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Enquête sur la banque HSBC : mission impossible ?

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Une fraude évaluée à des milliards d’euros impliquant une grande banque et de riches diamantaires anversois. Le fisc et la justice vont devoir batailler finement. Car les preuves, des fichiers informatiques volés à la banque, sont déjà remises en cause.

La première banque européenne, la britannique HSBC, est décidément dans l’oeil du cyclone. Fin 2012, elle avait accepté d’acquitter une amende de 1,9 milliard de dollars aux autorités américaines qui l’accusaient de complicité de blanchiment au profit de trafiquants et de terroristes. Un peu plus tard, c’est l’Argentine qui faisait cracher 4,7 millions de dollars à la filiale locale de la banque pour ne pas avoir signalé des transactions suspectes. Mi-octobre, voilà qu’un juge de Chicago, saisi d’un recours collectif de 11 000 plaignants pour infraction à la réglementation boursière, a condamné la filiale américaine de HSBC à une amende record de… 2,4 milliards de dollars.

En Belgique aussi, HSBC est dans le collimateur de la justice. Plus exactement, sa branche suisse, HSBC Private Bank Genève. Les montants en jeu sont énormes. On parle de 1 à 3 milliards d’euros, voire plus. Le parquet de Bruxelles s’intéresse aux démarcheurs de la banque qui sont venus à Anvers et à Bruxelles séduire une clientèle fortunée, principalement des diamantaires. Une vingtaine de ces clients ont récemment vu leur domicile perquisitionné par les hommes du juge d’instruction Michel Claise. Dans le viseur du magistrat : la banque, suspectée d’organisation criminelle. Elle aurait non seulement aidé les clients à frauder le fisc, mais les aurait aussi incités à constituer des sociétés offshore au Panama pour contourner la directive épargne de l’Union européenne. Directive qui impose un échange d’informations bancaires entre Etats membres et à laquelle la Suisse a souscrit.

On sait que l’origine du dossier HSBC en Belgique remonte à la transmission par le fisc français au fisc belge d’une partie des 127 000 fichiers-clients volés, en 2007, par un ancien informaticien de la banque de Genève, Hervé Falciani. Ces fichiers informatiques avaient été saisis, début 2009, par la police judiciaire au domicile niçois de Falciani qui avait fui la Suisse. Ensuite, l’administration fiscale française a distribué des listes de clients-fraudeurs aux pays intéressés, Espagne, Italie, Grande-Bretagne, Belgique…
Chez nous, vu la gravité de certains dossiers, le fisc a déposé des dizaines de plaintes. C’est le parquet d’Anvers qui a d’abord mené l’enquête, puisque la liste belge contenait surtout des diamantaires anversois, dont de gros bonnets du secteur, comme les présidents de grandes bourses du diamant de la Métropole. Au début, le substitut Peter Van Calster pilotait le dossier, avec détermination. Mais il s’est heurté à la méfiance du parquet général d’Anvers qui l’a finalement éjecté de l’enquête, au printemps 2012. « Une victoire pour le lobby diamantaire », avait alors clamé le député Stefaan Van Hecke (Groen!).

Moins de pression sur les clients HSBC

Le juge Claise, à Bruxelles, vient donc de reprendre le volet à charge de HSBC Genève. Les dossiers concernant les clients ont, eux, été récupérés par un collègue de Van Calster : le substitut Paul Hannes, moins ferme sur la pédale. S’alignant sur la ligne du parquet général d’Anvers, celui-ci semble davantage vouloir privilégier les accords avec le fisc – qui, selon la règle Una Via, empêche alors le pénal d’encore intervenir – ou, à défaut, la transaction pénale, bien plus discrète qu’un procès. Ce qui fait dire à un observateur du dossier : « Van Calster se doutait bien qu’il ne ferait pas aboutir des dizaines de dossiers devant un tribunal correctionnel, mais, au moins, il mettait la pression en voulant boucler l’enquête avant d’entamer les négociations. »

La suite du dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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