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Guerre des polices : le retour

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Les postes-clés de la police sont contrôlés par d’ex-gendarmes. Ce qui expliquerait le bras de fer entre Joëlle Milquet et Catherine De Bolle sur la nouvelle réforme. Explications.

Ce n’est plus un secret : le torchon brûle entre Joëlle Milquet et Catherine De Bolle. La ministre de l’Intérieur CDH et la patronne de la police fédérale multiplient tacles et coups bas entre elles. En jeu : l’adaptation de la réforme des polices, vieille de dix ans, que le gouvernement réuni en kern examinait ce 3 juillet. Officiellement, on parle de l' »optimalisation de la police fédérale ». Cela faisait plusieurs mois que Catherine De Bolle et ses hommes planchaient sur ce lifting des services de polices. Mais voilà, le rapport de 73 pages remis le 21 janvier dernier passait mal au cabinet Milquet.

Pendant les vacances de Pâques, la ministre avait remis en place, plutôt vertement, la commissaire en chef. Elle avait désavoué son intention de décentraliser des unités comme la Federal Computer Crime Unit (FCCU), l’Office central de la lutte contre la délinquance économique et financière organisée (OCDEFO) et le Fugitive Asset & Search Team (FAST), chargé au sein de l’OCDEFO de traquer les avantages patrimoniaux illégaux des fugitifs. Pour Milquet, il était impensable de transférer les effectifs de ces unités vers les arrondissements judiciaires locaux, d’autant que les dossiers que celles-ci traitent ont de plus en plus souvent des ramifications internationales.

Mais De Bolle n’en a pas démordu. Elle est revenue à la charge, sans modifier son plan. Selon nos sources, plusieurs réunions ont tourné au clash au mois de mai, entre d’un côté Catherine De Bolle, François Farcy (directeur de la police judiciaire), Willy Bruggeman (président du Conseil fédéral de la police) et de l’autre Peter Vansintjan (chef de cabinet de Milquet), Jean-Pierre Doraene (conseiller de Milquet et ancien directeur judiciaire de Charleroi).

La résistance d’ex-gendarmes

Milquet a néanmoins proposé de renforcer les polices locales. Son idée : donner deux têtes à la direction des arrondissements, une pour l’opérationnel, l’autre pour l’administratif. Mais, du côté police fédérale, on ne veut pas de cette structure bicéphale jugée ingérable. En appui, le syndicat SLFP-Police a critiqué « les élucubrations de conseils-intrigants vivant dans une tour d’ivoire ». En coulisse, on murmure aussi que la résistance des chefs de la police à Milquet est le fait d’anciens gendarmes. Au cabinet, Jean-Pierre Doraene, lui, est issu de l’ex-PJ. Bref, à la faveur de cette réforme-bis, la guerre des polices referait surface.

Explication : quasi toutes les directions générales de la police fédérale sont trustées par d’anciens gendarmes. Idem pour l’inspection générale et le service d’enquête du comité P. Willy Bruggeman ? Ancien colonel de gendarmerie. François Farcy ? Ancien de la BSR de Verviers. Catherine De Bolle ? Elle a commencé sa carrière dans la gendarmerie. En revanche, le patron la section criminalité financière de la police fédérale (DJF), Johan Denolf, qui chapeaute l’OCDEFO, le FAST et la FCCU, est un ancien péjiste. Décentraliser ces trois unités permettrait de les contrôler via les arrondissements, majoritairement dirigés par… d’ex-gendarmes. Par contre, la police administrative (routes, chemins de fer et aéroports), dirigée par d’ex-gendarmes, doit rester centralisée, dans le plan De Bol.

L’explication vaut ce qu’elle vaut, bien sûr. Surtout dans le climat houleux d’une épreuve de force entre la police fédérale et le cabinet. Cela dit, le 28 juin, lors d’une réunion avec le collège des procureurs généraux, le plan des chefs de la police s’est fait recaler. Selon nos informations, le procureur général de Bruxelles a jugé absurde la suppression de l’OCDEFO et de la FCCU. Une chose est sûre : l’affrontement Milquet-De Bolle laissera des traces.

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