Carte blanche

Il est encore temps d’éviter la pénurie totale de médecins !

Limitation du nombre de médecins, quotas INAMI, examen d’entrée… Les études et la profession de médecin sont loin d’être une sinécure en Belgique. En cause, des responsabilités du passé qui rencontrent des décisions du présent, qui vont durement impacter le futur.

Il est toutefois encore possible d’éviter la pénurie totale de médecins vers laquelle on fonce tout droit: les divers niveaux de pouvoirs doivent se parler et sortir de l’obstination.

C’est la raison pour laquelle nous avons introduit une procédure en conflit d’intérêt contre le projet de loi sur la réforme des quotas Inami, porté par la Ministre fédérale de la Santé Maggie De Block. Cette procédure est en effet la seule qui oblige les différents gouvernements à communiquer entre eux pour trouver des solutions acceptables pour toutes les entités, au regard de leurs enjeux et réalités propres. Elle constitue à la fois un signal d’alarme quant à la gravité du problème et, en forçant le dialogue institutionnel, une obligation pour tous les acteurs à prendre le temps de la discussion.

Dans certaines régions, nous faisons déjà aujourd’hui face à des pénuries en soins de santé, soit sur le plan géographique en médecine générale, soit dans différentes spécialités. Tel qu’il est prévu par la limitation des quotas Inami, le système de planification est injuste et basé sur une thèse infondée comme quoi le nombre de médecins impactera directement les dépenses en sécurité sociale. Et en outre, ce système ne fonctionne pas du tout! Les évolutions des pratiques médicales et des besoins de la population n’ont pas été prises en compte. Plus absurde encore, il limite l’accès à la profession des étudiants issus des universités belges, mais des universités étrangères européennes, afin de respecter les règles de libre circulation et établissement au sein de l’union. En conséquences, des étudiants belges vont ainsi finir leurs études à l’étranger pour pouvoir revenir exercer dans leur propre pays. Cela n’a juste aucun sens! Sans même parler de « l’importation » de médecins étrangers pour suppléer aux carences dans certaines zones.

Les conséquences pour les patients sont multiples: délais d’attente importants pour obtenir un rendez-vous à l’hôpital, difficultés à trouver un médecin généraliste, difficulté à trouver un spécialiste. Les premières victimes de ces dysfonctionnements sont les patients, et particulièrement les moins nantis, qui ne peuvent se permettre de recourir à la médecine privée.

La réforme fédérale telle qu’elle s’annonce risque d’empirer les problèmes et n’oeuvre pas à l’accès à des soins de santé de qualité et accessibles pour tous. Derrière les chiffres, il y a une méthode qui traduit une volonté de communautarisation des politiques de santé et de discrimination de la part de la Ministre fédérale de la santé.

Pour nous, seule une régulation territoriale de l’offre de soins basée sur les besoins réels permettra de sortir de l’ornière. Il faut repenser l’ensemble du système pour coller à la réalité. Au niveau des études, nous proposons une réorganisation complète des différentes filières d’école de la santé, en s’appuyant sur un tronc commun réel et une orientation bien plus progressive des étudiants tout au long de leur cursus. Et concernant les médecins en exercice, il faut organiser une régulation territoriale de l’offre de soins qui se base sur une évaluation des besoins de la population. Surtout, il faut revaloriser de toute urgence la médecine générale! Il n’est pas normal que la toute grande majorité des jeunes qui choisissent les études médicales ne rêvent que de devenir spécialiste. C’est d’abord par la médecine de première ligne que l’on pourra agir préventivement et en profondeur sur la santé de la population.

L’évolution du métier, des technologies et l’allongement de la vie ont modifié les besoins en offre de soins. Nous devons tous en tenir compte. Et il faut pour cela que les différents niveaux de pouvoir se parlent, projettent une vision d’avenir et aient le courage de repenser le système dans son ensemble, plutôt que d’essayer, chacun dans son coin, de réparer et d’abîmer chaque fois encore plus une situation déjà (mal) réparée. Au-delà des chiffres, des questions liées aux examens et aux quotas, c’est de l’accessibilité aux soins dont il est question, pour chacune et chacun d’entre nous, quels que soient nos lieux de résidence ou nos revenus.

Barbara Trachte, cheffe de groupe Ecolo au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Philippe Henry, député wallon Ecolo

Alain Maron, député bruxellois Ecolo

Muriel Gerkens, députée fédérale Ecolo

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