Didier Reynders © ISOPIX

Initiative belgo-allemande pour une surveillance européenne de l’État de droit

Le Vif

Les États membres de l’Union européenne ont accepté unanimement, lors d’une réunion mardi matin au Palais d’Egmont à Bruxelles, de mettre sur pied un groupe de travail pour étudier l’instauration d’un mécanisme européen de surveillance de l’État de droit, a annoncé le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, à l’initiative avec le ministre allemand des Affaires européennes Michael Roth.

« Il y a même une très large majorité d’États membres – plus d’une vingtaine – qui s’accordent sur les principes que nous avons déposés voici trois ans déjà au Conseil », s’est félicité le chef de la diplomatie belge.

M. Reynders souligne le soutien de l’Allemagne mais aussi de la Finlande, qui prendra la présidence du Conseil de l’UE le 1er juillet prochain et a inscrit ce point dans son programme. L’actuelle présidence roumaine a elle aussi apporté son soutien.

Des réticences existeraient encore dans certaines capitales, notamment sur le choix des experts, afin qu’ils n’induisent pas de biais.

La Commission européenne, qui a déjà annoncé son intention de conditionner l’octroi des aides européennes au respect de l’État de droit dans son prochain budget pluriannuel (2021-2027), soutient elle aussi la volonté affichée.

« L’initiative belgo-allemande renforce l’État de droit, c’est une tentative honnête grâce à laquelle les États membres pourront se parler entre eux », a commenté le vice-président de la Commission Frans Timmermans.

Le mécanisme devrait prendre la forme d’un ‘peer review’ (examen par les pairs), qui analyserait la situation dans chaque État membre sur pied d’égalité et de manière impartiale.

Il ne se substituerait pas au fameux article 7 du Traité sur l’UE, qui a déjà été déclenché contre la Pologne et la Hongrie, et permet d’ouvrir une procédure préventive puis éventuellement un volet répressif en cas d’atteintes structurelles à l’État de droit.

Actuellement, cet article 7 n’effraie pas trop le gouvernement qui entrave la justice, les associations, les universités ou tolère la fraude et la corruption, car le déclenchement de son arme ultime – la suspension du droit de vote de l’État membre – nécessite une improbable unanimité des autres États.

« Certains collègues critiquent l’article 7 dans lequel ils voient un instrument de pression des pays de l’ouest de l’Europe sur ceux de l’est », a fait observer Michael Roth. « Ce n’est pas le cas, mais une évaluation périodique de tous les États membres peut faire la différence. L’exercice devrait permettre à chacun d’apprendre de l’autre et de dégager une vision partagée de ce que signifie l’État de droit dans la réalité ».

Le mécanisme proposé prévoirait une procédure préventive « sur base d’une définition harmonisée de l’État de droit qui prendrait en considération les différences culturelles à travers l’Union », expose Didier Reynders.

Si les recommandations formulées ne sont pas mises en oeuvre, il pourrait déboucher sur un volet plus répressif, via la conditionnalité des aides européennes ou une action devant les juridictions européennes. Mais aucune sanction n’est toutefois inscrite dans le projet à l’heure actuelle, reconnaît M. Reynders.

Pour ce dernier, il n’est pas non plus question de créer une nouvelle administration. Le mécanisme pourrait d’ailleurs avoir recours à des procédures qui existent déjà, comme l’examen périodique universel de l’ONU, les travaux de la Commission de Venise (Conseil de l’Europe) et ceux de l’Agence des droits fondamentaux de l’UE, basée à Vienne.

« Les critères économiques de chaque État membre sont déjà surveillés dans l’Union européenne. Ce doit être le cas aussi des critères politiques », résume le ministre belge.

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