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EXCLUSIF : Belgocontrol et l’administration du Transport aérien à couteaux tirés

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Belgocontrol est-il… hors de contrôle ? C’est ce que dénonce un courrier cinglant envoyé par la DG du Transport aérien à Johan Decuyper, patron de l’entreprise publique gestionnaire du trafic aérien en Belgique.

Il nous revient que la DGTA, l’administration du transport aérien, supporte de plus en plus mal l’attitude de Belgocontrol, qui ne respecterait pas les instructions ministérielles dans le choix des pistes en usage à l’aéroport de Zaventem. Le directeur général ad interim de la DGTA, Nathalie Dejace, serait elle-même très remontée contre Johan Decuyper, patron de Belgocontrol, l’entreprise publique chargée de la sécurité de la circulation aérienne en Belgique. Le 10 novembre dernier, elle lui a envoyé une lettre cinglante, dont certains fonctionnaires de la DGTA ont pu prendre connaissance, et qu’un vent favorable nous a fait parvenir.

Ce courrier concerne une mission d’audit que François Bellot, le ministre de la Mobilité, a confiée à une équipe de la DGTA, mission qui consiste à vérifier si Belgocontrol interprète ou non à sa façon les instructions ministérielles relatives à l’utilisation des pistes : chiffre plafond des valeurs de normes de vent limites, application de la définition internationale des rafales de vent, recours trop anticipé à certaines pistes… Belgocontrol est tenu par la loi d’appliquer strictement les instructions qui lui sont dictées et de respecter les décisions de justice, ce que l’entreprise publique chargée de la sécurité du trafic aérien ne ferait pas, semble-t-il.

« Absence de collaboration »

La lettre de Nathalie Dejace dénonce l’ « absence de collaboration » de Johan Decuyper et de Belgocontrol vis-à-vis de l’audit de la DGTA et leur « volonté d’en limiter l’étendue ». Cet audit n’a, en fait, « pas encore vraiment pu débuter », déplore le directeur a. i. de l’administration du Transport aérien. L’équipe d’auditeurs a demandé à interviewer librement et séparément certains membres du personnel de Belgocontrol, à savoir le safety manager, la directrice des opérations, les superviseurs de tour, le service juridique et le manager des formations internes. « Les quatre représentants de Belgocontrol ont répondu par la négative », indique la lettre, et n’ont pas donné accès « aux données techniques utiles ».

Voilà qui contredit les affirmations de Belgocontrol, selon lesquelles elle « collabore en toute transparence avec les auditeurs et leur a fourni toutes les données opérationnelles dont ils avaient besoin… » Pour obtenir un accès à ces données, Belgocontrol a soumis aux auditeurs un accord de confidentialité entre les deux parties. Mais la DGTA a refusé de signer cet accord, car elle seule aurait été soumise à des obligations et aurait pu être poursuivie en justice.

Un audit même pas commencé

Après avoir refusé de collaborer les 20 et 21 octobre, « ni le safety manager, ni la directrice des opérations ne se sont présentés à la convocation du 28 octobre », signale Nathalie Dejace, qui poursuit : « Vous avez en réalité refusé toute collaboration avec la DGTA, vous obstinant à vouloir négocier ce que vous appelez les  »modalités de l’audit » qui vise en fait à négocier le contenu même de l’audit. Vous demandez un rapport final d’un audit qui n’a pas encore pu démarrer, faute de collaboration dans votre chef. »

La DGTA a en outre appris que Belgocontrol utilise un nouveau système de choix des pistes, changement dont « les services compétents de la DGTA ne sont pas informés ». La patronne de la DGTA rappelle que la responsabilité première de Belgocontrol est d’assurer la sécurité de la circulation aérienne. « Votre refus de collaborer à l’audit suscite des doutes sérieux quant à la manière dont vous assurez cette mission, dès lors que l’objet de l’audit était notamment de lever ce type de doutes ». En conclusion, Nathalie Dejace tient Johan Decuyper « personnellement responsable des problèmes de sécurité ou des problèmes juridiques à venir. »

Voilà qui éclaire les déclarations du ministre François Bellot devant les parlementaires, le 1er décembre : il a accusé Belgocontrol de ne pas avoir respecté les règles d’utilisation des pistes du 2 au 10 octobre et de ne pas avoir fourni les données pour analyse. Belgocontrol affirme de son côté avoir « respecté toutes les règles et les consignes dans le choix de l’utilisation des pistes pendant la période concernée. » Jusqu’où ira le bras de fer entre la DGTA et Belgocontrol ?

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