© Frédéric Pauwels/Huma

Fiévez, le soldat wallon honoré au prochain Pèlerinage de l’Yser

Longtemps « oublié » au pied de la tour de l’Yser où, seul Wallon, il repose entouré de soldats de 14-18 martyrs de la cause flamande, le hennuyer Amé Fievez aura droit à un hommage solennel fin août, au Pèlerinage de l’Yser. Son neveu et son épouse feront le déplacement depuis Calonne. Pour la première fois depuis 45 ans.

Un geste fort, un signal courageux, à l’heure où la Belgique s’est mise à douter de son existence. Ce 26 août, le rassemblement annuel au pied de la Tour de l’Yser aura une pensée émue et profonde pour le soldat wallon inhumé en toute discrétion sur le site.

Le vent tourne décidément sur la plaine de l’Yser. Débarrassé des éléments extrémistes, le Comité organisateur du Pèlerinage clôt la page de la grand-messe nationaliste flamande pour en revenir à une commémoration des soldats de la Grande Guerre tombés en terre flamande.  » Qu’ils soient flamands, wallons, bruxellois, ou ennemis d’hier « , confiait récemment au Vif/L’express, le président du comité, Paul De Belder.

Les organisateurs joignent le geste à la parole. Pour la dernière manifestation avant son déplacement le 11 novembre, jour de l’Armistice, Amé Fievez sera mis à l’honneur à Dixmude.

Amé Fievez,  » l’intrus  » longtemps oublié de la Tour de l’Yser. Inhumé dans la même tombe que deux frères d’armes flamands, les Van Raemdonck, ce soldat originaire de Calonne a été superbement ignoré par le Mouvement flamand. Son  » crime  » était d’être Wallon, d’être tombé sur le front de l’Yser un jour de 1917, son corps entremêlé avec celui de deux soldats flamands qui, eux, seront transformés en martyrs de la cause flamande. Et présentés en victimes de la Belgique francophone.

 » Le refus flamand de mentionner le nom d’Amé Fiévez dans la crypte de la Tour de l’Yser jusque dans les années 1960, alors que ses restes et ceux des frères Van Raemdonck se trouvent dans le même cercueil, sera d’autant plus mal ressenti « , relate l’historienne Laurence Van Ypersele (UCL), spécialiste de la Première Guerre mondiale. C’est lentement que l’existence du soldat wallon revient à la surface, au pied de la Tour de l’Yser. D’abord du bout des lèvres. Puis de manière de plus en plus marquée.

Pierre Fievez, 73 ans, et son épouse Germaine, 68 ans, se préparent à quitter leur ferme de Calonne, dans l’entité d’Antoing, pour ce qui n’est pas tout à fait un saut dans l’inconnu.  » Nous nous sommes rendus une fois à un Pèlerinage de l’Yser : c’était en 1967, l’année de notre mariage « , se souvient Germaine pour Le Vif/L’Express. Depuis plus rien : les invitations annuelles restaient sans suite.  » A l’époque, il y avait du monde là-bas, il ne faisait pas bon parler français…  » Le neveu d’Amé Fievez et sa femme ont alors préféré s’abstenir.

Jusqu’au jour où le Comité du Pèlerinage vient relancer le couple. Et finit par le convaincre de refaire la route jusqu’à la tombe de l’oncle Amé, après 45 ans d’absence. Mais avant de se rendre au rassemblement prévu le 26 août, Pierre et Germaine Fiévez iront une première fois à Dixmude, ce jeudi. Pour y rencontrer notamment, une descendante de la famille Van Raemdonck, qui viendra de Tamise.  » Une dame, de 90 ans paraît-il, qui veut absolument nous voir. »

Entretemps, Germaine est repartie fouiller son grenier. Elle y a exhumé des photos : de son oncle, de la tombe au pied de la Tour de l’Yser.  » Amé avait 26 ans quand il a été tué à l’Yser. Son frère en parlait souvent. On ne connaît pas grand-chose de toute cette histoire avec les frères Van Raemdonck. Sauf que c’était un problème entre Wallons et Flamands « , raconte Germaine.

Le 26 août, jour du Pèlerinage, Pierre et Germaine Fievez devraient refaire le voyage en terre flamande. Pour un hommage plus solennel cette fois : une plaque commémorative en l’honneur du soldat wallon sera inaugurée. Et puis, fait sans précédent, un bourgmestre wallon prendra la parole devant l’assistance flamande. Bernard Bauwens, maïeur d’Antoing, met la dernière main à son discours :  » ce sera un message de paix et de tolérance. J’y ai glissé quelques passages en flamand. »

Antoing en Hainaut pourrait prochainement s’enrichir d’une  » rue Van Raemdonck. » Et Tamise, en Flandre orientale, d’une  » rue Fievez.  » La politique de la main tendue. Un geste fort. Courageux.

Pierre Havaux

Fiévez, « l’intrus » du mythe flamingant

Dans la nuit du 25 au 26 mars 1917, Frans Van Raemdonck ne revient pas d’un raid en ligne ennemie sur le front de l’Yser. Inquiet, son frère aîné, Edward, part à sa recherche, mais ne réapparaît pas non plus. On retrouve les corps des deux frères, en compagnie d’un autre cadavre : celui d’Amé Fievez, fils de boulanger originaire du Tournaisis, mort enlacé avec Frans. En cherchant probablement à porter secours à son sergent flamand. A moins que ce ne soit l’inverse.

Le scénario tombe à pic pour un Mouvement flamand en quête de martyrs. A condition de tronquer les faits. Le mythe des frères Van Raemdonck, morts dans les bras l’un de l’autre, est construit. Inhumés dans la crypte de la Tour de l’Yser en 1932, les frères deviennent un symbole officiel du Mouvement flamand. Amé Fievez est enterré avec eux, mais nié dans les hommages. Il repose au milieu d’autres soldats flamands enterrés sur le site de l’Yser.

P.Hx

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