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Factchecker: « 93% des femmes ne négocient pas leur salaire »

Le Vif

C’est ce que déclare la professeure en négociation et gestion de conflits Katia Tieleman au quotidien De Morgen. Mais est-ce exact ? Nos confrères de Knack ont vérifié l’assertion.

« Les chiffres sont choquants », déclare la professeure en négociations et gestion de conflits Katia Tieleman (Vlerick Business School) au quotidien De Morgen : « 93% des femmes ne négocient pas ou partent du principe que leur salaire n’est tout simplement pas négociable. Par contre, 57% des hommes négocient, y compris au début de leur carrière. »

D’où viennent ces chiffres?

D’une étude de Linda Babcock (de l’Université Carnegie-Mellon aux États-Unis) et de ses collègues parue dans la revue Business Review en 2003, déclare Tieleman au téléphone.

« Les salaires initiaux de MBA (Master of Business Administration, NDLR) masculins récemment diplômés de Carnegie-Mellon s’élevaient en moyenne 7,6% – ou presque 4000 dollars de plus – que celle de MBA féminines du même programme », lisons-nous sous le titre « Nice girls don’t ask » (Les filles sympas ne demandent pas). « Parce que la plupart des femmes avaient tout simplement accepté l’offre initiale de l’employeur. Seules 7% avaient essayé de négocier alors que 57% de leurs collègues masculins avaient demandé davantage. »

Peut-on généraliser ces chiffres? « Il faut se montrer prudent », reconnaît Tieleman. « Aux États-Unis, les négociations salariales sont plus dans les moeurs, et en Belgique il y a plus de barèmes. Mais le chiffre est réel, et la dynamique sous-jacente l’est aussi. Dans toutes les études, que ce soit pour négocier dans une boutique, sur un marché ou au travail, les femmes sont plus réticentes. Par contre, elles sont meilleures que les hommes quand il s’agit de négocier pour les autres – leur équipe ou leur famille par exemple. Mais pour elles-mêmes, elles le font beaucoup moins. »

« Elles sont dans un catch 22. Ne rien demander c’est ne rien recevoir. Et si elles le demandent, elles sont considérées – contrairement aux hommes qui défendent leurs droits – comme trop assertives. »

Aucun autre des sept experts flamands et néerlandais contactés ne connaît une étude nationale comparable, mais ils froncent tous les sourcils en entendant le chiffre de 93% ».

« Le chiffre vaut uniquement pour ces MBA aux États-Unis et c’est tout », estime Luc Sels, recteur et spécialiste du marché du travail à la KuLeuven. Pourtant l’assertion sous-jacente est exacte, pense-t-il. « L’écart salarial entre les hommes et les femmes se creuse à mesure qu’on monte dans la hiérarchie, à mesure qu’il y a plus de bonus et de salaires variables en jeu. C’est une indication que les femmes négocient moins intensément – ou peut-être d’autres conditions que le salaire – que les hommes. »

D’autres études, parues notamment dans la Harvard Business Review, confirment la thèse de Tielemans. Sara De Gieter, psychologue du travail à la VUB, cite une expérience suédoise réalisée avec 202 étudiants. Celui qui résolvait un mot croisé recevait 30 à 100 couronnes suédoises, mais ce montant était négociable. Quand ils ont tous reçu le minimum – 30 couronnes, en dépit de leur prestation – 42% des étudiants masculins se sont mis à négocier pour obtenir plus, contre seulement 28% des femmes.

Les scrupules diminuent, mais lentement, parce qu’ils sont enracinés dans les normes et les stéréotypes, explique la psychologue du travail (KU Leuven). « Amuse-toi bien », disons-nous à nos fils. « Sois sage », disons-nous aux filles. C’est une différence subtile, mais fondamentale. « 

CONCLUSION

Le chiffre ne peut être généralisé, mais il est clair que les femmes négocient nettement moins pour elles-mêmes que les hommes. Nos confrères de Knack jugent donc que l’assertion est en grande partie vraie.

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