© Didier Lebrun/Photo news

Inscriptions scolaires : les élus jouent-ils le jeu de la mixité ?

Désormais, tous les parents sont soumis au décret Inscriptions. Les élus aussi. Jouent-ils le jeu de la mixité ?

Dans quelles écoles nos élus inscrivent-ils leurs enfants ? Respectent-ils les dispositions du décret Inscriptions ? Une question que l’on se pose tout naturellement quand ils (ou leurs partis) ont voté les nouvelles prescriptions. Pour le savoir, nous avons pris contact avec certains d’entre eux, tous partis confondus, qui ont des enfants en âge d’entrer en secondaire : ministres ou députés. Finalement, ils sont peu nombreux à être directement concernés. Ainsi Melchior Wathelet, Anne Delvaux, Maxime Prévot, Carlo Di Antonio, Oliver Chastel, Véronique Salvi ou encore Florence Reuter sont parents d’enfants trop jeunes pour être visés par le décret. A l’inverse, Marie-Dominique Simonet, Jean-Claude Marcourt, Isabelle Durant, Evelyne Huytebroeck, Freddy Thielemans, Willy Demeyer, Marie Arena, Eliane Tillieux ou André Antoine ont des enfants « trop âgés ».

Une enquête difficile, en réalité. Plusieurs d’entre eux ont estimé – parfois sèchement – que cette question touchait leur sphère intime. Certains se sont montrés très discrets. Comme Jean-Marc Nollet (Ecolo), dont les deux aînés « fréquentent une école de proximité à Charleroi », retenue pour des raisons de « commodité géographique ». Le ministre wallon précise qu’il a organisé un covoiturage avec des parents d’élèves. « Je ne vous dirai rien de plus et je souhaite préserver mes enfants. » Ou Faouzia Hariche (PS), échevine de l’Instruction à Bruxelles-Ville, qui refuse de « déballer ce qui concerne sa vie privée », mais souligne que « ses enfants sont ou ont été inscrits dans le réseau de la Ville de Bruxelles et ce en phase avec les idées que je défends ». Parfois, ce sont les attachés de presse qui font « barrage », décidant d’initiative qu’il n’y a rien à signaler.

La plupart, cependant, se sont montrés coopératifs. De plus, ils respectent les règles du décret. De fait, difficile aujourd’hui de justifier l’inscription de sa progéniture au Collège Saint-Michel, à Etterbeek, quand on est bourgmestre d’Anderlecht, comme feu Jacques Simonet – dont la fille cadette était bien inscrite dans un établissement de la commune.

Premier constat : les politiques sont des parents bien informés pour choisir l’école de leurs enfants. Ils visitent les établissements, se rendent aux portes ouvertes, connaissent les établissements les plus dynamiques, ceux « à valeur ajoutée » ou « en odeur de sainteté », savent déchiffrer un projet pédagogique. « Suivez les élus et les profs, si vous voulez trouver les bonnes filières », ironise le directeur d’une école de belle réputation. Or, selon les chercheurs, cette maîtrise peut creuser l’inégalité des chances. La connaissance des rouages éducatifs par les parents est en effet un élément décisif de la réussite scolaire. « Ces parents font aussi preuve d’une anticipation dans leur choix : ils s’occupent tôt de préparer la trajectoire scolaire de leur enfant », poursuit ce directeur. Dès les premières classes, en réalité. C’est là que le petit arrangement pourrait intervenir. Des politiques confient avoir obtenu l’école primaire de leur choix en faisant jouer leur nom. Cela ne fonctionnerait pas toujours, selon le ministre-président bruxellois Charles Picqué (PS). « Je le sais et, pour moi, le nom n’a pas servi. » D’autres peuvent s’appuyer sur un large réseau. Philippe Close (PS), député régional et échevin à Bruxelles, a pu ainsi compter sur le sien, quand il a fallu téléphoner au call-center de Bruxelles-Ville pour décrocher pour son fils aîné une place en maternelle. Puis il y a ceux qui choisissent une autre voie. Françoise Bertieaux (MR), par exemple, qui a envoyé ses deux garçons dans un collège en Flandre.

Deuxième constat : à l’inverse des Bruxellois semble-t-il, le décret ne soulève pas de grande inquiétude chez les élus wallons. Yves Reinkin (Ecolo), député communautaire, souligne qu’il n’y a « aucun souci dans aucune école en Ardennes liégeoises ». Ses enfants fréquentent le collège de Stavelot, celui-là même où il fut enseignant. Jean-Luc Crucke (MR), député bourgmestre de Frasnes-lez-Anvaing, père de jumeaux, les a inscrits à l’athénée communal. Comme Paul Furlan (PS), ministre régional des Pouvoirs locaux et bourgmestre de Thuin : « Ici, il y deux écoles, aux résultats scolaires identiques. » Le « cas » de Rudy Demotte (PS), lui, est sans doute le plus « emblématique » : le ministre-président a envoyé sa progéniture au vert, dans un château du XVIIIe siècle, situé dans un splendide parc, en Wallonie picarde.
Troisième constat : question éducation, le réseau ne semble pas toujours compter. Les aînés de la ministre fédérale Joëlle Milquet (CDH) ont fréquenté un collège très prisé à Etterbeek (qui a aussi vu passer les enfants de Benoît Cerehxe ou de Georges Dallemagne, CDH également), tandis que ses cadets sont inscrits dans un athénée tout aussi convoité dans la même commune (comme ceux de la ministre PS Laurette Onkelinx, dont la dernière fille est encore en primaire). Ceux de Charles Picqué fréquentent également un collège catholique à Uccle, tout comme la fille aînée de Paul Furlan. Questionnés tous deux sur cette question, ils soulignent que les enfants sont aussi influencés par leurs amis quand vient le temps de choisir une école secondaire. « On n’y peut pas grand-chose », déclare Paul Furlan. La députée MR molenbeekoise Françoise Schepmans, elle aussi, a inscrit son fils dans un collège catholique, à Jette, mais le décret Inscriptions n’était pas encore voté.

Quatrième constat : les politiques favorisent la proximité. Du moins s’ils habitent dans des périmètres plutôt homogènes et qui leur permettent d’inscrire leurs enfants dans des établissements de bonne réputation. A Bruxelles, c’est le prix du mètre carré qui semble faire la différence. Et ceux qui résident dans un quartier plus métissé ? Yvan Mayeur (PS), député bruxellois, a opté pour l’athénée de son quartier, pas un établissement « star ». L’aîné de Fadila Laanan (PS), ministre de l’Audiovisuel, fréquente l’athénée d’Anderlecht, à deux rues du domicile, « un établissement où règnent la diversité et la mixité sociale et de bon niveau ». D’autres ont-ils été malgré tout tentés par une « stratégie » d’évitement ? Emir Kir (PS), secrétaire d’Etat à la Propreté et à l’Urbanisme, a scolarisé son aîné dans un lycée fort demandé à Etterbeek. Il sera rejoint par sa puînée l’an prochain. « A l’époque, j’étais échevin de l’Enseignement à Saint-Josse : c’est la raison pour laquelle je n’ai pas souhaité y inscrire mes enfants, répond Emir Kir. Mais ce lycée se situe à proximité de mon domicile et, comme tous les parents, je souhaite un environnement porteur pour mes enfants. »

SORAYA GHALI

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