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Jacky Morael :  » Le PS est devenu un parti conservateur « 

Pour Jacky Morael, le PS est une « machine de guerre », qui obéit d’abord à ses propres intérêts. Fraîchement élu sénateur, le Liégeois rend les socialistes responsables du mal-développement wallon.

Le Vif/L’Express : Au début des années 1990, Ecolo s’était présenté aux élections avec ce slogan : « Et si on créait un parti qui défend des valeurs et pas des intérêts ? » C’est pour vous ce qui distingue Ecolo du Parti socialiste ?

Jacky Morael : C’est une des différences, oui.

Le PS défend ses intérêts, avant de défendre les valeurs socialistes ?

Le PS est une énorme machine qui a longtemps mis en lotissement toute l’administration – et ce n’est pas fini. Cette machine assure au PS une mainmise redoutable sur l’ensemble du territoire. Et comme toute machine, elle obéit d’abord à ses propres intérêts.

Le score sans appel du PS le conforte dans sa position de premier parti en Wallonie. Relégué loin derrière, si l’on en juge par les résultats électoraux, Ecolo a-t-il renoncé à briser le leadership du PS ?

Y a-t-il une fatalité du PS en Wallonie ? Ça, je ne le crois pas. D’autant que le PS me paraît souvent mener des combats d’arrière-garde. Prenez le tournant des années 1980, qui a été une période de grand questionnement dans toutes les démocraties européennes. Le PS wallon s’est orienté à ce moment-là vers une sorte de social-libéralisme, avec le début des privatisations : la CGER, le téléphone, la Poste plus récemment. Il s’est complètement fermé à tous les débats sur la bonne gouvernance, sur la participation des citoyens, sur les enjeux environnementaux. Le PS s’est mué en un véritable parti conservateur : rassurant, paternel, protecteur, dispensateur d’emplois dans le secteur public, mais aussi dans le privé. Au même moment, ailleurs en Europe, les partis socialistes prenaient une toute autre direction. Le PSOE espagnol est devenu un vrai parti réformiste. Les travaillistes britanniques se sont convertis à la « troisième voie ». Tandis que les sociaux-démocrates scandinaves ont renouvelé en profondeur leur fond idéologique, en prenant à bras-le-corps les questions de bonne gouvernance et d’écologie. Rien de tout cela au PS.

En même temps, les résultats électoraux tendent plutôt à démontrer que les socialistes wallons et bruxellois ont eu raison dans leurs choix stratégiques. Ils accumulent les succès, au moment où la gauche sociale-démocrate reflue partout en Europe.

Ai-je dit qu’ils avaient eu tort ? En tant que machine de guerre, ils ont probablement fait le bon choix. Si l’on regarde du point de vue de l’intérêt de la société, j’en suis moins convaincu.

Faut-il interpréter vos propos comme le retour chez Ecolo d’un antisocialisme virulent ?

Je m’en prends à la machine. Pas aux militants sincères, avec qui je partage beaucoup d’idées.

En promettant « un pays stable », le PS n’a-t-il pas fait mouche ? Aux yeux de beaucoup, il apparaît comme le meilleur défenseur de la Belgique fédérale, mais aussi comme un parti ouvert au compromis avec la Flandre, dans la tradition des régionalistes wallons.

On célèbre les cinquante ans de l’indépendance du Congo. Mais je m’étonne que le Parti socialiste ne prenne aucune initiative pour commémorer l’anniversaire des grandes grèves de 1960. Or quel était à l’époque la thèse de la gauche fédéraliste ? André Renard, le leader syndical des grèves de 1960, pensait qu’on ne pourrait stopper le déclin wallon qu’en donnant à la Wallonie le contrôle de ses leviers de développement. Ce jour-là, la Wallonie pourrait enfin décider de son destin, sans plus dépendre d’une Flandre dominée par la droite catholique. Alors, pourquoi le PS ne commémore-t-il pas le combat d’André Renard ? Parce qu’il pressent que certains impertinents ne manqueront pas de poser cette question : ces leviers de développement, vous les avez en main depuis quand ? Dans les années 1970, déjà, il y avait au gouvernement un ministre de l’Economie wallonne et un ministre de l’Economie flamande. Le gouvernement wallon, présidé par les socialistes depuis 1988, a aujourd’hui en main tous les outils économiques. Pour quel bilan ? Pas fameux… A présent, on ne peut plus invoquer le joug flamand pour justifier le mal-développement wallon. Ces leviers de développement, qu’ils ont tant réclamés, qu’en ont fait les socialistes ?

FRANÇOIS BRABANT

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