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Exportations d’armes : les ONG poursuivent le gouvernement wallon devant les tribunaux

Kristof Clerix
Kristof Clerix Rédacteur Knack

Les ONG Ligue des Droits Humains et Coordination nationale d’action pour la paix et la démocratie (CNAPD) assignent la Région wallonne en référé pour avoir accès à des informations sur les exportations d’armes. Knack et Le Soir ont obtenu copie de cette citation en justice. L’audience d’introduction aura lieu le 17 septembre devant le tribunal de première instance de Namur.

Les exportations d’armes sont un sujet sensible en Wallonie, car la Région wallonne possède 100% de l’armurier FN Herstal. Cet été, l’exportation d’armes de la Wallonie vers l’Arabie saoudite a été remise en question. De plus, lors des négociations sur un nouvel accord de coalition wallon entre PS, MR et Ecolo de la semaine dernière, l’exportation d’armes a été l’un des sujets brûlants.

Dans ce contexte, les ONG Ligue des Droits Humains et la CNAPD attendent de pied ferme les conclusions de cette action en référé. Les ONG demandent une vue d’ensemble sur toutes les licences d’exportation d’armes accordées par la Région wallonne pour les exportations vers l’Arabie saoudite depuis le 29 octobre 2017. Il s’agit notamment d’informations sur les entreprises concernées et sur les destinataires. Ils veulent également avoir accès aux avis émis par la commission compétente. Pour chaque jour de retard, ils réclament à la Région wallonne une astreinte de 500 euros.

Derrière des portes closes

« Notre principal objectif est d’empêcher les exportations d’armes vers l’Arabie saoudite ou d’autres pays qui violent gravement le droit international humanitaire » , déclare Manuel Lambert, chercheur à la Ligue des droits de l’homme. « Par ailleurs, nous souhaitons aussi démontrer les lacunes du décret de 2012 (sur l’importation, l’exportation, le transit et le transfert des armes civiles et des produits liés à la défense, NDLR), qui ne garantit pas assez de transparence et de contrôle démocratique. Concrètement, nous demandons l’accès aux documents administratifs dans cette affaire. Nous comprenons qu’il y a des préoccupations au sujet de la confidentialité – lorsqu’il s’agit de secrets commerciaux, par exemple. Mais il faut qu’il y ait une transparence sur le type d’armement ou le destinataire. Aujourd’hui, tout est décidé à huis clos. C’est le Premier ministre wallon qui octroie les licences d’exportation. Il peut demander conseil à un comité consultatif, mais il n’est pas obligé de le faire. De plus, la composition de ce comité n’est pas publique.

Temps d’action plus court

En Flandre, le service Controle Strategische Goederen (Service de contrôle stratégique) publie un rapport mensuel en ligne contenant des informations sur les licences d’exportation refusées et approuvées. Ce rapport indique les pays de destination et d’utilisation finales, la nature des marchandises et la valeur de la transaction. Lambert : « En Wallonie, il n’y a qu’un rapport annuel. Parfois, il y a un rapport intérimaire, après six mois, mais celui-ci n’est publié que beaucoup plus tard. De plus, l’information est fragmentaire. Elle ne permet pas de déterminer de quel type de licence ou d’armement il s’agit et si une licence a finalement été accordée. Avec pour résultat que le Parlement n’obtient qu’une vue d’ensemble floue. Ici, comme dans d’autres régions ou pays, nous voulons un contrôle plus réactif », dit-il.

Selon Lambert, le nouvel accord de coalition wallon ouvre la porte à un dialogue avec tous les acteurs concernés par la question des exportations d’armes. Lambert :  » Si la porte est ouverte aux ONG, nous y répondrons positivement. Nous voulons donner toutes les chances au nouveau gouvernement. En ce sens, nos actions en justice ne doivent pas être mal comprises. Elles s’inscrivent dans la suite logique de nos actions précédentes. Nous aimerions également poursuivre la discussion à l’amiable. Mais si un tel dialogue s’avère impossible, comme ce fut le cas dans le passé, il faudra alors recourir aux tribunaux.

En mai, Knack, Le Soir, VRT et Lighthouse Reports ont dévoilé dans le cadre du projet de recherche BelgianArms que l’Arabie saoudite déploie des armes et une technologie militaire belge au Yémen, où une guerre civile fait rage depuis des années.

En juin, le Conseil d’État a recalé les licences des armuriers wallons FN Herstal et CMI Defence pour l’exportation d’armes en Arabie saoudite. Le Conseil ratifiait ainsi une interdiction datant de juin 2018. En octobre 2017, FN Herstal avait obtenu l’autorisation d’exporter des armes vers l’Arabie Saoudite pour un montant de 153 millions d’euros.

Avant d’être judiciaire, la procédure a été administrative

Le 15 mai, les ONG avaient déjà demandé des informations sur les licences d’exportation wallonnes en invoquant la loi sur la publicité de l’administration. La Région wallonne n’a pas répondu à cette question, se référant à la vie privée et aux secrets commerciaux. Le 15 juillet, la Commission wallonne d’accès aux documents administratifs a émis un avis sur la question : elle a estimé que les documents demandés devaient être transmis – à l’exception des informations sur des secrets commerciaux ou des informations susceptibles d’affecter les relations internationales dans la région. Selon les ONG, le Premier ministre wallon Willy Borsus (MR), responsable de ce dossier, a ignoré cet avis qui n’est pas contraignant. C’est pourquoi ils ont lancé la procédure en référé.

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