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Enseignement supérieur : les « ratés » de Bologne

Le processus de Bologne s’est imposé en Europe. Objectif : stimuler notamment la mobilité des étudiants. Mais le décret en Communauté française connaît des limites. Exemple concret.

Tout devait être simple. Le processus de Bologne devait harmoniser les diplômes et accroître la mobilité étudiante au sein de l’espace européen. Pour cela, des outils ont été préconisés : doter les systèmes universitaires des cycles identiques licence/master/doctorat et adopter le même enseignement par semestre et les mêmes crédits (les « ETCS »), c’est-à-dire des « morceaux » de diplômes, transférables d’un pays à un autre.

Mais cette mobilité connaît encore des limites. Un exemple concret : Garry vient de décrocher un baccalauréat en droit (l’équivalent d’un graduat, en trois ans), complété par une année en Ecosse, où il a obtenu un « bachelor with honors » (l’équivalent d’un bac + 3) à l’université d’Abertay Dundee. Le juriste souhaite s’orienter vers la filière universitaire et choisit un master complémentaire en droit des technologies de l’information et de la communication (en un an), aux Facultés Notre-Dame de la Paix de Namur. Or, en Belgique, il doit inévitablement passer par le filtre d’une année préparatoire – au minimum – avant d’accéder au master d’une université belge. Soit deux années d’études, au moins.

Ce calcul fait, Garry a opté pour une autre solution : filer à l’étranger, où les candidats ne sont pas toujours obligés de passer par la case « prépa » pour entrer à l’université. Avec son diplôme, le jeune homme est accepté directement en master en droit et technologies (en un an) à l’université de Tilburg (Pays-Bas).

Il s’est également porté candidat en master en droit et propriété intellectuelle (en un an), à l’université de Hanovre, qui intègre en master, sur dossier et après entretien, des titulaires d’un premier diplôme en droit. « Mon baccalauréat combiné avec le bachelor d’Abertay peut suffire et, ayant passé une année en Ecosse, l’université considère qu’il n’y a pas lieu d’effectuer un test linguistique », souligne Garry, qui saura fin août s’il a été sélectionné. Pour l’anecdote, le master allemand s’organise en deux semestres : le premier semestre se déroule sur le campus de Hanovre, puis le second, nécessairement au sein des dix universités avec lesquelles Hanovre a conclu des partenariats. Parmi ces dernières : les Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix !

Bref, Garry sera soit admis à Hanovre pour mieux revenir à… Namur, soit il ira à Tilburg, et gagnera de précieuses années pour, au final, avoir le même diplôme !

Comment expliquer ce paradoxe ? C’est l’héritage de notre système binaire en Communauté française : le graduat (à présent baccalauréat) est un diplôme « professionnalisant » et la candidature (baccalauréat également) dispensé à l’université, une transition donnant accès au cursus supérieur (master, ex-licence), nous explique-t-on au département des équivalences de la Communauté française. « Harmoniser, ce n’est pas uniformiser : on s’efforce de créer des passerelles entre les systèmes existants, de manière que les étudiants – et aussi les enseignants – puissent circuler d’un pays à l’autre. Mais chaque pays garde son identité au-delà d’une grille de lecture commune. »

A son retour, cependant, Garry ne pourra pas faire valider son master allemand ou hollandais en Communauté française : le ministère homologuera son « master universitaire », mais sans stipuler qu’il s’agit d’un master spécialisé en droit des technologies. Car le droit belge n’est pas le droit allemand ou hollandais… alors que les législations en matière de nouvelles technologies découlent toutes de directives européennes destinées à harmoniser les solutions législatives à travers l’Europe !

SORAYA GHALI

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