© Image Globe

Hoyos-Deleuze : la fin d’un duo ?

François Brabant
François Brabant Journaliste politique au Vif/L'Express

Même si un climat latent de rumeurs et de crispations règne chez Ecolo depuis la défaite électorale du 25 mai, le parti a su jusqu’à présent éviter le spectre d’une guerre intestine. Mais la position des coprésidents Emily Hoyos et Olivier Deleuze sera-t-elle tenable à long terme ? Certains en doutent.

Au début, ils n’envisageaient pas du tout de démissionner. Vu la pression d’après-débâcle électorale, les deux patrons d’Ecolo ont toutefois été obligés d’en rabattre un peu. Emily Hoyos et Olivier Deleuze indiquent à présent qu’il n’y aura pas de tabou dans la discussion, pas même la coprésidence. A mots de moins en moins feutrés, certains élus demandent leur départ.

« Je ne vois pas comment on peut incarner un changement de cap avec les mêmes têtes », résume Céline Delforge, députée régionale bruxelloise, réputée pour son franc-parler et ses positions idéologiques très à gauche. D’autres parlementaires, d’autres mandataires locaux, y compris parmi ceux réputés proches de l’actuelle direction d’Ecolo, pensent comme elle. Combien sont-ils ?

Représentent-ils une majorité dans le parti ? Une importante minorité ? Ou ne s’agit-il que de francs-tireurs isolés ? Impossible à dire pour le moment, mais la situation devrait se décanter au cours de l’été. A la rentrée, on devrait savoir si la positon d’Olivier Deleuze et Emily Hoyos sera tenable à long terme, ou si au contraire, la contestation s’intensifie.

Les critiques, en réalité, visent moins Emily Hoyos qu’Olivier Deleuze. Promu bourgmestre de Watermael-Boitsfort dans la foulée des élections communales d’octobre 2012, ce dernier a donné l’impression de délaisser ses activités de coprésident pour se concentrer davantage sur son mayorat. « Du coup, Emily a compensé en travaillant à 150 %, mais le duo n’est plus équilibré », constate un observateur. Quand elle a pris les commandes d’Ecolo, au printemps 2012, l’équipe Hoyos-Deleuze tirait en effet sa force de sa complémentarité. A Emily Hoyos : l’appui aux majorités régionales, la fraîcheur et la jeunesse, la Wallonie, le profil « bobo », le discours un peu lisse. A Olivier Deleuze : la contestation du gouvernement fédéral, le terrain bruxellois, l’épaisseur historique du mouvement écologiste, l’ancrage à gauche. A partir du moment où le second s’est effacé progressivement au bénéfice de la première, de nombreux écolos se sont sentis trahis, en particulier dans la capitale.

« Aujourd’hui, Deleuze n’a plus aucune légitimité à Bruxelles », insiste un écologiste pourtant peu suspect de velléités putschistes. « Olivier Deleuze, il n’a pas été mis dehors, il est parti de lui-même, voici plusieurs mois déjà, indique Alain Maron, qui vient d’être réélu député au Parlement bruxellois. Il n’a pas fait campagne. Donc il faut le remplacer. Et comme à mon avis, personne ne voudra faire roue de secours jusqu’à la fin du mandat d’Emily Hoyos, on va devoir organiser une élection interne pour élire un nouveau duo. »

L’équation comporte cependant une difficulté majeure : si Olivier Deleuze a une échappatoire (le mayorat de Boitsfort), Emily Hoyos ne peut compter sur aucun plan B. Ceci expliquerait, selon certaines sources, son attitude « je ne lâche rien » et sa volonté de s’accrocher à la présidence. La peur de tout perdre, en somme… Si elle avait été réélue députée le 25 mai dernier, la probabilité d’un changement à la tête d’Ecolo aurait sans doute augmenté.

Emily Hoyos pourrait néanmoins être tentée de faire sauter le fusible Deleuze pour se sauver elle-même. Reste ce problème : elle devra trouver un coprésident bruxellois, statuts d’Ecolo obligent. Et il n’est pas acquis que les candidats se bousculeront au portillon pour faire équipe avec elle. Christos Doulkeridis, proche de la direction d’Ecolo depuis presque vingt ans, secrétaire d’Etat dans le gouvernement régional bruxellois de 2009 à 2014, pourrait apparaître comme une hypothèse logique. Mais son score maigrelet aux dernières élections ne plaide pas en sa faveur.

Une autre difficulté se pose à Ecolo : si la défaite électorale a abîmé l’image du duo Hoyos-Deleuze, aucun casting de remplacement ne s’impose. Une multitude de noms circulent, mais difficile de distinguer ceux qui relèvent de la pure intox et ceux qui pourraient s’ériger en outsiders crédibles. Parmi les personnalités parfois évoquées : Arnaud Pinxteren, Benoit Hellings, Zakia Khattabi et Zoé Genot côté bruxellois ; Patrick Dupriez, Stéphane Hazée et Jean-Marc Nollet côté wallon. Mais aucune « dream team » en vue.

Dans le doute, et compte tenu de la profondeur de la crise, certains rêvent d’un come-back de Jean-Michel Javaux. L’ancien coprésident des verts n’a-t-il pas porté Ecolo à près de 20 % en 2009 ? Le bourgmestre d’Amay n’est-il pas réputé pour ses talents de rassembleur ? « Il reste notre meilleur atout », estime un élu bruxellois. « Javaux peut sembler une bonne idée à certains et la pire de toutes à d’autres, objecte l’ex-député fédéral Eric Jadot. Certains imputent notre recul à son retrait. D’autres, dont je suis, pensent plutôt qu’Emily Hoyos et Olivier Deleuze n’ont fait que poursuivre la ligne initiée par Javaux, et que c’est cette ligne très centriste qui nous a mené là où on est. »

Dès lors, Emily Hoyos et Olivier Deleuze doivent-ils rester en place ? Contacté par Le Vif/L’Express, Jean-Michel Javaux se borne à dire : « Je ne me positionne ni dans un sens ni dans l’autre, mais j’ai toujours tendance à faire confiance à ceux qui ont été choisis par une assemblée générale. Je serais donc enclin à penser que les coprésidents doivent aller au bout de leur mandat. »

Dans Le Vif/L’Express de cette semaine : « L’après-Bérézina », ou l’immersion dans un parti en plein doute. Dossier de quatre pages sur Ecolo, avec des interventions de Jean-Michel Javaux, Zoé Genot, Stéphane Hazée et d’autres figures du parti.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire