Pierre Havaux

Flandre : « Un ‘Ronde’ si peu ‘Vlaanderen' »

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Comme de coutume, ils attendaient les coureurs au tournant. Ils avaient soigneusement repéré les endroits les plus courus de l’épreuve et planifié de les saturer de lions noirs sur fond jaune claquant fièrement au vent. Dans leur collimateur, les mythiques passages au Oude Kwaremont, au Paterberg, au Kruisberg, la ligne de départ à Anvers et plus encore la ligne d’arrivée à Audenarde, sur un boulevard habillé aux couleurs de la Flandre.

De Ronde van Vlaanderen, c’est the place to be de la mouvance nationaliste flamande, un incontournable dans la communication de son combat. Le moment ou jamais de bénéficier d’une visibilité maximale, assurée par la retransmission télévisée d’un des monuments du cyclisme. Ce dimanche 5 avril devait être jour de fête.

Et alors ? Et alors, le Covid-19 est arrivé et a tout gâché. Il a contraint 81 200 petits drapeaux et 346 étendards de grand format à rester confinés dans les lieux de dépôt, logés à la même enseigne que 319 collaborateurs tenus d’obtempérer au mot d’ordre blijf in uw kot ! Coup dur pour la communauté flamingante, empêchée de hisser ses couleurs, déjà privée de pousser la chansonnette à l’occasion de la Vlaams Nationaal Zangfeest déprogrammée au Lotto Arena d’Anvers, fin mars.

Il y a bien eu dimanche 5 avril une 104e édition du Tour des Flandres. Réduite à une minicourse sur rouleaux, en version virtuelle retransmise à la télé. Mais dépourvue de ce cachet flamand si prononcé, de ce supplément d’âme qui fait toute sa griffe. Au long des 32 kilomètres avalés par treize pros pédalant depuis leur chez-eux, ce n’était pas la folle ambiance. Ni la toute grosse foule. Quelques grappes de spectateurs virtuels disposées çà et là, agitant virtuellement de rares drapeaux tout aussi virtuels, anglais, français, norvégiens, espagnols, italiens. C’est à peine si, dans le tas, on distinguait l’une ou l’autre enseigne dédiée à la Flandre. A part cette timide référence, quelques Flanders ! ! ! virtuellement peints sur le bitume… en anglais dans le texte. Et à l’arrivée, en lieu et place du boulevard tapissé de noir et de jaune, un décor monopolisé par les bannières d’une grande banque flamande et d’un opérateur télécom, sponsors de la course. L’organisateur Flanders Classics et la chaîne de télévision publique Sporza avaient choisi de faire dans la sobriété et la retenue en apportant à l’événement une touche flamande minimale.

Il restait aux déçus ou indignés, en guise de plan B, à s’en remettre à l’hélico affrété par la chaîne de télé VTM et le quotidien Het Laatste Nieuws pour un  » Ronde tegen Corona « , opération de prise de vues aériennes des messages de soutien et de solidarité délivrés depuis les lieux de confinement situés sur le parcours de l’épreuve. Consigne avait été donnée par le Vlaamse Volksbeweging : sortez le lion qui sommeille chez vous pour le déployer sur une pelouse, au balcon, voire aux ailes d’un moulin. Ou, pour les mordus et les mieux équipés, en user pour confectionner un grand V. Une manière pour le mouvement de ne pas se faire totalement oublier avant de se préparer à mettre les bouchées doubles. Car l’an prochain, ce seront aussi les Mondiaux du cyclisme qui se disputeront en Flandre. Cela en fera, des drapeaux à agiter.

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