Guillaume Dos Santos

Gestation pour autrui : l’être humain est-il un objet ?

Guillaume Dos Santos Citoyen et jeune père de famille

Connaissez-vous Bienvenue à Gattaca ? C’est cet excellent film de Andrew Niccol qui, bien que sorti en 1997, a très peu vieilli. Il décrit une société dystopique où les progrès de la génétique auraient mené à une généralisation de ce qu’on appelle la fécondation in vitro.

La plupart des êtres humains n’y sont plus conçus de manière naturelle, mais bien via la fécondation en laboratoire, d’un ovocyte de la mère par un spermatozoïde du père. Dans le film, les gamètes des parents sont au préalable triés et sélectionnés afin d’obtenir des enfants répondant à des critères de perfection finalement très actuels : QI élevé, capacités physiques optimisées, faible propension à la violence, etc. L’objectif ? En finir avec le hasard et l’incertitude que nous impose la Nature, en vue d’élaborer un humain parfait. Bienvenue à Gattaca.

Autre sujet : avez-vous entendu parler du salon « Men having babies » qui se tiendra à Bruxelles ce week-end, à quelques mètres de la Gare Centrale ? Des firmes y proposent le recours à tout un éventail de mères porteuses (qu’on choisit sur catalogue !) qui acceptent de porter un enfant contre rémunération. Le prix d’un enfant, tous frais compris, varie entre 95.000$ et 160.000$. Ceci n’est pas un film, mais bien la dure réalité de ce qu’on appelle la gestation pour autrui. Bienvenue à Bruxelles.

Quel est le rapport entre le film d’Andrew Niccol et cet événement ? La réponse est simple : c’est la réduction de l’être humain à un objet qui se fabrique, s’achète ou se loue. Ce qui relie Gattaca (société fictive) et le salon « Men having babies » (bien réel quant à lui), c’est que dans les deux cas cela touche à notre plus profonde et intime dignité humaine. En traitant l’être humain en tant qu’objet plutôt que sujet, en faisant de l’enfant une marchandise qui se produit et s’achète, on porte atteinte à son humanité.

On dénonce aujourd’hui les excès de l’Homme sur l’environnement, la destruction de nos écosystèmes. Mais curieusement, on demeure muet dès lors que l’on touche à l’écosystème le plus sacré qui soit : celui de la vie humaine. À quoi sert notre indignation devant la dégradation accélérée que nous imposons à la Nature si nous ne respectons pas la nature qui est en nous, celle de notre propre corps ? L’écologie n’est qu’un vain mot si elle ne comporte pas aussi et surtout un volet humain : l’écologie du corps.

Bien sûr, l’on dira que chacun est libre de disposer de son corps et de le louer si tel est son désir. Mais il y a là un abus de langage, impropre à traduire ce qu’il y a de sacré dans le corps humain. On dispose d’un bien, d’un outil, d’un meuble. Dispose-t-on d’un corps ? Ne peut-on admettre, dans nos sociétés, que celui-ci devrait au contraire constituer un temple inviolable ? On ne peut, on ne pourra jamais « disposer » du corps humain que si l’on suppose d’abord qu’il n’est guère plus qu’un artefact, un outil qu’on peut malmener. Peut-on « disposer » d’un nourrisson à la manière d’un objet?

Tout ce qui avilit l’être humain, en le réduisant dans ce cas-ci à une marchandise dont la naissance fait l’objet d’une transaction, ne devrait jamais être accepté. C’est pourquoi de nombreux pays ont tout simplement interdit la pratique de la gestation pour autrui. En Belgique, il existe un flou juridique doublé d’une certaine cécité de la part du politique, difficilement compréhensible. Pourquoi permet-on à une société étrangère de revenir chaque année vendre ses services dans notre belle capitale alors qu’elle ne s’est jamais cachée de proposer ni plus ni moins que le trafic d’enfants et la location d’utérus?

Dans son livre « La Destruction du réel », Bertrand Vergely pointe cette névrose de la modernité qui tend à menacer nos origines. « L’Humanité, écrit-il, venait de la vie et, derrière elle, d’une généalogie à travers la vie. » Elle risque désormais de venir d’une manipulation de la vie en laboratoire et d’un contrat commercial.

Pour le jeune père que je suis, la naissance a quelque chose de mystérieux. Dans ce passage du presque rien qui précède l’embryon à l’apparition de la vie humaine, se produit quelque chose de miraculeux. Notre époque n’aime ni les mystères ni les miracles. À travers les nouvelles techniques de procréation assistée -PMA, GPA, Fécondation in Vitro, et bientôt utérus artificiel ?- c’est tout le mystère de la naissance qui est en passe de devenir peu à peu un processus de fabrication régi par un contrat. En route vers le meilleur des mondes ?

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