Nicolas De Decker

Formation : la lutte des premiers de classe

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Un spectre hante la Belgique. Le spectre du magnetisme. Toutes les puissances de la nouvelle Belgique se sont unies pour traquer ce spectre : l’Eglise et le Palais, De Wever et Bouchez, les confédéraux de Flandre et les libéraux de Wallonie, Sophie Wilmès, Première ministre, qui dit le lundi 9 décembre que les textes de l’informateur carolorégien sont  » encore trop à gauche « , et Hans Maertens, administrateur général du Voka, qui dit ce jour-là aussi qu’ils sont  » pas suffisants, pas acceptables, imbuvables ».

Ainsi du penchant gauchisant des notes de négociation de Paul Magnette. Il remplit les mêmes fonctions qu’un spectre. Les deux manifestent des parties communes : ils effraient spontanément, mais rien ne prouve qu’ils existent.

Ils n’ont même aucune base matérielle.

Le parti de Paul Magnette en effet s’appelle socialiste parce qu’il a un programme plutôt de gauche. Quand il mène une campagne électorale, il dit qu’il veut ramener l’âge légal de la pension à 65 ans. Quand il donne des interviews, il dit qu’il veut hausser le salaire minimum à 14 euros de l’heure. Quand il conclut des meetings, il dit qu’il veut introduire un impôt sur la fortune. Mais il ne gagne pas les élections parce que les électeurs n’y croient pas trop. Ils ne trouvent pas ça trop peu à gauche parce que c’est socialiste, mais parce que c’est Paul Magnette, tandis que quand on a un programme plutôt de droite, comme l’Eglise et le Palais, comme De Wever et Bouchez, comme les confédéraux de Flandre et les libéraux de Wallonie, comme Sophie Wilmès et Hans Maertens, on trouve ça trop à gauche et c’est normal parce qu’on n’est pas socialiste.

Mais les notes de Paul Magnette en effet s’appelaient notes d’information parce qu’elles n’avaient rien de socialiste. Quand il y parle des pensions, il dit que leur âge légal doit rester à 67 ans. Quand il y évoque le salaire minimum, il ne l’augmente pas à 14 euros de l’heure. Quand il parle d’impôts, il en met un petit sur les billets d’avion et pas sur les grosses fortunes. Mais il ne gagne pas l’information parce que ses interlocuteurs n’y croient pas trop. Ceux qui ont un programme plutôt de droite, comme l’Eglise et le Palais, comme De Wever et Bouchez, comme les confédéraux de Flandre et les libéraux de Wallonie, Sophie Wilmès et Hans Maertens ne trouvent pas ça trop à gauche parce que c’est socialiste, mais parce que c’est Paul Magnette, que c’est un spectre et qu’il leur fait peur.

Il leur fait si peur qu’il casse les chaînes de leur temps, car quand il n’était pas encore là, le spectre, ils disaient qu’il y avait urgence, que le déficit y obligeait et que la perspective du Brexit l’imposait. Le 2 novembre dernier, dans La Libre, Sophie Wilmès disait que  » l’urgence première est le soutien à l’économie et au pouvoir d’achat « , et qu’il ne fallait pas  » laisser s’installer un sentiment d’immobilisme « . Le 9 décembre, sur Bel RTL, Sophie Wilmès disait qu’il était  » trop tôt « , et le même matin sur le service public, Hans Maertens disait qu’il n’était pas  » nécessaire d’avoir un gouvernement à très court terme « . Parce que cette histoire de temps qui bouge et de spectre qui hante, cette histoire de notes de gauche et de classes qui luttent est en fait surtout une histoire d’épouvantail.

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