Thierry Fiorilli

Faux orphelins du Congo: « La faillite du système d’adoption francophone belge »

Thierry Fiorilli Journaliste

Tumaini. En swahili, désigne un verbe et un substantif, féminin comme masculin. Signification : espérer, ou espoir, ou espérance. Tumaini, c’est aussi le nom d’une asbl fondée il y a dix ans à Namur.

Dans le but, selon le CV de sa présidente, Géraldine Mathieu, docteur en sciences juridiques à l’université de Namur,  » d’une part d’aider et d’encourager les enfants (orphelins ou pauvres) de la République démocratique du Congo à commencer ou à poursuivre leurs études, d’autre part d’offrir un foyer stable et solide aux enfants congolais en besoin de famille, et ce, dans l’intérêt supérieur des enfants, par le biais de l’adoption nationale ou internationale, par le placement en famille d’accueil, ou encore en les élevant dans un environnement sain dans un orphelinat répondant aux standards internationaux. Dans ce but, l’asbl a créé son propre orphelinat en RDC « , en janvier 2012.

Depuis un an, pour plusieurs familles, congolaises et belges, Tumaini signifie désespérer, ou désespoir, ou désespérance. Parce que cinq cas d’adoption en Belgique de faux orphelins au Congo ont été découverts. Des enfants volés à leur famille sans que celles qui les ont accueillis soient au courant de la situation. Aussi, parce qu’on en redoute beaucoup plus : en 2015, dans un appel à l’aide financière, l’asbl stipulait qu’  » une vingtaine d’enfants recueillis au sein de l’orphelinat ont été adoptés en Belgique  » et que l’argent récolté  » nous permettra d’avoir de quoi souffler un peu pendant deux mois, le temps de nous réorganiser complètement, d’asseoir un réseau d’aide régulière qui commence à voir le jour et de nous occuper convenablement de nos 36 petits pensionnaires « . Cinq cas de faux orphelins avérés, donc. Mais une vingtaine d’enfants adoptés en Belgique. Sur combien d’autres ailleurs (en France ?, aux Etats-Unis ?, en Italie ?, comme le suggèrent certaines pistes) ? Et sachant qu’il y avait 36 pensionnaires dans le faux orphelinat il y a trois ans.

Cinq cas de faux orphelins congolais avérés. Mais une vingtaine d’enfants adoptés en Belgique. Et combien d’autres ailleurs ?

Le scandale a été révélé par Het Laatste Nieuws. Il était question à l’époque de trois enfants enlevés à leur famille, dans un village congolais, puis transférés à Kinshasa, dans l’orphelinat de l’asbl namuroise, puis adoptés en Belgique. Les parents congolais les réclament. La justice belge s’est saisie du dossier. La responsable de l’orphelinat, cofondatrice de Tumaini à Namur, est sous les verrous. Les familles belges se sont portées parties civiles. Un quatrième cas a été officialisé en Belgique en novembre 2017. En février dernier, le trimestriel Medor révélait qu’un de ces enfants avait été promis à deux familles, une Belge et une Américaine. Et nous annonçons dans cette édition la cinquième adoption frauduleuse et l’existence d’un deuxième village congolais où des enfants sont volés pour être proposés à l’adoption.

Dans cette affaire, comme nous le relatons, tous les éléments sont ahurissants. La notoriété académique et médiatique de Tumaini et de ses fondatrices, les événements parrainés pour faciliter ses récoltes de fonds, la façon d’opérer pour envoyer les enfants (parfois d’à peine 3 ans) au pseudo orphelinat, les photos différentes envoyées aux familles belges, les mises en garde officielles depuis le Congo et depuis Bruxelles mais ignorées par les autorités de tutelle francophones, leur condescendance (voire leur mépris) à l’égard des inquiétudes des familles belges…

Et ce double constat : d’abord, l’incapacité (on n’ose dire la complicité) de l’administration de la Fédération Wallonie-Bruxelles face à une escroquerie qui, pour gigantesque qu’elle soit, était tout à fait évitable ; ensuite, l’urgence d’une réforme de la politique d’adoption. Puisque l’affaire des enfants volés du Congo prouve la faillite du système actuel.

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