© Frederic Pauwels

Inge Vervotte :  » Avec le PS, les choses sont toujours claires « 

Oui, le niveau fédéral fonctionne encore, soutient Inge Vervotte. Pour le CD&V, le PS a toujours été un partenaire de négociation correct, ajoute-t-elle. Mais elle insiste aussi sur l’agenda de son parti : il faut une réforme de l’Etat, de toute urgence.

Une robe noire unie, un sourire vrai, un naturel désarmant. Elle parle peu, n’élève pas la voix, mais n’est pas disposée non plus à se laisser marcher sur les pieds. Inge Vervotte, c’est un style atypique. Un style doux. A 32 ans, elle est aujourd’hui l’une des valeurs sûres du puissant CD&V, le parti qui fait et défait la Belgique.

Débauchée en 2003, l’ancienne syndicaliste de la CSC, popularisée malgré elle par la faillite de la Sabena, s’est imposée avec discrétion et ténacité. Promue ministre du Bien-être dans le gouvernement flamand dès 2004, elle rejoint l’équipe d’Yves Leterme au fédéral en décembre 2007, comme ministre des Entreprises publiques.

Pour douze mois à peine : par solidarité avec Leterme, forcé de démissionner à la suite de l’affaire Fortis, elle quitte elle aussi le gouvernement en décembre 2008. Un geste qui étonne, à l’époque. Elle retrouve le portefeuille des Entreprises publiques fin 2009. Pour quatre mois, cette fois (au cours desquels elle devra tout de même gérer la catastrophe ferroviaire de Buizingen). Tête de liste du CD&V en province d’Anvers, elle devrait confirmer le 13 juin son statut de machine à voix.

Le Vif/L’Express : En décembre 2009, vous retrouvez le poste de ministre des Entreprises publiques. Quatre mois plus tard, le gouvernement tombe. Dans quel état d’esprit abordez-vous les élections du 13 juin ?

Inge Vervotte : Je suis combative. Le prochain gouvernement devra s’engager pour l’avenir de notre société. Quels choix va-t-on faire ? Moi, je défends notre modèle social. Je défends la concertation et le dialogue. Je ne veux pas d’une stratégie du pourrissement. Il faut s’emparer des problèmes, et trouver des solutions négociées. Quand je suis rentrée en politique, la valeur essentielle pour moi, c’était le dialogue. Toutes les interviews que j’ai données depuis 2003 comportent le mot « dialogue ».

Vous avez été ministre au gouvernement flamand, puis au fédéral. Vous êtes d’accord avec ceux qui disent que le niveau fédéral ne fonctionne plus ?

Non. Mais c’est vrai que l’atmosphère y est différente. Au fédéral, le moindre sujet se transforme en débat idéologique. Pour moi, c’était quelque chose de nouveau. Car, en Flandre, on fonctionne de façon très rationnelle. On met les éléments sur la table et la décision s’impose assez vite. L’efficacité avant tout ! Au gouvernement flamand, les décisions se prenaient de façon quasi automatique : a et b, donc c. Il n’y avait jamais de discussions idéologiques, sauf sur quelques dossiers précis.

Quand je suis passée au fédéral, et que j’ai commencéà travailler avec des francophones, j’ai découvert que même des dossiers anodins, autour desquels je n’imaginais pas qu’un débat idéologique était possible, pouvaient devenir des questions de principe. Mais cela ne m’énerve pas. J’apprécie ça, parce qu’en politique les décisions qu’on prend ne sont jamais neutres. En fin de compte, on travaille pour des idées, pour des valeurs. Cela vaut la peine d’en débattre. C’est quelque chose que j’ai appris grâce aux francophones. Les deux méthodes ont chacune leurs avantages. En Flandre, on ferait parfois mieux d’avoir un débat d’idées plus poussé. Au fédéral, on pourrait prendre les décisions un peu plus rapidement.

Vous êtes l’une des rares personnalités politiques flamandes à avoir défendu Michel Daerden. Pourquoi ?

Je n’aime pas quand on caricature les gens. Monsieur Daerden connaît ses dossiers. J’ai eu l’occasion de négocier avec lui : il ne se perd pas dans les détails, il veut avancer. Ce que j’apprécie aussi beaucoup, chez lui, c’est qu’une fois qu’il a donné sa parole, vous êtes certaine qu’il va défendre l’accord. Ce n’est pas toujours ce que j’ai vécu en 2007… Certaines personnes négociaient autour de la table, donnaient leur accord et, le lendemain, elles n’étaient plus d’accord avec le texte.

Vous visez Joëlle Milquet ?

[Elle éclate de rire.] Je ne vais pas citer de noms. Mais c’était une atmosphère un peu particulière. Vous vous trouvez dans une salle, vous arrivez à un accord, et la personne quitte la salle pour aller raconter tout le contraire devant les caméras. Je n’aime pas ça.

Depuis le début de cette campagne électorale, le CD&V de Marianne Thyssen et le PS d’Elio Di Rupo donnent l’impression de se ménager. Faut-il y voir une confirmation de l’axe PS-CD&V, qui a été le moteur de presque toutes les réformes de l’Etat depuis trente ans ?

En politique, pour avancer, vous devez chercher des partenaires avec qui vous pouvez réaliser vos objectifs. Avec Laurette Onkelinx, par exemple, j’ai toujours pu nouer des accords corrects. Et avec elle, j’étais toujours certaine que, si on arrivait à un accord, elle le défendrait. Il peut bien sûr y avoir des différences de points de vue mais, à un moment, on doit aussi prendre la responsabilité de gouverner ensemble. C’est ce que les citoyens attendent de nous. Et moi, je trouve qu’avec le PS on a toujours eu un partenaire digne de confiance. Les négociations ont souvent été dures. Sur la justice, sur la sécurité, sur l’immigration, les opinions ne sont pas les mêmes en Flandre que du côté francophone. Mais, avec le PS, on finissait presque toujours par trouver un accord acceptable des deux côtés.

Le PS et le CD&V sont les deux plus grands partis de Belgique. Ils partagent une culture de gestion commune ?

Je n’ai pas étudié la question. Je crois que le PS comprend que, quand on débute une négociation, on devient en quelque sorte partenaires. On peut être dur, mais on ne doit pas s’enfermer dans une impasse. Si vous êtes autour de la table, c’est que vous avez la volonté d’arriver à un accord. Si vous n’êtes pas disposéà accepter un accord, ou si vous n’avez pas le mandat de votre parti pour valider cet accord, alors il vaut mieux quitter la table. Comme ça, les choses sont claires. Avec le PS, les choses sont toujours claires.

En Flandre, les élections risquent de déboucher sur un raz de marée de la N-VA…

Ce qui va se passer est imprévisible. Ce qui est clair, c’est que seule la négociation peut régler les conflits. Je ne sais pas comment la N-VA va réagir après le 13 juin. Je ne sais pas s’ils ont la volonté de négocier…

L’histoire du cartel CD&V/N-VA ressemble un peu à celle de Frankenstein, non ? En 2004, quand le cartel a été scellé, la N-VA représentait moins de 5 % de l’électorat flamand. Aujourd’hui, le parti de Bart De Wever risque de dépasser le CD&V. N’était-ce pas un jeu dangereux ?

Non. Quand on a fait ce cartel, il y avait en Flandre une demande profonde pour une réforme de l’Etat. On a rassemblé nos forces, en quelque sorte. Le cartel représentait l’alternative aux partis à ce moment-là au pouvoir. Nous avons dit à la population flamande : le CD&V et la N-VA seront vos partenaires pour réaliser une réforme de l’Etat, vous n’aurez plus besoin de voter pour le Vlaams Belang ou la Lijst Dedecker pour défendre ce défi, car il y a aussi des partis responsables qui mettent ce point-làà l’agenda. Ce n’était pas une erreur. C’était presque naturel, même. Mais les intérêts du CD&V et de la N-VA ont ensuite divergé. Pour nous, la réforme de l’Etat, ce n’est qu’un moyen pour mieux gérer le socio-économique, ce n’est pas une fin en soi.

ENTRETIEN : FRANCOIS BRABANT

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