Jacqueline Galant © Belga

Jacqueline Galant, la guerrière

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Elle voulait devenir médecin légiste. Mais l’empreinte locale de son père, relayée par l’aura de Louis Michel, l’a propulsée en politique. Désormais, Jacqueline Galant, ministre fédérale MR de la Mobilité et bourgmestre de Jurbise, y consacre toute sa vie. Avec la hargne d’une guerrière.

Sur la colonne au centre du vaste bureau, le portrait crayonné d’un homme. Celui de feu Jacques Galant, père de Jacqueline et bourgmestre de la petite commune hennuyère de Jurbise de 1983 à 2000. « Je suis fier de ma fille. » Les six mots manuscrits sur le cadre constituent, aujourd’hui encore, un moteur pour Jacqueline Galant. Lui, décédé en 2005, était rond, doux, parfois trop tendre. Elle est nerveuse, impulsive, autoritaire. Mais le modèle du père reste central dans la vie de celle qui a tout sacrifié à la politique. Ses lauriers de ministre de la Mobilité couronnent une aura familiale enracinée depuis 50 ans dans les terres rurales au nord de Mons. Là où, précisément, le clan des Galant s’est immiscé dans les moindres sursauts d’un cadre de vie paisible, à l’ancrage plutôt catholique et conservateur.

Bourgmestre, Jacques Galant est secondé dans tous ses déplacements par une petite silhouette. Celle de sa fille Jacqueline, 9 ans, cadette des jumeaux Isabelle et Pierre, aux portes de la vingtaine. Mariages, anniversaires, barbecues, enterrements… Curieuse de tout, elle délaisse volontiers la plaine de jeux, où elle distille déjà ses ordres, au profit des rencontres de proximité. Elle veut « voir du monde » autant que possible. Lorsqu’elle entre dans une pièce affichant une rose au poing, la petite fille s’exclame « Ici, ce sont des socialistes ! » sous l’oeil surpris de son père. « On l’appelait le petit maïeur », se rappelle sa mère, Madeleine Galant, dont le rire fracassant et l’énergie semblent héréditaires.

Alors qu’Isabelle et Pierre volent de leurs propres ailes, Jacqueline s’implique dans la vie communale et s’épanouit dans l’ancrage catholique de Jurbise. Durant plusieurs années, elle se rend à Lourdes pour y prodiguer des soins aux malades. « Une expérience inoubliable, confie-t-elle. Là-bas, j’ai découvert ce qu’était la misère. » Mais la jeune femme ne se retrouve pas pour autant dans l’idéologie du PSC : l’ancrage catholique et la politique sont pour elle deux domaines distincts qu’il ne convient pas de mélanger. En 1999, elle rejoint le PRL. Et amorce, sans en mesurer toute la portée, un tournant décisif dans sa vie.

Le tournant se nomme Louis Michel. Si Jacqueline Galant prend goût à la politique au CPAS de Jurbise, elle admire d’emblée le président de parti de l’époque, tant pour ses valeurs libérales que pour sa rondeur et sa convivialité. « C’est un modèle et un deuxième père de coeur », dit-elle à son sujet. L’affinité est réciproque : « Jacqueline est la fille que je n’ai pas eue », confiera plus tard Louis Michel. En 1999, alors ministre des Affaires étrangères, il l’intègre à son cabinet. Jacqueline Galant n’oubliera jamais cette marque de confiance. « C’est lui qui a cru en moi », souligne-t-elle. C’est également lui qui contribuera à son élection en tant que députée fédérale, en 2003.

Le terreau local reste toutefois une priorité pour la Jurbisienne. En 2000, elle pousse la liste « IC » de son père et récolte le fruit de son omniprésence sur le terrain. « Ou plutôt du nombre de serrages de pinces », critique un libéral hennuyer. Qu’importe : elle se rapproche du score de Jacques Galant. Au téléphone, ce soir-là, l’homme est en pleurs, partagé entre la tristesse de l’élu et la fierté du père. Conscient du signal de l’électorat, il cède le maïorat à sa fille. Une nouvelle étape historique pour le clan Galant.

Suite à un recours des socialistes de la commune, les élections sont invalidées. « Ils le regretteront toute leur vie », ricane Jacqueline Galant. Contrainte de restituer le titre de bourgmestre à son père, elle devient tête de liste lorsque les Jurbisiens sont rappelés aux urnes quelques mois plus tard. Le succès est écrasant. Cette fois, elle obtient 1 000 voix de plus que son père, dernier sur la liste. Ce passage de flambeau engendre un changement radical dans la gestion de la commune. « Dans l’administration, certains ont parfois abusé de la gentillesse de mon père. Moi, j’ai une gestion beaucoup plus rigoureuse. » Reclus dans l’opposition, les socialistes se heurtent à l’autoritarisme de la nouvelle bourgmestre. « Ils ont le retour de ce qu’ils donnent », assène-t-elle. Comme tous ceux que la libérale n’apprécie guère, d’ailleurs.

Dans Le Vif/L’Express de cette semaine, le récit intégral. Avec :

  • Didier Reynders, l’anti-père
  • La politique constitue son unique point d’ancrage
  • « Avec elle, on est toujours dans le registre du bon sens le plus primaire »

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