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Intimidé, puis torturé suite à la politique de Theo Francken ?

Le Vif

Le 20 octobre, le Vif révélait l’histoire de Mohammad, dont le renvoi à Khartoum a été jugé illégal par la Justice belge. De nouveaux éléments accablent la politique de rapatriement du gouvernement Michel.

Mohammad fait partie du récent rapport affirmant que des Soudanais partis de Belgique ont été torturés ou mis sous pression. Facteur aggravant, le Soudanais avait introduit une demande d’asile à l’Etat belge. Demande retirée quelques jours plus tard après l’annonce…de la collaboration entre les autorités belges et soudanaises. L’argument des Soudanais qui souhaitent partir en Angleterre, tombe pour au moins un cas. Celui de Mohammad.

A la mi-octobre, alors qu’il venait d’obtenir une décision de justice favorable, Mohammad, Soudanais détenu en centre fermé, a signé un accord pour un retour volontaire. Dans une langue qu’il ne comprend pas et sans présence d’avocat. Incompréhensible pour la Ligue des Droits de l’Homme qui dénonçait alors un simulacre de consentement. Le cabinet Francken ainsi que l’Office des étrangers assuraient pour leur part que Mohammad avait à plusieurs reprises demandé son départ et était parti serein.

Le Vif apporte de nouveaux éléments sur le cas de Mohammad.

D’abord, le Tribunal de première instance bruxellois a confirmé le 5 décembre que l’expulsion de Mohammad était illégale, parce qu’une action en justice pour le sortir du centre fermé était en cours.

Ensuite, Mohammad fait partie des Soudanais torturés ou menacés, identifiés par le rapport du Tahrir Institute for Middle East Policy Europe (TIMEP Europe). Son directeur, Koert Debeuf, est en contact direct avec Mohammad et avec d’autres Soudanais repartis en Libye. Ces derniers rapportent des conversations avec Mohammad alléguant des sévices sexuels opérés par les autorités. Mohammad, toujours à Khartoum, ne confirme aucune de ces informations.

Demandeur d’asile rétracté

Enfin, et alors qu’il était en centre fermé, Mohammad a déposé le 6 septembre une demande d’asile en Belgique. Il la retirera le 11 septembre. Pourquoi ce changement d’avis en si peu de temps ?

Entre ces deux dates, le Secrétaire d’Etat à l’Asile Theo Francken a annoncé le 7 septembre la collaboration de l’Etat belge avec les autorités soudanaises. Après un entretien avec l’ambassadeur soudanais à Bruxelles, « une équipe qui permettra d’identifier ces ressortissants » avait été annoncée. Impensable pour Mohammad d’encore demander protection à la Belgique. Selon ses avocats, il leur aurait déclaré « avoir perdu confiance en l’Etat belge ». A raison ? La délégation visitera Mohammad, rencontre lors de laquelle, selon le Tahir Institute, des menaces auraient été proférées.

Une responsabilité belge maintenue

Du côté du cabinet Francken, on insiste sur le fait que la mission n’a débuté que le 18 septembre, soit après le retrait de la demande d’asile de Mohammad. Le cabinet précise également que même en centre fermé, toutes les personnes sont informées de leurs droits à demander l’asile, avec un droit à l’assistance juridique.

Mais le cas de Mohammad met à mal un argument central du gouvernement belge. Selon les propos du Premier Ministre rapportés par la RTBF, « Nous (NLDR : le gouvernement belge) avons, dans l’évaluation permanente, constaté que nous étions face à des migrants qui ne voulaient pas demander l’asile en Belgique. Ils ne veulent pas rester ici. Ils veulent se rendre en Angleterre. » Mohammad voulait, lui, rester (comme par ailleurs 23 autres Soudanais ayant demandé l’asile à la date du 8 décembre 2017).

La politique migratoire de la Belgique a-t-elle intimidé un demandeur d’asile, le renvoyant vers une torture annoncée comme certaine ?

Pour Alexis Deswaef, président de la Ligue des droits de l’homme, « si le cas de torture sur ce Mohammad est avéré comme conséquence directe de la politique menée par Theo Francken, soit il en tire les conséquences, soit cela devient un problème de responsabilité collective du gouvernement. »

François De Smet, directeur de Myria (Centre fédéral Migration), prolonge la réflexion. « Pour ce cas précis et ce malgré le fait que la personne ait retiré sa demande d’asile, la Belgique garde certaines obligations par rapport aux risques de torture et traitement inhumain et dégradant ».

Olivier Bailly

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