Paul De Grauwe

Forces centrifuges

UN DES PARADOXES DE LA GLOBALISATION est qu’elle réduit la dimension optimale des pays. Consécutivement à la globalisation de l’intégration économique européenne, la Belgique est en mesure de bénéficier, tout comme les pays de plus grande dimension, des avantages économiques d’un marché plus vaste (économies d’échelle, spécialisation).

PAUL DE GRAUWE Professeur d’économie à la KU Leuven

Mais les entités régionales elles aussi, telles la Flandre et la Wallonie, peuvent en profiter pleinement. Au fur et à mesure que la globalisation progresse, les désavantages économiques d’une scission du pays diminuent.

Quand le coût de la séparation baisse, il importe qu’une cohésion importante lie les partenaires qui font partie de l’union. En fait, dans pareil cas, la cohésion, agissant comme facteur de perpétuation de l’union, gagne considérablement en importance.

Le problème de la Belgique est que la cohésion a dramatiquement dégringolé alors que le coût de la scission a diminué. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. La première est d’ordre socio-économique. A l’époque où la partie francophone du pays occupait une position économique dominante, l’élite était francophone. L’existence de cette élite (composée de Flamands et de Wallons) renforçait très sensiblement la cohésion de la Nation. Maintenant que les rôles sont inversés et que la Flandre est devenue dominante sur le plan économique, la Belgique compte deux élites, une néerlandophone et une francophone, qui n’ont plus guère de points communs entre elles.

La deuxième raison de la rupture importante de cette cohésion en Belgique est d’ordre politique. Pendant les années 1970, tous les partis ont été scindés en un flamand et un francophone.

Aujourd’hui, il n’y a plus de partis qui servent corps et âme l’intérêt fédéral. Un poison larvé infecte dès lors la politique belge. Les politiques flamands et francophones sont de plus en plus tentés de chercher l’ennemi par-delà la frontière linguistique. Les élus qui ont le plus la cote imputent la cause de tous les maux sociaux et économiques qui frappent leur Région à l’attitude déraisonnable des habitants de l’autre bord. A la longue, une partie grandissante de la population finit par faire sienne cette logique et se ranger à la conclusion qui en découle, à savoir que tout irait mieux si on se débarrassait de ces importuns d’en face.

Les forces centrifuges se sont fortement amplifiées au cours de ces dernières décennies. Elles expliquent l’impasse dans laquelle se trouve actuellement le pays. La façon dont nous pourrons nous sortir de cette dynamique demeure incertaine.

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