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Gaz à effet de serre dans la classe: nos écoles sont-elles saines ?

Le Vif

Les écoles ne sont pas que des établissements scolaires, c’est aussi l’endroit ou nos enfants grandissent. Pourtant c’est souvent loin d’être idyllique: /Grasair intérieur malsain, bruit incessant et assourdissant (plainte la plus souvent rapportée par les enfants), mobilier peu adapté, cartables trop lourds, toilettes sales…

Les plus petits passent en moyenne 90 % de leur temps dans des lieux clos (maison, transports, école ou crèche), on est en droit de se demander si ces endroits assurent leur bien-être. Notamment l’école, puisqu’il s’agit de celui que l’on maîtrise le moins, en tant que parents…

L’école peut être l’un des endroits les plus agréables pour nos enfants : certes ils doivent se tenir à une discipline d’écoute, de travail, mais ils y vivent aussi des moments très forts entre camarades de classe et instituteurs. Mais tout n’y est pas toujours rose, même si nos enfants n’en sont pas conscients. Air intérieur malsain, bruit incessant et assourdissant (plainte la plus souvent rapportée par les enfants), mobilier peu adapté, cartables trop lourds, toilettes sales… sont autant de points noirs qui pourraient être résolus. Heureusement, la prise de conscience avance, lentement mais – on l’espère ! – sûrement. En tout cas dans deux de ces domaines : l’air intérieur et le bruit.

Un air vicié

L’une des questions qui suscite un intérêt croissant est la qualité de l’air dans les classes. Plusieurs associations actives dans l’analyse des polluants intérieurs dans les habitations ont étendu leur champ d’action aux autres lieux de vie dont les écoles. Ce mouvement a été lancé chez nous à partir du grand-duché du Luxembourg, avec la création des « Ambulances vertes », chargées, à la demande d’un médecin de famille, d’analyser l’air intérieur des habitations suite à des problèmes de santé susceptibles d’être liés à des polluants de la maison. C’était il y a près de 20 ans ; depuis, les provinces du Sud du pays se sont dotées progressivement de structures offrant les mêmes services. Certaines d’entre elles mènent en outre des actions pour effectuer des mesures des polluants dans les classes, même sans plaintes.

Sandrine Bladt, conseillère à la CRIPI (Cellule Régionale d’Intervention en Pollution Intérieure, créée par l’asbl Bruxelles-Environnement en partenariat avec l’Institut de Santé publique et le Fonds des Affections Respiratoires – FARES en 2000) travaille sur la qualité de l’air des écoles maternelles depuis 2010 : « Au départ, notre mission concernait la qualité de l’air intérieur dans les habitations ; ensuite nous avons élargi notre champ d’action d’abord aux crèches, ensuite aux écoles maternelles de la Région bruxelloise. Il fallait aller voir plus loin que les problèmes au domicile. Un tiers de nos interventions suite à des problèmes de santé susceptibles d’être liés à l’environnement intérieur concernait des enfants de 0 à 6 ans, qui souffraient de bronchiolites à répétition, asthme, etc. Nous avons procédé à des prélèvements et des mesures dans les classes de différentes écoles de la Région bruxelloise. Nous avons constaté que le principal problème relevé était le taux de gaz carbonique (CO2), dans des concentrations largement supérieures aux normales de 1000 ppb. Dans certaines classes, le taux en fin de journée dépassait allègrement les 3000 ppb. Cette haute concentration est imputable à un manque de renouvellement de l’air, le CO2 dans l’air expiré par les enfants se concentrant au fur et à mesure que les heures passent. »

Quelques minutes suffisent

Certaines écoles du pays se sont munies de petits appareils de mesure de CO2, qui disposent de voyants lumineux colorés pour indiquer dans quelle fourchette se situe sa concentration dans la classe. « Ce type d’appareils présente une utilité qui dépasse celle d’aérer au moment où le voyant est à l’orange ou au rouge : ils ont aussi pour effet de sensibiliser les institutrices et les enfants à la fréquence de renouvellement de l’air, plus élevée qu’on ne le pense bien souvent », enchaîne la spécialiste. Car la réponse unique à donner à une concentration trop élevée de CO2 dans un local, c’est d’ouvrir grand les fenêtres durant quelques minutes. Dans les classes, il est ainsi recommandé de procéder à ce renouvellement avant les cours et à toutes les pauses (10 h, midi, après-midi) et en fin de journée.

Marc Roger, de Hainaut Vigilance Sanitaire a aussi beaucoup travaillé sur le sujet. Il insiste sur le peu de temps nécessaire pour renouveler l’air : « Dix minutes peuvent suffire pour renouveler l’air sans refroidir les murs. Quelques calories sont peut-être perdues avec le changement d’air, mais pas celles qui sont accumulées dans les murs ; or, c’est la chaleur qu’ils emmagasinent qui donne l’impression de chaleur dans la pièce. » Et si l’on dispose d’un système de ventilation en continu ? « Ce n’est pas mal, mais il nous est arrivé d’observer des systèmes de ventilation où les filtres n’étaient pas remplacés régulièrement. L’air n’est alors pas correctement renouvelé et le système de ventilation peut devenir le siège du développement de moisissures par exemple… Il arrive aussi que les grilles de ventilation soient bouchées par les enseignants qui ont froid, leur faisant perdre tout intérêt… Tandis qu’une fenêtre ouverte quelques minutes ne gênera pas. »

Existe-t-il, tant pour la maison que pour les écoles, des moments ou des endroits où il faut éviter d’aérer ? « Certains enseignants craignent que l’air venant de l’extérieur ne soit trop pollué. C’est le cas notamment lorsque les fenêtres donnent sur une chaussée. C’est une minorité des classes, mais même là, les polluants sont plus concentrés à l’intérieur qu’à l’extérieur ! On peut leur conseiller d’aérer en dehors des périodes d’affluence, comme les heures de pointe, par exemple, mais d’aérer tout de même », insiste Sandrine Bladt. Le seul moment où l’aération sera déconseillée sera par temps de brouillard, précise Marc Roger.

Moisissures, bactéries ou formaldéhyde

Une enquête menée en 2007 par Test-Achats avait fait apparaître aussi des problèmes de spores de moisissures dans l’air, ou encore la présence de composés organiques volatils (COV), comme par exemple le toluène ou le benzène provenant par exemple des marqueurs, peintures, colles…, ou encore de formaldéhyde provenant des meubles et revêtements de sols notamment. « En la matière, il semble bien qu’il y ait du progrès, estime Marc Roger : depuis la règlementation Reach de l’Union européenne, qui cadre plus les fabricants en matière de produits utilisés, et la prise de conscience de certaines collectivités, il y a de moins en moins de formaldéhyde dans l’air des classes. » Quant aux COV, ils sont présents également à des taux raisonnables dans les classes, selon les mesures effectuées dans les écoles bruxelloises par le laboratoire de Bruxelles-Environnement. Par contre, Sandrine Bladt relève que les bactéries peuvent aussi constituer un problème : « C’est essentiellement dû à des manquements en matière d’entretien. On les retrouve surtout sur les plans de travail des cuisines, les tables où mangent les enfants, par exemple. Cela parce que les torchons ne sont pas nettoyés correctement, ni remplacés quotidiennement. Mais attention : il n’est pas question de les désinfecter à l’eau de javel ou autre produit agressif, qui risquent aussi de polluer l’air intérieur ! » Sauf si c’est pour supprimer un risque d’infection, par exemple pour nettoyer des zones touchées si un enfant contagieux a souillé le sol ou un coussin à langer…

Dans certaines écoles, les moisissures présentent également des risques pour la santé : « Leur présence est souvent vécue comme une fatalité. Pourtant, il est possible de les limiter (nettoyage, suppression de la source d’humidité…), en attendant d’avoir les moyens financiers ou la disponibilité pour résoudre le problème à la base. Et l’on passe encore une fois par la ventilation très souvent… », précise Marc Roger.

Les poussières et autres acariens, posent aussi problème : « Il est fréquent de trouver dans les classes des coins où s’accumulent les affaires : livres, feuilles, tissus, objets en tous genres… qui prennent la poussière et qu’il est difficile d’aller nettoyer. Ceci est à éviter, car ces nids à poussière peuvent provoquer des pathologies respiratoires chez les enfants sensibles. L’idéal est donc d’avoir des armoires qui ferment, et de les y ranger… », conseille Sandrine Bladt.

Impact sur la santé ?

Mais quels sont les effets de ces polluants aériens sur la santé de nos enfants ? Tout d’abord, une trop forte concentration de CO2 peut mener à des céphalées ; la diminution de teneur en oxygène nuit à la concentration, les enfants ont une capacité à écouter moindre, ont tendance à somnoler, leur rendement est moindre ; ils deviennent difficiles et l’enseignant se fatigue. Pour ce qui est de certains COV, bactéries et autres moisissures, ils favorisent les troubles respiratoires allant des bronchiolites à répétition à l’asthme, favorisent les maladies transmissibles par l’air, ou induisent des picotements aux yeux. Généralement, ils sont donc peu toxiques, mais peuvent nuire en tout cas aux apprentissages et augmenter l’absentéisme.

Pour 2017, au niveau wallon, un des objectifs de la DPR (Déclaration de Politique Régionale) vise la mise en place d’une politique durable pour diminuer les risques de contamination liés à l’air dans l’ensemble des bâtiments accueillant du public. La démarche vise en première ligne les publics sensibles (enfants d’âge scolaire et préscolaire notamment). En 2014, l’Union européenne a également publié une étude sur la pollution intérieure dans les écoles de pays membres, menant au projet Sinphonie, qui vise à sensibiliser les autorités, enseignants, pouvoirs organisateurs…

Par Carine Maillard

Références : « Sinphonie : pollution intérieure et santé dans les écoles – Réseau d’observation en Europe ». www.sinphonie.eu

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