Fabiola et Baudouin en 1960 © BELGAIMAGE

Fabiola et Baudouin, une rencontre qui n’avait rien de « divine »

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

À en croire les historiens Mark Van den Wijngaert et Emmanuel Gerard, la rencontre entre le roi Baudouin et Fabiola de Mora y Aragón ne s’est pas passée du tout comme le veut la légende créée par le cardinal Léon-Joseph Suenens.

En 1960, à l’aube de ses trente ans, le roi Baudouin n’est pas encore marié. Son célibat alimente les rumeurs dans la presse qui n’hésite pas à le fiancer aux princesses les plus prisées d’Europe: on cite les noms de Birgitta de Suède, Marie-Gabrielle de Savoie, Isabelle d’Orléans, et même Beatrix, future reine des Pays-Bas. Cependant, le fils aîné de Léopold III n’épousera aucune de ces jeunes filles. Le 15 décembre 1960, il unit son destin à celui d’une aristocrate madrilène, Fabiola de Mora y Aragón.

Prémonitions

Suenens relate leur rencontre dans un livre intitulé « Le Roi Baudouin : une vie qui nous parle ». Selon sa version, le jeune souverain demande à Veronica O’Brien, une religieuse irlandaise, de lui trouver une épouse. En 1960, conduite par ses prémonitions, la nonne se rend en Espagne et rencontre Fabiola qui accepte de faire connaissance avec le roi des Belges.

D’après le cardinal, les jeunes gens se rencontrent pour la première fois en mars 1960 et se retrouvent à Lourdes en juillet de la même année. C’est là, dans ce haut-lieu de la religion catholique, que le « miracle » a lieu : Baudouin demande Fabiola en mariage, quatre mois à peine après leur première rencontre.

Dans son livre, le cardinal publie un extrait des carnets intimes de Baudouin qui, en 1991, écrit : « Merci, Seigneur, d’avoir pu la reconnaître comme ton ange pour moi. Merci du bien que tu m’as fait à travers elle. Merci, Jésus, de l’avoir créée de toute éternité et de m’avoir permis à un certain moment d’entrer dans sa vie. » Cinq mois après ses fiançailles, le jeune couple convole à la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule à Bruxelles et Fabiola devient la cinquième reine des Belges.

C’est du moins là la version du cardinal Suenens. Pour les historiens Mark Van den Wijngaert (KUBrussel) et Emmanuel Gerard (KU Leuven), la réalité est plus prosaïque, même s’ils ne contestent pas le rôle de Veronica O’Brien. Ils estiment que Baudouin et Fabiola se seraient rencontrés pour la première fois en 1957 lors d’une fête à Lausanne et ils se seraient revus l’année suivante, à l’occasion de l’Exposition universelle à Bruxelles.

Saint Baudouin

Si le cardinal Suenens a transformé la rencontre de Baudouin et Fabiola en « légende divine », c’est pour créer une aura autour du roi Baudouin et renforcer encore son image de saint, écrivent les auteurs dans leur livre intitulé « Boudewijn, Koning met een Missie ». « Suenens voulait rendre le couple royal plus catholique qu’il ne l’était. Son histoire visait à démontrer la sainteté de Baudouin », explique Emmanuel Gerard à la VRT.

Dans leur livre, les historiens brossent le tableau d’un homme profondément croyant investi d’une « mission catholique ». « Son règne est indissociable de sa mission catholique », déclare Van den Wijngaert au quotidien De Morgen. Son refus de signer la loi sur la dépénalisation de l’avortement en 1990 illustre le plus clairement cette influence, mais plusieurs témoignages confirment que Dieu revenait souvent dans ses conversations.

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