Carte blanche

Fermez, fermez la porte aux enfants venus d’ailleurs…

Le Gouvernement fédéral, sur proposition de Théo Francken, Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, se prépare à organiser, ou plus précisément à réorganiser l’enfermement des enfants en construisant à nouveau des centres fermés dédicacés au rapatriement forcé des familles de réfugiés non reconnus.

L’argument avancé est la fuite des familles lorsqu’elles apprennent que la Belgique s’apprête à les rapatrier dans leur pays d’origine. Contrairement à cette affirmation, nous pouvons affirmer que le nombre de familles qui s’enfuient est très minoritaire et ne justifie en aucun cas cette mesure.

Les Centres Régionaux en charge du parcours d’intégration en Wallonie s’indignent de cette proposition visant à enfermer des enfants dans un centre de rétention spécialement construit sur un terrain bordant l’aéroport de Bruxelles.

Les membres du gouvernement – et a fortiori le Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration – n’ignorent pas que la Belgique a déjà été condamnée à plusieurs reprises par la Cour Européenne des droits de l’Homme.

Cette mesure est évidemment en parfait désaccord avec la Déclaration universelle des droits de l’enfant et avec la Convention des droits de l’enfant, auxquelles la Belgique adhère de longue date.

Relevons que ce n’est pas la première règle, convention, loi ou décision judiciaire que le Secrétaire d’État bafouerait puisque la dernière en date est symbolisée par le refus d’octroi de documents de séjour à une famille, et ce malgré une décision judiciaire lui imposant la délivrance des documents ad hoc.

Cette proposition contient aussi un durcissement des conditions d’intégration et une augmentation de la redevance de demande de régularisation qui passe de 215 à 315 € histoire de finir le triste travail des passeurs qui dépouillent les migrants tout au long de leur parcours…

Ces mesures s’ajoutent à une liste ininterrompue de mesures visant à rendre l’accueil des populations de réfugiés de plus en plus difficile voire impossible.

Les Centres Régionaux considèrent que cette mesure, à nouveau inutilement stigmatisante à l’égard des populations étrangères ou d’origine étrangère, alimente très négativement le discours ambiant relatif au « vivre ensemble » et à une intégration sociale harmonieuse.

Pour ce qui est des conditions d’intégration, les Centres Régionaux d’Intégration en charge du parcours d’intégration en Wallonie remarquent au quotidien l’extrême assiduité, l’investissement sans faille et la farouche volonté d’une écrasante majorité des personnes primo arrivantes dans l’apprentissage de la langue, la volonté de comprendre notre mode de vie, la recherche d’emploi… (pour preuve les sanctions se comptent sur les doigts d’une main sur l’ensemble de la Région wallonne).

Accueil des réfugiés : N’y a-t-il pas d’autres voies, d’autres réflexions à mener que de fermer, enfermer, refouler ?

Bien sûr, il y a une forme d’élégance humanitaire dans la volonté d’offrir un chalet en préfabriqué et un vol de retour à des familles avec enfants qui sont venus en bateau ou à pied chez nous.

C’est vrai que la Belgique est un pays de cocagne où il fait globalement bon vivre et c’est tant mieux à tout bien y réfléchir.

Plutôt que de mettre pléthore de moyens matériels, financiers et humains à refouler des populations qui nécessitent notre aide à la fois par respect des lois internationales, mais aussi par solidarité internationale, n’y a-t-il pas d’autres voies, d’autres réflexions à mener que de fermer, enfermer, refouler…qui sont des politiques aussi efficaces que d’essayer de retenir une fuite d’eau avec une éponge ? Nous voudrions sortir de cette situation par le haut, élever le débat et réfléchir globalement avec tous les acteurs concernés par une politique de l’accueil en Région wallonne et aussi en Belgique.

« Les autres ne font pas mieux « entend-on souvent, cela signifie-t-il que la Belgique s’inscrit dans un concours de la médiocratie ? Sommes-nous sûrs qu’il n’existe aucun pays, même voisin qui ait choisi une autre voie ?

N’est-il pas dommage de constater que les populations primoarrivantes multiplient autant d’efforts pour s’intégrer que nos gouvernements à les refouler…

N’y a-t-il pas des solutions plus dignes, plus respectueuses tout en n’étant pas univoques et irresponsables ?

Au-delà des aspects compassionnels, empathiques souvent raillés, n’existe-t-il qu’une seule politique sous forme d’impasse pour ces populations massivement victimes de la barbarie des guerres ?

N’est-il pas envisageable de repenser notre politique d’accueil en misant sur les apports intellectuels, culturels, professionnels que représentent aussi les migrations ?

Est-on si sûr que cela coûterait plus cher d’accueillir que de refouler ? Ou sommes-nous simplement dans une guerre idéologique bien en deçà des exigences humanitaires ?

Est-on si convaincu que le délitement de notre corps social est sans coût, sans conséquences autant humaines que financières ?

Quelles sont les études économiques probantes qui établissent cela alors que l’apport financier des migrants a été maintes fois prouvé ?

C’est de cela qu’il s’agit, de réfléchir avant d’exclure d’être humaniste et respectueux des déclarations universelles en la matière avant d’être l’étendard du cynisme et du repli.

Les Centre Régionaux d’Intégration mesurent avec leurs réseaux associatifs locaux et régionaux à quels points les fondations de notre corps social se fissurent et sentent bien la société vaciller sous leurs pieds…

Dire qu’on ne savait pas ne suffira plus ! À quand une réflexion éclairée, digne et courageuse autour d’une

politique d’accueil ?

Thierry Tournoy, directeur du CRIC

Daniel Martin, directeur du CRVI

Benoite Dessicy, directrice du CAI

Régis Simon, directeur du CRIPEL

Micheline Liebin, directrice du CERAIC

Piera Micciche, directrice du CIMB

Nicolas Contor, directeur du CRILUX

Patrick Monjoie, directeur du CRIBW

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