© Image Globe / JULIEN WARNAND

En Libye, la Belgique en est réduite à compter les coups

La Belgique prolonge son intervention en Libye alors que la guerre change de nature. Les députés sont mis devant le fait accompli.

En guerre jusqu’en septembre au moins : l’intervention militaire belge en Libye se poursuivra tant que les objectifs de la résolution 1973 de l’ONU (qui instaurait notamment une « no-fly zone ») ne seront pas « complètement atteints », a décidé le « kern » malgré les affaires courantes. Mais son interprétation très large commence à susciter la controverse : ouvre-t-elle implicitement la voie à l’assassinat de Kadhafi ? Pour l’expert militaire Joseph Henrotin, l’objectif de la résolution a déjà été atteint puisque « la population civile est protégée, à l’exception de quelques zones ».

Les députés belges se retrouvent donc en position délicate. En appuyant unanimement cette intervention, le 21 mars dernier, ils visaient a priori un seul objectif : éviter le bain de sang que Kadhafi s’apprêtait, selon eux, à perpétrer contre des civils désarmés. Et non à soutenir une rébellion armée, ni à chasser le colonel du pouvoir. D’autre part, si des civils ont été protégés, combien d’autres ont péri entre-temps ? Or il ne s’agit pas seulement des victimes collatérales des frappes aériennes. La France estime à 10 000 le nombre de Libyens massacrés à Tripoli par un régime que les Occidentaux poussent dans une fuite en avant. Cela n’empêche pas le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen (qui avait soutenu George Bush lors de l’invasion de l’Irak en 2003) de continuer à réclamer le départ de Kadhafi. Le parlement estime-t-il que Rasmussen parle également au nom de la Belgique ?

Parmi les premiers à réagir, Patrick Moriau (PS) estime qu' »il y a un clair basculement dans l’intervention en Libye. Nous avons donné notre accord sur base de la résolution 1973, mais on est dans une autre guerre. Dans une impasse, aussi. Alors, de deux choses l’une : soit on propose une nouvelle résolution, soit on négocie avec le régime ». Très critique à l’égard du CNT (insurgés), « qui refuse tout dialogue », Moriau ne regrette toutefois pas d’avoir voté en faveur de l’intervention : « Il fallait faire quelque chose, sinon Benghazi aurait été rayé de la carte », pense-t-il. Par contre, Ecolo, qui a été en pointe dans la campagne en faveur des frappes, n’a plus réagi depuis le vote. Or son souhait d’une action « ciblée, balisée, efficace et limitée dans le temps » n’a, d’évidence, pas été réalisé.

Pour aiguillonner les parlementaires des commissions Affaires étrangères et Défense, la CNAPD (Coordination nationale d’action pour la paix et la démocratie, qui regroupe 40 associations), vient de leur écrire afin qu’ils reprennent la main dans le débat, tout en appelant à la fin des bombardements. Après avoir défendu l’idée d’une intervention, la Coordination opère une courbe rentrante : « Dans le feu de l’actualité, se défend-elle, le débat a malheureusement gravité autour d’une seule question apparemment simple: soit on soutient l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne, soit on ne fait rien ». Elle regrette surtout que les méthodes non violentes (cessez-le-feu, médiation, négociation) aient été rejetées par la coalition. Face à cette guerre qui change de visage, la CNAPD conclut : « Les députés doivent prendre acte de leurs erreurs et exiger un retrait des troupes et appareillages belges ». Le débat est lancé.

François Janne d’Othée

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