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Jackpot miraculeux à la Cocom

Hier, le monde politique voulait sa mort. Aujourd’hui, il lui confie la gestion colossale des allocations familiales bruxelloises et fait exploser son budget de 91 millions à plus d’un milliard d’euros ! Sacrée revanche d’une vraie miraculée de la réforme de l’Etat.

Cocom. Derrière le sigle se cache une Commission communautaire commune. Ce modèle de discrétion, jusqu’ici connu des seuls initiés du maquis institutionnel bruxellois, se prépare à savourer une incroyable revanche sur le destin. Un quart de siècle d’existence, une odyssée permanente pour survivre. « La volonté politique a toujours été de nous voir disparaître. » Alain Joris a senti plus d’une fois siffler le vent du boulet sur l’institution qu’il dirige depuis sa création, en 1989. L’homme n’en dira pas plus. Ce n’est pas à cinq mois de la retraite que le fonctionnaire dirigeant va se mettre à table. La succession est ouverte, elle promet d’être convoitée.

L’histoire est aussi vieille que l’existence de la Région bruxelloise, sans laquelle la Cocom n’aurait jamais eu de raison d’être. Sur ce territoire régional bilingue, où le principe de « sous-nationalité » entre Bruxellois francophones et flamands est d’emblée banni, il fallait bien concevoir un « bidule » géré sur pied d’égalité entre néerlandophones et francophones, pour caser la politique bicommunautaire de santé ainsi que l’aide aux personnes.

La Commission communautaire commune est ainsi née. Avec son assemblée parlementaire de 89 députés, un copié-collé du parlement régional bruxellois. Avec son « exécutif », appelé collège, qui réunit tous les ministres du gouvernement bruxellois, secrétaires d’Etat exceptés, et au sein duquel chaque compétence est cogérée par un ministre flamand et francophone. Avec son administration, pas bien grande : « Nous avons débuté en 1990 avec 28 agents, nous comptons aujourd’hui 64 équivalents temps plein, soit quelque 70 agents en service », poursuit Alain Joris.

Aux côtés de ses proches cousines, la Commission communautaire française (Cocof) et la Commission communautaire flamande (VGC), la Cocom fait son trou dans un paysage institutionnel encombré. Discrètement, sans jamais démériter, tout juste tolérée. « La Cocom est devenue le parent pauvre du paysage institutionnel bruxellois », relève Jean-Paul Nassaux (1), politologue associé au Crisp et spécialiste des institutions bruxelloises. L’organe ne compte pas que des amis en haut lieu. Le gouvernement bruxellois (PS-CDH-Ecolo-Open VLD-CD&V-Groen) déclare même vouloir sa peau en 2008, en lorgnant sur ses compétences. Pourquoi tant de haine ? On doute de l’utilité de la Cocom, on lui trouve bien des défauts. Une instance où doivent coexister Flamands et francophones bruxellois sent toujours un peu le soufre.

Mais tout arrive. Y compris une nouvelle réforme de l’Etat, la sixième du nom, en 2011. Négociateurs cherchent désespérément organe bruxellois susceptible d’accueillir massivement de nouvelles compétences tout en évitant le spectre de sous-nationalité. La Cocom fera l’affaire, parfaitement configurée pour devenir ce lieu stratégique de l’entente communautaire au coeur du pays. La réforme de l’Etat charge lourdement sa barque : allocations familiales, politique de santé, aide aux personnes âgées, maisons de repos, mais aussi droit sanctionnel des jeunes, parcours d’intégration civique et même le contrôle des films. Le portefeuille d’actions confiées à la Cocom explose.

Rudi Vervoort, ministre-président bruxellois PS et à ce titre chef de l’exécutif d’une Cocom ressuscitée, doit bien admettre « l’incongruité qui veut qu’une institution vouée à disparaître dans un grand consensus politique ait vu son budget multiplié par treize et ait hérité de compétences essentielles. Imaginez que son budget dépassera le milliard d’euros au 1er janvier 2015 ! » 1,2 milliard précisément, un pactole à des années-lumière d’un budget riquiqui de 91,3 millions.

La Commission communautaire commune (Cocom) : vers une autre dimension, par Jean-Paul Nassaux, Les analyses du CRISP.

>>> Retrouvez le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

– « Il faut désormais remplumer la Cocom »

– 1er janvier 2015 : première date-butoir

Didier Gosuin « Ecolo ne sait pas ce qu’il a signé »

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