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Jambon I: qu’en pense la Flandre ?

Muriel Lefevre

Le politologue Carl Devos (UGent) constate l’empreinte notable du Vlaams Belang sur Jambon I et se demande ce que vient faire le CD&V dans cette coalition. Il n’est pas le seul. La majorité de la presse flamande s’accorde pour dire qu’on observe un « déplacement vers la droite sous l’influence du Vlaams Belang ». Le point.

Le nouveau ministre président Jan Jambon (N-VA) souhaitait rompre avec le passé. Jambon y est-il parvenu ?

Carl Devos : La volonté de changement semble en effet plus grande qu’il y a cinq ans. Sur des points cruciaux, cette équipe opte pour une autre direction. Le tableau d’ensemble donne l’impression d’un gouvernement qui veut faire la différence, un aspect auquel tenait particulièrement la N-VA. Il imprimera davantage sa marque que le gouvernement Bourgeois.

Pour vous, quels sont les grands changements ?

L’introduction du service communautaire, le nouveau ministre flamand de la Justice, le débat sur le canon flamand…. Ce sont des choix clairs qui donnent un visage à ce cabinet. L’abolition du vote obligatoire est aussi historique : cette décision sera inscrite dans tous les livres d’histoire. Je suis toutefois déçu que le gouvernement se limite aux élections municipales et provinciales. Néanmoins, c’est surtout dans le domaine de l’intégration qu’on observe un changement de style.

Ces mesures, y compris l’abolition des allocations familiales pour les demandeurs d’asile, sont-elles suffisantes pour contrecarrer le  » malaise  » des électeurs, comme Jan Jambon le pense ?

En termes d’intégration, l’accord de coalition répond effectivement à de nombreuses critiques du Vlaams Belang. Peu après l’annonce de l’accord gouvernemental, ce parti s’est d’ailleurs attribué ce point du programme. N’oubliez pas que le Vlaams Belang a eu plusieurs conversations durant l’été avec l’informateur Bart De Wever (N-VA).

Le gouvernement Jambon fait tout ce qu’il peut pour éviter de devenir un cabinet qui se chamaille. Est-ce possible ?

Je crois vraiment que les partis au pouvoir veulent éviter les chamailleries et tenteront, vaille que vaille, de maintenir une bonne entente. Mais, à un moment donné, il y aura forcément des discussions. Des discussions qu’il est impossible d’anticiper dans un accord de coalition et qui seront potentiellement source de querelles. Certainement, s’il s’avère qu’un parti ne se sent pas en adéquation avec ses convictions au sein de la coalition.

Et à quel partenaire de la coalition songez-vous?

Au CD&V. Je suis surpris de voir à quel point les chrétiens-démocrates se sont écrasés. On perçoit à peine leur influence dans cet accord de gouvernement. Par exemple, on a donné cinq ans au Parlement flamand pour réfléchir à une nouvelle réforme de l’Etat. Je doute que le CD&V s’en réjouisse.

Cela soulève aussi la question suivante : que fait le CD&V dans ce gouvernement ? Oui, les listes d’attente sont supprimées et des investissements sont faits dans les services sociaux. L’argument est que s’ils n’avaient pas participé à ce gouvernement, la situation aurait été  » pire  » et qu’il gouverne pour gouverner. Si vous commencez un gouvernement sur ce genre de base, les bisbilles devraient rapidement poindre leur nez. Surtout en sachant que ce parti aura un nouveau président.

Vous avez été particulièrement dur au sujet de la manière dont les partis de la coalition ont impliqué leurs membres dans le processus. Pourquoi ?

C’est hallucinant qu’un parti donne à ses membres moins d’une journée pour lire un accord de coalition de 300 pages. Pourquoi ne pas leur laisser trois ou quatre jours de plus ?

Enfin, que signifie l’accord de coalition flamand pour les pourparlers sur la formation fédérale ?

Si vous regardez les accents que la N-VA a pu mettre dans le domaine de l’intégration, je serais très surpris qu’ils rejoignent un gouvernement fédéral avec le PS. Je pense que les nationalistes flamands devront accepter que Open VLD et CD&V forment ce gouvernement sans eux.

Jambon I: qu'en pense la Flandre ?
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Qu’en pensent les quotidiens flamands ?

« Un déplacement vers la droite sous l’influence du Vlaams Belang ». Voilà un point que l’on retrouve dans presque toutes les analyses.

Ainsi dans De Standaard, Jambon I fait un  » saut social vers la droite » et tient à dissiper l’insatisfaction de l’électorat flamand. La faute à un quatrième parti tapi dans les esprits de certains négociateurs: le Vlaams Belang. L’esprit de Théo Francken transparait aussi dans Jambon I. Une chose que semble avoir acceptée le CD&V. Le quotidien note tout de même que la plupart des mesures ne sont guère plus que du « symbolisme ».

Dans De Morgen, on constate un son de cloche identique puisque pour le quotidien Jambon I est un ‘virage à droite en termes de contenu’ et revient sur la façon dont le Vlaams Belang impose, une fois de plus, sa marque ». Il revient aussi sur le départ de l’Unia qui « est un cas d’école pour le courant de droite » et sur l’opposition qui promet de battre froid ce gouvernement. Il regrette aussi que Jambon I ne soit pas le premier gouvernement flamand du climat, mais « c’est ainsi que fonctionne la démocratie : les gens ont voté pour des partis qui n’accordent pas beaucoup d’attention au problème majeur du présent et du proche avenir. »

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Pour le journal économique De Tijd, l’accord de coalition flamand est  » la réponse de Jambon au malaise de l’électeur « . Les électeurs ont été écoutés. A l’exception de ceux de Groen. Le journal économique se demande tout de même où on va réaliser des économies puisqu’il ne sait pas très bien comment le gouvernement va s’y prendre.

Het Nieuwsblad voit lui aussi clairement « le cachet du Vlaams Belang  » dans l’accord de coalition. On le voit surtout dans le domaine de l’intégration. « Jan le Fort a pris tout le monde fermement par la main et les a tirés vers le haut. Quiconque ne suivait pas, risquait de le sentir passer. Il/elle n’avait d’autre choix que de le suivre »

Pour la Gazet van Antwerpen, Jambon montre clairement qu’il a compris le message de l’électeur. « Former un gouvernement stable et efficace avec trois perdants qui ne s’entendaient plus semblait une tâche impossible. Et, pourtant, il semble bien qu’on ait réussi ce tour de force ». Ici aussi, on fait référence à l’influence du Vlaams Belang: « Jamais auparavant on n’avait demandé autant d’efforts aux primo-arrivants ».

On retrouve plus ou moins la même analyse dans Het Belang Van Limburg pour qui l’esprit du 26 mai et la victoire du Vlaams Belang sont clairement présents dans cet accord gouvernemental.  » Ici et là on remarque la marque du VB , bien que le cachet final soit celui de la N-VA’. On va même jusqu’à noter une certaine « saveur sociale », puisqu’une « fois dans le club, les nouveaux venus peuvent compter sur un accueil chaleureux ». Cette « saveur sociale » est tout de même très diluée « puisqu’on n’a pas une seule fois abordé le thème de la lutte contre la pauvreté ». Au Belang Van Limburg on se demande surtout qui va payer pour ces nouvelles mesures puisque le maintien de l’équilibre budgétaire ne semble pas être la première préoccupation de Jambon & Co. » Le gouvernement flamand relève la barre pour tout le monde, sauf pour lui-même », conclut le quotidien avec un brin de cynisme.

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