Pieter Timmermans

« Evitons que la SNCB suive la voie de la Sabena »

Pieter Timmermans Administrateur délégué de la FEB

Quel est le point commun entre la CGSP et la FEB ? Ces deux organisations s’accordent à dire que la liste des métiers lourds élaborée pour le secteur public n’est pas bonne. Alors que la CGSP se met en grève parce que l’ensemble du personnel ferroviaire n’est pas reconnu comme métier lourd, la FEB juge cette liste beaucoup trop longue. Par opposition à la motivation des préavis de grève, sur laquelle le débat a principalement porté, je voudrais pour ma part avancer quelques autres éléments.

Concertation sociale

En notre qualité de partenaire social, nous sommes des partisans convaincus de la concertation sociale. Il s’est entre-temps avéré que la situation est un peu plus complexe du côté des syndicats ferroviaires. Ainsi, ils avaient annoncé jusqu’il y a peu 12 jours de grève, résultant d’actions de quatre syndicats différents. Cette fragmentation syndicale, qui donne lieu – aux frais du contribuable – à une surenchère en fonction des élections sociales organisées à la fin de l’année, est néfaste.La direction ne sait dès lors plus qui est son véritable interlocuteur, ce qui est pourtant une caractéristique essentielle d’une concertation sociale bien huilée.

Conséquences de la grève

Cette grève de 48 heures occasionne pas mal de nuisances. Nos entreprises connaissent, dans l’intervalle, les conséquences d’une grève sur leur organisation du travail et optent donc pour des solutions alternatives telles que le télétravail et le covoiturage. Les navetteurs contraints de se rendre sur place n’ont d’autre choix que d’y aller en voiture, empruntant ainsi un réseau routier déjà saturé.

Par ailleurs, bon nombre d’entreprises (principalement celles qui tournent en continu) n’ont aucune alternative, précisément parce qu’elles transportent leurs marchandises via le rail. Leur chaîne logistique – reposant souvent sur des approvisionnements à flux tendus via le rail – est interrompue. Les produits finis ne parviennent plus jusqu’au client, ce qui se solde par des soucis logistiques.Opter pour le réseau routier n’est pas une option. En effet, celui-ci ne peut satisfaire cette demande additionnelle et cela ne ferait qu’aggraver les problèmes de congestion. Par ailleurs, certains produits (dangereux) ne peuvent pas être transportés par la route et l’utilisation de camions a pour effet d’accroître sensiblement les émissions de CO2.

Le fait que le voyageur ait connaissance du service minimum 24 heures avant la grève est une bonne chose. Le volet mobilité du prochain accord gouvernemental devra toutefois comprendre encore un paragraphe soulignant la nécessité d’un ‘service garanti’ pour les entreprises transportant des marchandises par le rail.En effet, il est inadmissible de sanctionner ceux qui cherchent des alternatives au transport par route.

Que faire avec la SNCB ?

Le rail permettrait pourtant de réaliser de belles choses en Belgique. La FEB est convaincue que la SNCB a un rôle fondamental à jouer dans la résolution du problème de la mobilité dans notre pays, en particulier dans le cadre de trajets domicile-travail efficaces et durables. Si la SNCB veut jouer ce rôle, elle devra améliorer le confort, mais surtout la fiabilité et la ponctualité de son offre ferroviaire. Pour pouvoir investir dans ces aspects, elle doit impérieusement réorganiser un certain nombre de tâches de manière plus efficace et devra progressivement accroître sa productivité. C’est la seule manière d’éviter un scénario de type Sabena.

La SNCB doit progressivement accroître sa productivité: c’est la seule manière d’éviter un scénario de type Sabena.

Les lignes sous-exploitées peu rentables pourraient, à l’issue d’une étude approfondie, être supprimées au profit d’autres modes de transport plus écologiques, tels que des bus électriques. Il faut également miser sur une simplification des tarifs. Il est vrai qu’ils sont relativement peu élevés par rapport au reste de l’Europe, mais une politique des prix commerciale (avec des prix plus bas en heures creuses et inversement) n’est possible que moyennant une amélioration du service fourni. L’an dernier, 88,3% des trains de la SNCB ont roulé à temps ou avec un retard inférieur à 6 minutes, sans tenir compte des trains supprimés.

Le droit de grève

On note par ailleurs un changement dans le discours des syndicats ferroviaires. Alors qu’auparavant, ils faisaient grève ‘dans l’intérêt du voyageur’, ils misent tout aujourd’hui sur la défense de leur propre statut, qui comporte toujours quelques privilèges indéfendables du passé. Le débat sur le droit de grève doit donc sans aucun doute être mené. Ainsi, il existe à la SNCB un protocole pour éviter les grèves-surprises sauvages (avec quelques amendes minimes à la clé : 12,5 EUR par gréviste). Ce protocole est régulièrement violé, ce qui est tout simplement admissible. De plus, certains ne se gênent pas pour utiliser comme moyen d’action des situations dangereuses et illégales, comme marcher sur les voies. Le droit de grève n’est pas absolu, et cela vaut aussi pour la SNCB ! Il n’est en effet pas supérieur à d’autres dispositions d’ordre public.

Les entreprises font preuve de beaucoup de sympathie et de soutien pour une société ferroviaire moderne et efficace, mais n’ont aucune compréhension pour cette énième action de grève en faveur du statu quo. Remember J.F. Kennedy : « Change is the law of life. And those who look only to the past or present are certain to miss the future ». Evitons que la SNCB suive la voie de la Sabena !

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire