En 1999, Joëlle Milquet devient présidente du PSC après le bref intérim de Philippe Maystadt. © Belga

Joëlle Milquet, la dame de fer du cdH

La ministre de l’Education et de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Joëlle Milquet (cdH) a démissionné lundi après avoir été inculpée dans le cadre de l’instruction du dossier sur des collaborateurs litigieux qu’elle aurait engagés au cabinet de l’Intérieur, lorsqu’elle était titulaire de ce portefeuille, six mois avant les élections de 2014.

Née le 17 février 1961 à Charleroi, Joëlle Milquet est licenciée en droit de l’Université catholique de Louvain (1984) où elle sera assistante, tout en étant inscrite au barreau de Bruxelles.

Après une expérience à la Cour de justice des Communautés européennes, elle rejoint le groupe PSC du Sénat pour devenir ensuite chef de cabinet adjoint du ministre de l’Enseignement supérieur Michel Lebrun, où elle côtoiera André Antoine, et puis secrétaire politique des sociaux-chrétiens francophones.

En 1995, elle devient sénatrice. A la fin de la même année, elle débarque sur l’avant-scène de l’actualité politique, à la suite du départ du président du PSC, Gérard Deprez, le 16 décembre, après 14 années passées à la tête du parti. Celui-ci veut placer à la tête d’un parti en déclin électoral une figure nouvelle, apte à ses yeux à incarner le renouveau des sociaux-chrétiens francophones. La tentative échoue de peu: Charles-Ferdinand Nothomb, qui brigue lui aussi la présidence, l’emporte de quelques voix.

Joëlle Milquet attend 1999 pour devenir présidente du PSC après le bref intérim de Philippe Maystadt, la déroute des sociaux-chrétiens aux élections et leur relégation dans l’opposition. Elle s’emploie à rajeunir le parti et à moderniser son image. En 2002, elle efface la référence chrétienne de sa dénomination pour en faire le centre démocrate Humaniste (cdH). Le parti demeure cependant fragile.

Joëlle Milquet veille rapidement à le sortir de l’isolement dans lequel il s’est retrouvé après la constitution des majorités arc-en-ciel. Depuis les bancs de l’opposition, le PSC contribuera au vote des accords de la Saint-Polycarpe au nom du refinancement de la Communauté française et de la pérennité de l’enseignement francophone.

Les élections de 2003 se traduisent pour le cdH par un score qui reste faible et le parti devra passer une législature fédérale de plus dans l’opposition. Il affrontera même une tentative d’OPA du MR sur une partie de ses cadres qui se marquera par le départ du député-bourgmestre de Dinant, Richard Fournaux, et une méfiance persistante à l’égard des libéraux.

Il faut attendre les élections de 2004 pour voir le cdH revenir dans les majorités des Régions wallonne et bruxelloise et à la Communauté française, en alliance avec le PS dirigé par Elio Di Rupo.

Après les élections communales de 2006, Joëlle Milquet devient échevine à Bruxelles-Ville.

« Madame non »

Le scrutin du 10 juin 2007 marque le retour du cdH dans la majorité fédérale. Joëlle Milquet s’affirme encore un peu plus sur la scène politique au cours des longues négociations de l’orange bleue et son intransigeance sur certaines questions lui vaut le surnom de « madame non » dans la presse flamande.

Ces négociations font également apparaître une inimitié tenace avec le MR et son président de l’époque, Didier Reynders. Celui-ci n’apprécie guère le style de Joëlle Milquet et l’accuse régulièrement de vouloir ramener le PS dans le jeu.

A la fin de l’année 2007, le gouvernement intérimaire est enfin formé avec du côté francophone, le MR, le PS et le cdH qui désigne comme ministre un homme au-dessus de la mêlée: l’ancien leader de la CSC, Josly Piette.

Au cours de toutes ces années et singulièrement au cours des négociations de l’orange bleue, la cote de popularité de Joëlle Milquet n’a cessé de croître. Elle entre dans le gouvernement fédéral Leterme I en 2008 tout en conservant la présidence de son parti pour quelques mois, dit-on alors, le temps que la procédure pour lui trouver un successeur ait abouti.

Le passage de témoins avec Benoît Lutgen aura finalement lieu en 2011.

Comme ministre de l’Emploi, Joëlle Milquet aura été à l’initiative d’une série de mesures permettant à la Belgique de traverser la crise de 2008-2010 sans trop d’encombres.

Sous la législature 2011-2014, elle était Vice-Première ministre, ministre de l’Intérieur et de l’Égalité des chances au sein du gouvernement Di Rupo installé le 6 décembre 2011. En deux ans et demi, elle a notamment fait adopter trois réformes: l’optimalisation de la police, la réforme et le refinancement des zones de secours, et la réforme du Conseil d’Etat. Son mandat a coïncidé avec une baisse de la criminalité depuis 2011: -10,4% sur les 6 premiers mois de l’année 2013, par rapport à la même période de 2011. Dans la capitale, elle a fait adopter, en collaboration avec la Région bruxelloise, une série de mesures pour renforcer la sécurité dans les transports en commun, notamment par la présence de policiers supplémentaires.

En octobre 2012, malgré qu’elle réalise le deuxième score en voix de préférence à la Ville de Bruxelles, Joëlle Milquet doit se résoudre à voir son parti éjecté de la majorité au profit du MR. Son ardeur n’en sera pas affectée puisqu’elle affiche une combativité certaine à l’égard de la nouvelle équipe.

En vue des élections du mois de mai 2014, Joëlle Milquet se voyait confier la première place à la Région bruxelloise alors qu’elle était plutôt attendue au niveau fédéral, où se présentaient deux autres vice-premiers ministres, Didier Reynders et Laurette Onkelinx.

Ce choix du président Lutgen préfigurait peut-être la suite de la carrière de la dame de fer du cdH. Celle qui incarnait son parti à l’échelon fédéral passait désormais à la Fédération Wallonie-Bruxelles, où elle héritait du portefeuille difficile de l’enseignement.

Peu avant ces élections, le magazine ‘Le Vif/L’Express’ avait toutefois révélé le recrutement de collaborateurs de campagne par la vice-Première ministre et ministre de l’Intérieur, au sein de ses deux cabinets. Selon le magazine, ces collaborateurs semblaient uniquement chargés de préparer la campagne électorale de Mme Milquet à Bruxelles. Une grande partie de ces nouveaux collaborateurs s’étaient par la suite retrouvés sur les listes du cdH. L’instruction du dossier sur ces collaborateurs litigieux par la justice a finalement conduit à l’inculpation de Mme Milquet, entraînant sa démission le 11 avril 2016. L’ancienne présidente du cdH a remis son mandat ministériel à la disposition du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

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