Vincent Genot

Il est grand temps d’oublier le vote électronique

Vincent Genot Rédacteur en chef adjoint Newsroom

Inauguré lors des élections législatives et provinciales de 1991, le vote électronique n’en finit pas de poser question. Plus cher que le vote papier et peu transparent en matière de contrôle, le système a montré ses limites lors du dernier scrutin.

Dimanche dernier, de nombreux Belges ont fait confiance à un ordinateur pour inscrire leur choix électoral sur la piste magnétique d’une carte en plastique. Carte qui a ensuite été déposée dans une urne électronique. A aucun moment du processus, ils n’ont eu la certitude visuelle, comme c’est le cas avec le vote papier, que le candidat auquel ils ont donné leur voix était bien celui comptabilisé par l’urne. En 1997 déjà, l’association « Pour EVA », qui défend le droit du citoyen à garder le contrôle sur l’ensemble des scrutins, demandait l’accès au code source des programmes informatiques qui gèrent le système de vote. Craignant une mise en péril de la « sûreté publique », le ministère de l’Intérieur belge lui opposa un refus catégorique.

Résultat : en mai 2014, ces mêmes spécialistes du ministère de l’Intérieur ont dû batailler ferme avec un système obsolète pour enfin sortir les résultats définitifs du scrutin, amputés de 2000 votes, « soit 0,06% des 21 millions de vote exprimés dimanche », selon un communiqué du SPF Intérieur . Le logiciel a en effet constaté une incohérence et a refusé de lire certaines disquettes reprenant les votes émis. Du coup, 2000 votes sont passés à la trappe. Et encore désolé pour ceux qui les avaient émis.

Quand on analyse le procédé de vote automatisé, on finit par se demander pourquoi on fait appel à des ordinateurs pour voter. Au début de l’expérience, on évoquait souvent la rapidité, le coût et le contrôle de la régularité du scrutin. Si, d’un point de vue démocratique, l’argument rapidité peut paraître secondaire, les deux autres raisons semblent plus déterminantes. Mais avec le recul, on s’aperçoit qu’aucun des avantages n’est véritablement rencontré.

Une estimation réalisée pour le Sénat sur la base des élections du 13 juin 2004 parle même de 4,50 euros par électeur pour le vote automatisé, contre 1,50 euro seulement pour le vote papier. On est très loin des économies attendues.

Quant au contrôle de la régularité du scrutin, sous couvert de modernité, on bafoue des années de travail législatif qui ont permis de mettre en place un système de contrôle efficace. Avec le vote électronique, on fait confiance aux spécialistes qui se réfugient derrière le politique. Pour se dédouaner, le SPF Intérieur affirme même que les logiciels utilisés dimanche ont fait l’objet d’une certification au mois d’avril par Price Waterhouse Coopers. Que le système de vote sur lequel se base la démocratie belge soit certifié par une société dont le siège social est situé à Londres devrait plutôt inquiéter tout bon démocrate. A quand le vote privatisé ?

Dans ce dossier on assiste à une sorte de statu quo. Dans les partis francophones, personne ne semble convaincu par le vote électronique. Mais personne ne prend ses responsabilités d’y mettre fin. Alors, à chaque élection, on continue de bricoler au coup par coup avec des bouts de ficelle. Parfois, la modernité peut aussi passer par un simple crayon.

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