Isabelle Simonis. © Belga

Isabelle Simonis, celle que personne n’attendait

Le Vif

En juin 2014, Isabelle Simonis devenait ministre à la Fédération Wallonie-Bruxelles, à la surprise générale. Un an plus tard, la Flémalloise était nommée vice-présidente de la fédération liégeoise du PS, sans crier gare. Double renaissance politique pour cette discrète mais acharnée femme (prévoyante) socialiste.

Le temps où elle dévorait La fille du train au soleil est bel et bien révolu. Isabelle Simonis a rangé ses thrillers. Fin de la parenthèse estivale. Retour à des lectures moins divertissantes : dossiers ministériels, programme de la fédération liégeoise du PS, ordres du jour du conseil communal de Flémalle. Trois livres de chevet qu’il n’y a pas si longtemps, personne – peut-être même pas elle – n’aurait imaginé retrouver dans sa bibliothèque.

Car à chaque chapitre de sa carrière, son nom est presque apparu par surprise. D’abord en avril 2003, lorsqu’Elio Di Rupo, en quête de féminisation du PS, propulsa la Liégeoise sur les listes électorales au Sénat. Dernière suppléance, a priori aucune chance de siéger. Qu’à cela ne tienne, deux mois plus tard, le Montois la nomma secrétaire d’Etat aux Famille. Sans avoir jamais exercé de mandat.

En Cité ardente, personne n’avait vu venir cette ancienne secrétaire aux Mutualités socialistes qui avait gravi toutes les marches des Femmes prévoyantes socialistes jusqu’à en devenir secrétaire générale. A l’époque, l’accueil à son encontre ne fut d’ailleurs pas chaleureux. « A Liège, il y a des équilibres à trouver en permanence et peut-être qu’on avait l’impression que je les perturbais », glisse-t-elle.

Fatal remaniement

En 2004, Isabelle Simonis fut priée de se présenter aux élections régionales. « On me disait qu’il me fallait une base élective ». Elle rêvait plutôt de poursuivre au fédéral comme secrétaire d’Etat. Mais l’heure était au remaniement. « Il fallait donner mon poste au FDF. On m’a proposé la présidence du parlement de la Communauté française. Je n’avais pas le choix. Or sans avoir été parlementaire, c’était compliqué. Connaître les rouages m’aurait aidée. »

Sa présence au perchoir sera fulgurante : cinq mois soldés par une démission. Point de faute grave, mais une boulette commise par l’un de ses collaborateurs, qui avait envoyé à la presse une note à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre le racisme, stipulant que l’un des objectifs était « d’attirer le vote des étrangers » vers le PS. Même si elle n’y était pour rien, Isabelle Simonis démissionna instantanément. « Une décision que je n’avais pas prise seule et qu’on ne m’avait pas imposée. Le fruit de discussions. J’aime travailler dans la confiance du parti. »

« Elle n’a pas hésité 45 secondes, elle a fait ce qu’elle devait faire. Mais ce moment l’a marquée. Heureusement, elle était entourée d’amitiés solides », raconte Dominique Dauby, secrétaire générale des FPS à Liège. Isabelle Simonis ravala son orgueil et, trois mois plus tard, retourna à Bruxelles comme « simple » parlementaire.

Séisme flémallois

Epilogue d’une « carrière éclair », comme l’écrira à son sujet l’avocat Marc Uyttendaele dans son ouvrage Quand politique et droit s’emmêlent ? C’était sans compter sur son excédent d’amour-propre. « Je n’aime pas les échecs. » Elle pansa ses blessures à Flémalle, sa commune de résidence où elle n’exerçait toutefois aucun mandat local. Dernière sur les listes en 2006, elle rafla le mayorat à la tête de liste Gilbert Van Bouchaute. « Un petit séisme, se souvient l’ancien conseiller communal CDH Yves Moulin. Deux clans s’étaient créés, le sien n’était pas soutenu par l’establishment et, pourtant, elle avait gagné. Une surprise, personne ne s’y attendait ».

Les haches de guerre du passé semblent enterrées. « J’avais essuyé les plâtres de la nouvelle législation, qui donnait le poste de bourgmestre à celui qui faisait le plus de voix. Mais il n’y a pas de rancoeurs », assure Gilbert Van Bouchaute. La liste de ses ennemis serait vierge. « Elle n’est pas dans le rapport de force individuel », dépeint Marc Bolland (PS), qui l’a côtoyée comme parlementaire. « Elle a eu l’intelligence de rester en dehors des conflits. Je ne lui connais aucun ennemi, ce qui est plutôt rare en politique », ajoute Jean-Pascal Labille, patron des Mutualités socialistes.

Même l’opposition flémalloise ne tire pas à vue. « J’ai connu trois bourgmestres, c’est la seule qui m’a bluffée », confesse Yves Moulin. « Elle démontre une vraie volonté d’ouverture. Elle a mené un gros travail dans son parti pour rompre avec le clientélisme et les vieux démons du passé », estime Dominique Perrin, chef de groupe Ecolo. « Elle est très à l’écoute, ne prend personne de haut et tient la commune à flot », abonde Jean-Denis Lejeune, conseiller communal CDH. « C’est une bourgmestre très accessible, qui connaît parfaitement ses dossiers, qui est rigoureuse », évoque son bras droit Sophie Thémont, actuelle bourgmestre PS faisant fonction.

Manque d’ambition ?

La liste de ses amis politiques comporte deux noms en lettres capitales. Jean-Claude Marcourt et Jean-Pascal Labille. « On ne part en vacances ensemble, recadre Isabelle Simonis. Mais j’ai pour eux une profonde amitié ». Ses relations avec Willy Demeyer, bourgmestre et président de la fédération liégeoise du PS, sont bonnes. « Elle a ses idées, mais elle veut bien écouter celles des autres. C’est quelqu’un qui joue en équipe, décrit-il. Elle n’a pas un ego surdimensionné. »

« Elle ne fait pas d’esbroufe, c’est une grande travailleuse, pas une extravertie, poursuit Jean-Pascal Labille. Son défaut, c’est un manque d’ambition. Elle mérite plus que ce qu’elle a. » Les mandats pour les mandats, ce n’est pas son genre, répond Isabelle Simonis. Qui concède ne pas être du genre à s’imposer. « Mais de l’ambition pour moi-même, j’en ai. Sinon je ne serais pas ministre. »

Car la Flémalloise n’a pas rebondi qu’au niveau local. Depuis juin 2014, elle est en charge de l’Enseignement de promotion sociale, de la Jeunesse, des Droits de la femme et de l’Egalité des chances à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle se souvient du coup de fil d’Elio Di Rupo pour une convocation boulevard de l’Empereur. « J’espérais au départ rester cheffe de groupe à la Région. Je n’ai pas hésité une seconde lorsqu’il m’a proposé le ministère ». Au nez et à la barbe de ténors liégeois clamant à qui voulait l’entendre qu’ils porteraient bien le maroquin.

Ministre à mi-temps, comme la raillent certains à propos du maigre poids budgétaire de ses compétences ? « C’est vrai, cela peut sembler peu, comparé au budget géré par Joëlle Milquet. Mais je peux vous dire que je travaille à temps plein. » Depuis un an, Isabelle Simonis a ouvert quatre chantiers : booster l’enseignement de promotion sociale (accessibilité, diversification de l’offre, visibilité) ; lutter avec le secteur jeunesse contre le radicalisme ; concrétiser un décret « genre » (intégrer l’égalité hommes-femmes dans l’attribution de budgets, analyser l’impact de certaines décisions politiques sur hommes et femmes, etc.) ; réclamer 5 droits des femmes (égalité au travail disposer de son corps, être représentée, intégrité physique et psychique, ne pas être stigmatisée). « C’est la première fois qu’un ministère du Droit des femmes est créé. Il y a vraiment une obligation de résultats, pour rendre cette compétence indispensable à l’avenir. »

C’est aussi sans crier gare qu’elle a été nommée en juin dernier vice-présidente de la fédération liégeoise du PS. D’autres se positionnaient dans les médias, elle préférait faire profil bas. « Le fait qu’elle soit revenue au premier plan est une forme de justice », considère Willy Demeyer.

Premier plan de façade, par égard pour l’égalité des sexes, ou réel pouvoir d’influence ? « C’est quelqu’un à qui on ne pense peut-être pas au premier abord, qui ne fait pas d’effet de manche, mais pour qui les politiques ont un grand respect », certifie Marie-Claire Lambert (PS), l’une de ses proches à Liège. « Elle pèse de plus en plus, sa voix est écoutée, atteste Marc Bolland. Mais la politique reste un milieu très macho, j’espère qu’on ne lui coupera pas l’herbe sous le pied. » Cela aurait comme un air de déjà-vu. « Le plus dur, ce n’est pas tellement d’arriver en politique, conclut Isabelle Simonis. Mais bien d’y durer. »

Mélanie Geelkens

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