Johan Van Overtveldt © Belga

Fraude fiscale : 100 agents en plus à l’ISI… Quels 100 ?

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Malgré les promesses de Van Overtveldt, il n’y a jamais eu cent agents supplémentaires à l’Inspection spéciale des impôts. Comment le ministre des Finances est revenu sur son engagement en jonglant avec la sémantique…

Le ministre N-VA s’est fendu, aujourd’hui, d’un nouveau communiqué à propos de l’engagement d’agents à l’ISI. Il y affirme que ce département chargé de lutter contre les grands fraudeurs comptera 670 agents en 2018, soit le niveau de personnel le plus élevé depuis sept ans. Ce vendredi 8 décembre, nous interrogions justement le SPF Finances sur le nombre de fonctionnaires qui travaillent actuellement à l’inspection spéciale. Les porte-parole nous ont indiqué que ceux-ci étaient au nombre de « 642 en 2017 ». Il en faut encore 28 pour arriver à 670.

Rappelons qu’en 2015, Johan Van Overtveldt avait promis d’engager cent agents « supplémentaires » à l’ISI. Cette promesse, faite à l’issue d’un contrôle budgétaire, avait suivi l’audition parlementaire mémorable de Frank Philipsen, au cours de laquelle le patron de l’ISI avait demandé de renforcer ses moyens humains. Le terme « supplémentaires », utilisé par le ministre, est important. « Avec ces cent engagements, la détection de la fraude et les amendes y afférentes pourront être renforcées », s’était alors réjoui Van Overtveldt.

Ces agents supplémentaires ne sont jamais tous arrivés à l’administration de l’ISI (loin de là), et ce malgré le scandale des Panama Papers qui a éclaté en avril 2016 et qui mouillait plus de 700 contribuables belges fortunés. Sans parler de l’arrivée de l’échange automatique d’information entre autorités fiscales au sein de l’UE. En mai dernier, le journal De Tijd écrivait que la promesse n’avait pas été respectée et que le nombre d’agents au sein de l’ISI avait même diminué. Cela avait fait réagir les deux députés, démissionnaires de la N-VA un an plus tôt, Hendrik Vuye et Veerle Wouters. Ceux-ci ont alors déposé un amendement à un projet de loi comportant des mesures de lutte contre la fraude fiscale : dans cet amendement, ils rappellent à Van Overtveldt « ses promesses afin qu’il passe aux actes » avant le délai fixé au 31 décembre de cette année, en soulignant qu’en 2015 il avait explicitement parlé d’agent « supplémentaires ».

Lors d’une récente question parlementaire de Georges Gilkinet (Ecolo), le ministre N-VA a donné, pour les dernières années, des chiffres plus détaillés sur les effectifs de l’ISI. On y constate qu’en 2015, 99 agents sont arrivés à l’ISI, via un recrutement externe ou via la mobilité interne au fisc. Mais on compte aussi 25 départs définitifs et 19 départs dus à la mobilité externe, ce qui fait au total seulement 55 agents « supplémentaires » à l’ISI, soit un peu plus de la moitié annoncée. En 2016, en comptant les différents mouvements au sein de l’inspection spéciale, le nombre total d’agents y a baissé de 14 unités.

Et en 2017 ? Selon le SPF, ils sont 642, soit encore 8 agents en moins par rapport à 2016. Mais Van Overtveldt vient d’annoncer qu’ils seront 670 en 2018. De toute façon, on sera encore loin de l’objectif des cents fonctionnaires « supplémentaires » qui devaient porter le nombre d’agents à plus de 700. Pourtant, l’investissement en vaut la peine quand on sait qu’un enquêteur de l’ISI rapporte en moyenne à l’Etat 2,3 millions d’euros d’argent fraudé récupéré (selon un calcul de Philipsen, en 2014).

Depuis les critiques sur sa promesse non tenue, le ministre des Finances explique qu’il n’a jamais été question d’ajouter cent agents à l’ISI mais bien de pallier les départs naturels. Depuis quelques mois, il ne parle d’ailleurs plus d’agents « supplémentaires » mais bien de « nouveaux » agents qui remplacent ceux qui sont partis à la pension ou qui ont changé de service. Une évolution de langage subtile et significative. Mais, en 2015, comme le souligne Vuyle, Wouters et d’autres députés de l’opposition, c’est bien d’agents « supplémentaires » qu’il s’agissait. Un adjectif qui poursuit le ministre N-VA depuis lors…

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