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Filip Dewinter sème le trouble sur Twitter, mais, à la rue de la Loi, tout le monde s’en moque

Muriel Lefevre

En retweetant un faux profil, le président du Vlaams Belang s’est attiré les foudres des utilisateurs de Twitter. Mais du côté de la rue de la Loi, il n’y a rien d’autre qu’un assourdissant silence. Pourquoi ?

Filip Dewinter s’est engagé sur un terrain des plus glissants mercredi soir. Il a repartagé sur Twitter un message provenant d’un faux profil et qui appelait à attraper, mort ou vivant, un trafiquant de drogue pour une récompense de 100 000 euros. Dewinter n’a pas pris la peine de cacher l’identité du trafiquant de drogue présumé et a commenté son retweet de la façon suivante : « Tant qu’ils se tuent entre eux, je partage avec joie ce message ».

https://twitter.com/FDW_VB/status/1019627692847783936Filip Dewinterhttps://twitter.com/FDW_VB

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Un message pourtant loin d’être anodin et qui a fait grincer de nombreuses dents. Le professeur de droit pénal Joachim Meese dit dans De Morgen: « En partageant cet appel, et même s’il n’en est pas l’auteur, Dewinter s’est aventuré dans une zone grise du droit pénal ».

Dewinter, en tant que député, bénéficie de l’immunité parlementaire, et celle-ci n’est pas si facilement levée. Malgré cela il n’est pas à l’abri de poursuites comme le précise la spécialiste de la constitution Patricia Popelier (UAntwerp) toujours à De Morgen. « Ce n’est clairement pas une déclaration qui est directement liée à son travail parlementaire. Si quelqu’un souhaite monter l’affaire en épingle, son immunité parlementaire peut être levée », dit-elle.

Mais personne, semble-t-il, ne se bouscule au portillon. Ce serait même plutôt l’apathie du côté de nos dirigeants. Cette retenue aurait plusieurs raisons, mais aucunes de vraiment nobles.

La première est que tout le monde sait que Dewinter est en perpétuelle recherche d’attention. On est en quelque sorte habitué à ses sorties, surtout du côté flamand. Cette « largesse » ne vaut cependant pas pour tout le monde puisque si « quelqu’un de la N-VA, par exemple, avait tweeté ce genre de chose », explique le politologue gantois Carl Devos (UGent), « Alors le kot aurait été trop petit. »

Deuxièmement, nul parmi les politiques n’ignore que cette recherche d’attention a aussi un but stratégique. Du coup, réagir à ses sorties c’est faire le jeu de Dewinter. Ce qui reviendrait à lui faire un cadeau. Or, aujourd’hui, Dewinter et son parti sont, après une explosion dans les années 1990, claquemurés dans une niche, celle de l’extrême droite. Et la grande majorité des politiciens veulent les y maintenir vaille que vaille. En particulier la N-VA, l’acteur dominant dans le domaine politique, n’a aucun avantage à ce que le Vlaams Belang face l’objet d’une attention particulière.

Filip Dewinter sème le trouble sur Twitter, mais, à la rue de la Loi, tout le monde s'en moque
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« La N-VA a en effet repris le rôle de parti anti-establishment qu’avait auparavant le Vlaams Belang », explique le politologue anversois Dave Sinardet (VUB) toujours dans De Morgen. « Ils veulent rester les perdants magnifiques, et cela fait leurs affaires que la communauté de gauche crache sur des politiciens comme Theo Francken. S’ils tombent dans les provocations du Vlaams Belang, ils risquent de perdre ce rôle de challenger du système au profit de ces derniers. La N-VA fait donc tout ce qui est en son pouvoir pour que le Vlaams Belang ne puisse pas se profiler comme une victime. « 

La N-VA a siphonné de nombreux électeurs au Vlaams Belang. Des électeurs qui pourraient être à nouveau tentés par le parti de leurs premiers amours. D’autant plus que la N-VA a été incapable de tenir ses promesses électorales en termes de migration et de sécurité. « Le contexte actuel pourrait être intéressant pour le Vlaams Belang parce que les chiffres de la politique migratoire ne montrent pas le changement promis par la N-VA », poursuit Sinardet dans De Morgen.

Du coup, c’est l’omerta qui règne sur ce tweet. Un mouvement lancé par le président de chambre Siegfried Bracke (N-VA, tiens, tiens) qui a réagi de façon brève et concise : « Nous ne devons pas nous laisser entraîner par Dewinter, comme je l’ai déjà souvent répété à mes collègues à la Chambre. »

Un tel silence gêne tout de même le politologue Devos. « Quel signal cette approbation implicite donne-t-elle aux partisans de Dewinter? Si les députés sont autorisés à faire cela, pourquoi pas les gens qu’ils représentent? Je pense qu’une frontière vient d’être franchie. »

Que la N-VA se taise est une chose. Plus étrange, l’opposition n’est pas plus montée au créneau. « Stratégiquement, sp.a et Groen devraient pourtant ne pas laisser cela inaperçu », reprend Sinardet dans le quotidien. « Certainement au niveau du contenu, mais aussi parce qu’une voix qui va au Vlaams Belang est une de perdue pour la N-VA. Cependant les partis de gauche ne sont pas assez cyniques et c’est l’un de leurs problèmes. Ils ne s’en préoccupent pas parce que le Vlaams Belang a été repoussé dans les marges et n’est plus une menace réelle.  »

Et c’est vrai que malgré une très légère remontée dans les sondages et les éructations nauséabondes de ses leaders, la résurrection du Vlaams Belang n’est certainement pas pour demain.

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