Carte blanche

« Indifférence accablante du monde politique face au réchauffement climatique »

Ces dernières semaines, des écoliers se sont rendus à Bruxelles tous les jeudis pour manifester contre le réchauffement climatique. Hier, ils étaient également présents en masse à la grande manifestation sur le climat. Ils brossent et descendent dans la rue parce que le monde politique fait cruellement défaut. Si le monde des adultes n’en fait rien, nous prendrons les choses en main nous-mêmes. Après tout, c’est notre avenir qui est en jeu. C’est ce qu’ils semblent penser. Ils ont raison.

Brosser pour le climat

Les jeunes sont à juste titre très préoccupés par la politique climatique dans notre pays. La Belgique a la cinquième empreinte écologique la plus élevée de tous les pays et, au fil des années, nous sommes même montés dans ce classement. Avec cette empreinte, nous prétendons avoir droit à quatre planètes, alors qu’il n’y en a bien sûr qu’une seule. Pourtant, les quatre ministres du climat continuent joyeusement d’affirmer qu’ils font du bon travail. Mais, parce que les jeunes ne s’en rendent pas encore assez compte, les excellences veulent envoyer des entraîneurs dans les écoles pour leur bien expliquer…

Les ‘jeunes climatiques’ exigent du monde politique un plan contraignant pour être climatiquement neutre d’ici 2050. Il n’y a pas de plan de ce genre. La Flandre est une grande rabat-joie, bien que les autres régions n’aillent pas beaucoup mieux. Par exemple, le gouvernement flamand vote au niveau européen contre les objectifs et mesures ambitieux dans le domaine des énergies renouvelables et des économies d’énergie. Récemment, la Flandre a également empêchée de devenir membre de la High Ambition Coalition, un groupe de 26 pays dont nos pays voisins, qui se sont engagés à intensifier leurs efforts en matière de climat. C’était peut-être pour la jeunesse flamande la goutte qui a fait déborder le seau. C’est pourquoi ils sont descendus dans la rue. L’étincelle s’est maintenant propagée en Wallonie.

Urgence

Selon les experts climatiques de l’ONU, pour sauver le climat, il faut limiter le réchauffement climatique jusqu’à 1,5°C. Nos gouvernements en Belgique ne veulent atteindre que 2°C. Même ce but n’est que de vaines paroles.

Ce demi-degré Celsius ne semble pas beaucoup mais consiste une différence essentielle. Si nous franchissons 1,5°C, nous dépassons un point de basculement et les calottes glaciaires commencent à fondre. Alors le réchauffement de la planète risque de se renforcer lui-même et de devenir complètement incontrôlable.

Dans ce scénario, nous nous dirigeons vers des conditions climatiques beaucoup plus extrêmes et certaines parties de la terre deviennent tout simplement inhabitables. Sécheresses extrêmes, pénuries d’eau, canicules et incendies de forêt d’une part, tempêtes de pluie violentes et inondations d’autre part. Jusqu’à un demi-million d’Européens seraient touchés chaque année par des inondations fluviales et côtières. À l’échelle mondiale, la Banque mondiale attend 140 millions de réfugiés climatiques d’ici 2050, un multiple de ce que nous savons aujourd’hui.

Le monde politique n’en comprend pas du tout la gravité et l’urgence. Pour limiter le réchauffement à 1,5°C, nous tous ensemble sur cette planète ne pouvons émettre que 420 gigatonnes de dioxyde de carbone (CO2). Au taux actuel, cela sera épuisé d’ici dix ans (avec une certitude de 50 %). Cela signifie que les émissions de CO2 doivent être réduites rapidement et radicalement. Malheureusement, les émissions mondiales ont encore augmenté l’année dernière ! Tout va donc dans la mauvaise direction.

Si nous voulons une planète vivable, les émissions mondiales doivent être réduites de plus de moitié d’ici 2030, et d’ici 2050, nous devons devenir tout à fait climatiquement neutres.

La Flandre complètement busée

En Flandre, les cinq principales sources d’émissions de CO2 sont par ordre d’importance : l’industrie, l’énergie, les transports, les ménages (habitations) et l’agriculture. Dans chacun de ces domaines, les ambitions et les efforts du gouvernement flamand sont tout simplement médiocres.

L’industrie représente près de 30 % des émissions. Cette part a augmenté depuis 2009. Le gouvernement flamand n’a aucun projet sérieux pour encourager l’industrie à atteindre la neutralité climatique.

Sur le plan de l’approvisionnement énergétique, la situation est même pire. Dans notre pays il appartient presque entièrement au secteur privé. Le gouvernement ne peut donc pas avoir d’ambitions ici parce qu’il n’a pratiquement rien à dire au secteur. Cela s’est récemment avéré blessamment dans le cas de l’arrêt des réacteurs nucléaires, ce qui aurait pu conduire à une pénurie d’énergie. Engie est le propriétaire d’Electrabel, le plus grand producteur et fournisseur d’énergie en Belgique. Nous savons de ce groupe qu’il a joué un rôle majeur dans la lutte contre le développement accéléré des énergies renouvelables au niveau européen. Le gouvernement reste les bras croisés. À l’heure actuelle, à peine 8% de la production d’énergie en Belgique est renouvelable. Vraiment honteux. La production d’énergie est trop importante pour être laissée à des acteurs qui ne recherchent que le profit. Pour des raisons climatiques, la production d’énergie doit être remise sous contrôle démocratique. En plus elle doit être gérée par le gouvernement (local) ou par des coopératives, des initiatives citoyennes, ….

Les transports sont responsables d’environ un cinquième des émissions de carbone. Et que voit-on? Chaque année, 4 milliards d’euros sont consacrés à la subvention des voitures de société, tandis que la SNCB et Infrabel doivent économiser environ 3 milliards d’euros. Quelle ambition climatique. Il manque un plan visant à n’autoriser que des voitures sans émissions d’ici 2030, par exemple, et encore moins un plan d’investissement à grande échelle dans les transports publics.

La politique du logement échoue également à la lumière des objectifs climatiques. Aujourd’hui, 90 % des logements flamands sont modérément à mal isolés. Afin d’atteindre une efficacité énergétique suffisante d’ici 2050, 2,5 % des maisons existantes devront être rénovées annuellement. Aujourd’hui, nous n’atteignons même pas 1 %. Le gouvernement doit intervenir beaucoup plus qu’il ne le fait aujourd’hui dans les coûts d’isolation et mettre en place des systèmes permettant aux familles de payer la rénovation en proportion des économies d’énergie réalisées.

Enfin, l’agriculture. La Flandre compte 6,5 millions de porcs et 1,3 million de boeufs. Pour respecter l’accord climatique de Paris, il faut réduire de 40 à 80% les émissions de gaz à effet de serre liées à l’élevage. Cela ne peut se faire qu’en réduisant le nombre d’animaux. Cela inclut des mesures de soutien pour faciliter cette transition. Mais Joke Schauvliege, la ministre flamande en charge de la politique climatique, ne veut pas toucher le troupeau.

Il n’est donc pas surprenant que la Flandre n’atteindra même pas les objectifs climatiques de l’Union européenne déjà minimes. Bruxelles et la Wallonie risquent également de ne pas atteindre leurs objectifs pour 2020. Il ne s’agit plus d’augmenter un peu nos efforts, nous devons vraiment passer à une vitesse supérieure. Nous n’avons plus de temps à perdre. Les étudiants l’ont bien compris et placent nos gouvernements devant leur responsabilité écrasante. Ils méritent plus que notre soutien.

Par Marc Vandepitte, Professeur (école technique à Malines) et membre du PTB

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