étonnement ? En dehors de la nature et de la culture, que subsiste-t-il ? Rien, bien entendu, tout se réduit à l’une ou à l’autre.

Une seule conclusion s’impose : la ministre Schauvliege est omnicompétente. Si tel est le cas, à quoi servent encore les autres ministres ? La première chose qui vient à l’esprit, c’est que tous pourraient être démis de leurs fonctions. Alors, logiquement, Joke Schauvliege deviendrait ministre-présidente. Autrement dit, on entre dans un système de dictature. Ce que nous réprouvons, bien sûr. Mais si les autres ministres n’ont que des compétences partielles, Schauvliege demeure plus importante qu’eux. Il faut donc que les autres ministres deviennent eux aussi omnicompétents. Mais alors, qu’est-ce qui les différencie encore ?

Il n’y a qu’une seule issue à ce problème : l’omnicompétence doit être répartie d’une autre manière. Par exemple, il devrait y avoir un ministre des Situations intérieures et extérieures du passé, du présent et du futur, un ministre des Situations éthiques, esthétiques et factuelles, un ministre du Jour et de la Nuit… De cette révolution qui ne dit pas son nom il découle essentiellement que l’ensemble des ministres devraient se concerter pour décider ensemble de toutes choses. La vraie démocratie, non ?

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire