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Enfants nés en Syrie: l’Etat doit remettre des documents de voyage à deux mineurs d’âge

L’Etat belge doit fournir aux deux enfants d’Amina Ghezzal des documents de voyage de manière à ce qu’ils puissent venir en Belgique, a tranché mercredi le juge des référés de Bruxelles.

Il se prononçait à la suite d’une procédure intentée à l’encontre de l’État belge par la grand-mère des deux enfants nés en Syrie et dont la mère est actuellement détenue en Turquie pour terrorisme. Les fillettes de 2 et 4 ans se trouvent actuellement chez une tante en Turquie, mais ne disposent ni d’actes de naissance ni de documents d’identité leur donnant accès à des documents de voyage.

Amina Ghezzal, 29 ans, de double nationalité algérienne et belge, avait quitté la Belgique il y a 6 ans pour rejoindre un territoire sous domination du groupe terroriste Etat islamique (EI). Elle y a eu deux enfants, d’un homme belge. Interpellée le 7 janvier dernier dans la ville turque de Kayseri, elle a été condamnée le 3 avril par la justice turque à 10 ans de prison pour terrorisme.

Ses deux filles ont d’abord été hébergées par la famille de son nouveau compagnon, puis ont été un certain temps accueillies par la mère d’Amina Ghezzal, en Turquie, puis par sa soeur.

C’est la mère de la jeune femme, Rachma Ayad, défendue par l’avocat Mohamed Ozdemir, qui est à l’origine de l’action en justice contre l’Etat belge. Elle affirme que les enfants n’ont pas accès à un accueil correct ou à l’éducation en Turquie, et estime qu’ils doivent être rapatriés en Belgique pour y vivre une enfance décente. L’avocat plaide que les fillettes ont bien la nationalité belge, vu que leur père était belge.

L’Etat de son côté estime que la mère devait d’abord enregistrer sa descendance en Belgique avant qu’un rapatriement puisse être envisagé. Une logique que le juge des référés n’a pas suivie mercredi, estimant qu’il est du devoir de l’Etat de fournir aux deux enfants des documents de voyage, pour qu’ils puissent ensuite être accompagnés par un membre de leur famille de la Turquie vers la Belgique. Le juge des référés estime qu’il est bien établi que les fillettes vivent en Turquie dans une situation précaire.

« Les enfants vivent actuellement dans une sorte de vide administratif en Turquie, ce qui menace de manière permanente leur propre séjour mais aussi celui des personnes qui peuvent et veulent prendre soin d’eux », pointe la justice. « Cette situation fait aussi en sorte qu’ils ne peuvent pas, ou très difficilement, avoir accès à des services de base comme les soins de santé et l’enseignement ».

Le tribunal pointe que la Belgique est le seul pays avec lequel les fillettes ont un lien. Nées dans le « califat » de l’EI, elles ne peuvent pas être considérées comme ayant un lien avec la Syrie, et la Turquie n’était qu’une destination de fuite, selon son argumentation. Leur mère a la nationalité belge, ce qui devrait leur permettre de l’avoir également. « Comme aucun autre pays n’a suffisamment de liens avec les enfants, ou ne veut prendre un rôle de protection, la Belgique est la seule instance qui peut leur offrir une protection », indique le tribunal.

S’il n’y a pas de base de droit spécifique permettant d’obliger la Belgique à fournir des documents de voyage, il est possible en revanche d’exiger que le pays s’implique dans ce dossier, selon la justice.

Le juge a donc ordonné à l’Etat de fournir aux enfants les documents administratifs, d’identité ou de voyage nécessaires, sous peine d’une astreinte de 5.000 euros par jour et par enfant.

L’Etat a encore la possibilité de faire appel de cette décision, mais un tel appel n’est pas suspensif.

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