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Enseignement supérieur : le bilan de Jean-Claude Marcourt

Trois ans après l’arrivée de Jean-Claude Marcourt à l’Enseignement supérieur, d’aucuns pointent le maigre bilan du ministre socialiste. A juste titre ? Réponse en sept points.

Les critiques pleuvent à mots couverts sur Jean-Claude Marcourt. Absence de résultats, rythme de réformes trop lent, manque d’investissement dans la matière – il est également ministre wallon de l’Economie, logique purement régionaliste… Mais le ministre de l’Enseignement supérieur n’en a cure. « Je suis le plus fidèle à la déclaration de politique communautaire », répond le socialiste. Il bosse, y met « beaucoup d’énergie » et trouve sa tâche « passionnante ». « Là où on peut se contenter d’arbitrages budgétaires secs, nous sommes ici dans l’humain, avec une obligation d’écoute », poursuit-il.

Peu de temps après son arrivée, il a lancé une grande table ronde pour réformer l’enseignement supérieur. Une première ! On attendait un new deal à la mesure de l’enjeu. Or, depuis, il a suscité plus d’inquiétudes que de satisfecit. Sans doute Jean-Claude Marcourt a-t-il soulevé beaucoup d’espoir. S’est-il montré trop ambitieux ? A-t-il présumé de sa capacité à provoquer la rupture ? En coulisses, en tout cas, la majorité des acteurs lui reconnaissent surtout une vision cohérente, moderne et innovante. Même si on lui reproche de tarder à bouger, d’hésiter, de manquer parfois de proactivité. Mais son bilan ne repose pas sur ses seules épaules. Dans le sérail universitaire, les piliers sont rois, les clans, rabiques, les haines, corses. Et l’opposition du CDH (surtout) et d’Ecolo (parfois) n’arrange rien. Le constat doit donc être nuancé.

1. Réformer en profondeur l’enseignement supérieur : un dossier au point mort

C’est le foyer potentiel d’incendie politique. On passe d’une logique confessionnelle, qui s’articule autour de trois académies (UCL, ULB, ULg), à une logique géographique, basée sur cinq pôles regroupant universités, hautes écoles et écoles artistiques d’une même zone. Le but ? Mettre sur pied un pilotage unique de l’enseignement supérieur, réduire la concurrence entre établissements, favoriser les synergies, optimaliser l’offre sur un territoire et mutualiser les moyens publics en faveur des étudiants. Rien de moins ! On l’aura compris, le modèle Marcourt brise les clivages traditionnels, les vieux schémas. Or, dans le sérail universitaire, les piliers sont forts, et le ministre bataille avec une opposition catholique farouche – surtout de l’UCL, qui y voit un risque d’affaiblissement, relayée par le CDH au gouvernement. Jusqu’ici, son projet ne fait pas consensus : à deux reprises, Jean-Claude Marcourt s’est fait recaler au gouvernement, la dernière remontant à novembre dernier. Même si le travail est ardu, il s’éternise. L’homme a d’abord tardé à bouger. Sa première note est restée longtemps en salle de travail. « Pour être franc, j’ignore aujourd’hui ce que comprend exactement la proposition du ministre », déclare Didier Vivier, recteur de l’Université libre de Bruxelles. Ça énerve. De plus en plus, les recteurs – entre autres – commencent sérieusement à s’impatienter. « Nous constatons en tout cas que la concrétisation pose des difficultés, ce qui génère un sentiment de frustration », poursuit Calogero Monti, recteur de l’université de Mons. En coulisses, d’aucuns reprochent au ministre son incapacité à trancher. L’intéressé, lui, refuse une réforme à marche forcée. « Il faut continuer à parler, expliquer et aboutir au consensus le plus large », explique Jean-Claude Marcourt, qui déposera une nouvelle note… en décembre. Sera-t-il plus convaincant cette fois ?

2. Réformer les études de médecine : réaction mitigée

On lui reproche, ici, d’avoir joué double jeu, d’avoir clamé qu’il refusait toute forme de sélection. A l’arrivée, on se retrouve avec un test – comme le voulaient les doyens de faculté – mais non contraignant – comme le souhaitaient les étudiants -, ainsi qu’une évaluation en janvier, qui peut déboucher sur une réorientation. La réforme est mal passée et divise encore fortement. Les doyens sont carrément fâchés. Ils ont l’impression de n’avoir obtenu que des miettes et s’interrogent encore sur l’intérêt d’un test non contraignant. Les autres – les étudiants, les jeunes PS et les jeunes Ecolo – ont une autre conception de l’accès aux études. D’autres encore estiment que la réforme est décevante. La lettre de mission évoquait la création d’une école de la santé rapprochant les différentes branches médicales et paramédicales des universités et hautes écoles : une espèce de socle commun. « Ce n’est pas la grande réforme pluridisciplinaire souhaitée », déplore le parlementaire Ecolo Marcel Cheron.

3. Supprimer le filtre en Polytechnique : à la trappe ?

C’est la seule faculté où un filtre à l’entrée existe. Dans la déclaration de politique communautaire, PS-CDH-Ecolo avaient choisi de lier la refonte des études de médecine à celle qui supprimerait le test d’entrée en Polytech. D’abord en vertu du principe de libre accès aux études supérieures et parce qu’il y a pénurie d’ingénieurs. Tout le monde est opposé à sa suppression (sauf la FEF et Ecolo), et le CDH est mitigé. Au cabinet Marcourt, on promet de s’y attaquer dès cette rentrée tout en déclarant : « Notre réflexion est plus large. Il faut s’attacher à attirer les jeunes vers les filières scientifiques. » Vu l’hostilité du terrain, il se dit en coulisses qu’il ne se passera rien.

4. Décret « alternance » : ça fonctionne

Il s’agit d’un système où la formation est partagée entre une institution d’enseignement supérieur et une entreprise. Il a suscité quelques critiques, notamment de la part de la FEF, qui soupçonne le ministre de « vouloir soumettre l’enseignement à l’économie ». « Les discours sont parfois schizophréniques, rétorque Jean-Claude Marcourt. D’un côté, on vous dit que les établissements n’ont pas l’encadrement adéquat, de l’autre, que les entreprises doivent être plus présentes. Ce que je dis, c’est que l’enseignement ne doit pas vivre en dehors de la société. » La réforme, en tout cas, est une réussite, « une vraie révolution », selon les mots du ministre, et elle est à mettre à son crédit. Les hautes écoles et le secteur économique sont demandeurs.

5. Décret « gratuité et démocratisation » : en bonne voie

Ce décret prévoit la gratuité totale pour les boursiers lors de l’inscription et le gel des frais d’inscription pour tous les autres étudiants jusqu’en 2015. Tous les acteurs s’accordent à dire que ce décret va dans le bon sens. Un bémol, cependant : il prévoit la mise en ligne par les institutions des supports de cours pour tous les étudiants et pour toutes les années du cursus. Sur le terrain, il y a des couacs, dont la responsabilité ne relève pas du ministre. Les représentants des universités ont demandé un moratoire pour que la mise en ligne ne concerne que les premières années de bac. « Le ministre est de bonne volonté mais, une fois encore, il rencontre des difficultés de concrétisation », affirme Marcel Cheron.

6. Revoir la formation des instits : on attend

L’idée figure dans la feuille de route du ministre. Jean-Claude Marcourt a donc lancé une étude sur la formation initiale des enseignants. Les conclusions ont été remises au printemps. Et puis ? On attend… Rien n’est tranché. Au sein de la majorité, en tout cas, il n’y a pas d’accord sur l’idée d’allonger le cursus des futurs instits de trois à cinq ans. Quant au ministre, il promet de déposer une note au gouvernement au plus tard en octobre.

7. Les non-résidents en logopédie et en audiologie : manque de proactivité ?

Pas vraiment. Pour fixer un quota d’inscription de 30 % aux non- résidents, l’Union européenne exige que la Communauté française démontre, statistiques à l’appui, que la venue en masse d’étudiants français entraîne soit un risque de pénurie de professionnels nationaux, soit une baisse de la qualité de la formation. Or, l’an dernier, précise le cabinet Marcourt, le gouvernement ne disposait pas des chiffres indiquant un débordement dans toutes les hautes écoles formant à la logopédie et à l’audiologie. Il était impossible d’anticiper. Par contre, la rentrée 2012 voit l’arrivée massive d’étudiants français dans ces sections. Le ministre entend prendre des mesures pour la rentrée 2013.

Soraya Ghali

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