Maggie De Block © BELGA

Hôpitaux : un nouveau grain de sable dans l’horlogerie budgétaire du fédéral

François Remy
François Remy Journaliste

Un grain de sable de plus dans l’horlogerie budgétaire du gouvernement fédéral. Un  » petit  » hôpital wallon vient de remporter une bataille juridique contre Maggie De Block devant le Conseil d’État. Mais les conséquences de l’arrêt rendu par la haute juridiction dépasseraient ce duel : la ministre serait théoriquement obligée de rendre à tous les hôpitaux du pays l’argent d’une mesure d’économie contestée.

Epicura peut se réjouir de la décision prononcée par la section contentieux du Conseil d’État. Ce centre hospitalier qui s’étend sur sept sites dans la région d’Ath et de Mons-Borinage s’opposait à la réduction des moyens imposée en 2015 à son service de maternité. Epicura devait participer à l’effort budgétaire portant sur la durée de séjour à l’hôpital après un accouchement ordinaire.

« Si la façon de décider cette économie était déjà discutable en soi, nous avons en fait contesté l’effet rétroactif de l’application de la mesure », remet en contexte Fabienne Draux, directrice générale adjointe d’Epicura.

Grossièrement résumé, l’arrêté royal qui déterminait le calcul de contribution d’Epicura à l’économie planifiée de 18,7 millions d’euros pour l’ensemble des hôpitaux a été pris tardivement. Tout en mentionnant qu’il produisait ses effets rétroactivement au 1er janvier 2015. Or depuis le début de l’année, le gouvernement fédéral avait annoncé un financement pour les hôpitaux du Royaume en hausse par rapport à l’exercice précédent.

« Le budget pour l’année 2015 est plus élevé de 263 millions d’euros que celui de 2014, de telle sorte qu’il était impossible de déterminer, à partir de cette augmentation, qu’une économie de 18,7 millions d’euros allait être réalisée au détriment des hôpitaux. Et encore moins comment cette économie serait répartie », ont fait valoir dans leur plaidoirie les avocats d’Epicura.

Démotivée ?

Le Conseil d’État a dès lors décidé d’annuler la décision de la ministre de la Santé publique, forcé de constater que l’autorité fédérale « méconnaissait l’obligation de motivation matérielle qui lui incombait ». A savoir, préciser dans le dossier administratif, constitué au cours de l’élaboration d’un règlement, les motifs exacts, pertinents et légalement admissibles de la rétroactivité.

D’ailleurs, les motifs employés par les services de Maggie De Block pour justifier la rétroactivité des mesures budgétaires avaient été jugés inadmissibles par la section législation du Conseil d’État, peut-on lire dans un avis confidentiel rendu préalablement.

En théorie, Epicura devrait dès lors récupérer les montants prélevés. Ce qui ne porte pas sur des millions d’euros à son échelle. Mais, l’hôpital hennuyer n’est pas le seul à avoir contesté l’économie de la ministre De Block. D’autres groupements hospitaliers ont introduit une même requête en annulation. La conclusion du Conseil d’État a ainsi de fortes chances de faire jurisprudence. Il serait alors question de rendre aux maternités… l’ensemble des économies de 2015 sur la durée de séjour post-accouchement.

Rien ne se perd…

Qu’adviendra-t-il concrètement de l’argent prélevé aux hôpitaux ? « Nous n’avons à ce stade pas plus d’informations à fournir », a temporisé le cabinet de la ministre fédérale. D’un point de vue purement technique, l’arrêté royal relatif à la fixation et à la liquidation du budget des moyens financiers des hôpitaux est désormais censé n’avoir jamais existé.

Comment sera comblé le vide juridique ainsi créé ? « Je ne peux rien détailler, dans la mesure où la ministre doit encore décider quelles suites réserver à l’arrêt du Conseil d’État. L’éventail des possibilités est actuellement discuté », nous explique succinctement l’avocat au bureau Xirius qui représente Maggie De Block.

Selon toute vraisemblance, les moyens financiers des hôpitaux devraient être augmentés de leur précédente contribution lors de la prochaine fixation budgétaire en 2017. Toutefois, dans les couloirs de l’administration, on laisse entendre qu’Epicura et les fédérations hospitalières feraient mieux d’utiliser le conditionnel. Dit autrement, la ministre, ses avocats et ses services tente(ro)nt de récupérer leurs billes.

Même si Epicura entretient des rapports de confiance avec le Fédéral, « restons prudents. Attendons de voir ce qui va se passer au niveau de Madame De Block. Pour le moment c’est acquis, mais jusqu’à quand ? », philosophe la direction hospitalière.

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