Grâce à l’Iftar, Geert Bourgeois peut devenir un plus grand Flamand que De Wever

Le 11 juillet dernier, le ministre-président flamand Geert Bourgeois (N-VA) a conclu la fête de la Communauté flamande en participant à un Iftar, la rupture du jeûne du ramadan, à Gand. Selon ses dires, il y a prononcé « le discours le plus important de la journée ». L’homme n’a sans doute jamais eu raison à ce point, même si son message a été très peu relayé.

Face aux musulmans réunis pour l’Iftar, où « il ne peut s’imaginer de plus belle fin de cette journée flamande, au milieu de tous les Flamands, anciens et nouveaux » Bourgeois a prononcé un discours capital qui a pourtant suscité très peu de réactions.

Un silence étonnant, au vu des phrases suivantes:

« Le 11 juillet est également votre jour (musulmans flamands, NDLR) de fête, pas seulement parce que vous habitez ou êtes nés ici. Le 11 juillet est votre jour de fête, parce que vous contribuez à former la nation flamande, en tant que citoyen libre aux droits et devoirs égaux ».

Cette phrase est très importante. Bourgeois franchit une étape dans la discussion autour de l’identité, sur qui est flamand et peut l’être. En reconnaissant la richesse d’une autre origine, donc pas simplement en étant ici, Bourgeois choisit les Lumières 2.0 – un stade que beaucoup de libéraux, socialistes et autres progressistes n’ont pas encore atteint.

« Nous n’oublierons pas que beaucoup de jeunes musulmans sont tombés dans la boue flamande, qu’ils ont combattu pour nous, Flamands, pour nos droits et libertés ».

Cette phrase, c’est l’équivalent verbal des rangées de croix, d’étoiles juives et de demi-lunes sur les champs d’Ypres. C’est – laissons-nous aller un instant – Barack Obama sur la Lys. Bourgeois prouve qu’il sait faire plus que copier le président américain ou Angela Merkel. Bourgeois jette un pont entre le passé et le présent, entre les anciens Flamands et les nouveaux.

Et relisez ceci:

« Déjà au Moyen-Âge, les scientifiques et philosophes arabes ont redessiné le paysage intellectuel de l’Europe chrétienne. Nous devons de nombreuses connaissances en géographie, mathématiques et médecine à des savants tels que Al-Khwarismi, Ibn Sina et Ibn Rushd. L’Empire ottoman a également influencé la pensée occidentale pendant des siècles ».

Notez qu’il s’agit d’un extrait d’un discours d’un politique de droite, conservateur et nationaliste. Si vous déclamiez ces phrases à un congrès du Vlaams Belang, il est probable qu’on déclenche le plan d’urgence provincial.

Ces paroles de Bourgeois suscitent l’étonnement. Car il contrecarre le discours dominant de la N-VA, un parti qui tient un discours controversé et parfois même problématique sur la discrimination, le racisme et l’intégration.

Pensez à Liesbeth Homans. Son discours demeure invariable : « Il est plus important de dire ce qu’est le racisme, que ce qu’il n’est pas : une excuse pour échapper à sa responsabilité ». Entre le racisme et la discrimination d’une part et le racisme comme excuse d’autre part, lequel d’entre eux pèsera le plus lourd et indiquera le plus grand cancer sociétal ?

Pensez au président Bart De Wever, dont le nationalisme flamand démocratique a pris un coup suite aux transferts de membres du Vlaams Belang vers la N-VA et ses fameux propos sur les Berbères. Tout comme il renverse la cause et de la conséquence en matière de racisme et discrimination : le racisme est une conséquence d’un problème, et moins un problème en soi. Une rhétorique politique qui en appelle autant aux bas instincts qu’elle en devient dangereuse.

Rarement un politique de droite, et encore moins un membre de la N-VA, n’a parlé de façon aussi décomplexée d’identité exclusive, d’intégration, de liberté et de tolérance

A l’inverse, le message de Bourgeois est clair comme de l’eau de roche : ceux dont les racines ne remontent pas à Courtrai en 1302 sont les bienvenus et surtout un enrichissement. Rarement un politique de droite, et encore moins un membre de la N-VA, n’a parlé de façon aussi décomplexée d’identité exclusive, d’intégration, de liberté et de tolérance.

Quoi qu’il en soit, Geert Bourgeois est un ministre-président flamand historique, déjà rien que parce qu’il est le premier nationaliste flamand à occuper cette fonction.

« Mouvement flamand, mouvement social »

Peut-il également devenir historique en tant qu’exposant du « mouvement flamand, mouvement social », un ancien credo souvent oublié dans la rhétorique nationaliste-flamande de ces dernières années ? Peut-être. Mais uniquement s’il se montre aussi inflexible que sur le plan flamand. En faisant par exemple intervenir son gouvernement, et surtout ses ministres N-VA compétents dans ce domaine, plus nettement contre la discrimination sur le marché du travail, le racisme et l’exclusion sociale.

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