Claude Demelenne

Elections communales : l’arnaque des alliances entre le PS et le MR

Claude Demelenne essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche

Le PS prépare des alliances locales avec le MR. Jolie récompense pour le parti ami de la N.VA au gouvernement fédéral. Et suprême incohérence pour les socialistes. Côté pile, ils veulent rompre avec la politique libérale. Côté face, ils dansent le slow avec le MR. L’électeur a le tournis.

Le deux poids, deux mesures, est saisissant. D’une part, le PS veut limiter au strict minimum les alliances locales avec le CDH. Il veut punir le comportement de ce parti qui, en cours de législature, a éjecté les socialistes du gouvernement wallon. D’autre part, le PS prépare sans état d’âme des coalitions locales avec le MR. De la sorte, il oublierait de sanctionner le comportement des libéraux, qui ont fait entrer le loup N.VA dans la bergerie fédérale.

A la réflexion, la « faute » du CDH est bien moins grave que celle du MR. Benoît Lutgen et ses troupes ont manqué d’élégance, mais leur coup de force n’a que peu changé la nature du gouvernement wallon. Il était d’inspiration globalement centriste sous le règne PS – CDH. Il l’est resté sous le règne MR – CDH. Les libéraux, en copinant avec la N.VA, ont jeté les bases d’une Belgique davantage flamingante. Ils ont par ailleurs égratigné certaines valeurs humanistes chères aux pères fondateurs du libéralisme belge, sur la question de la politique migratoire, notamment. Entre les deux partis, il n’y a pas photo. D’un point de vue de gauche, qui devrait être celui des socialistes, le MR mérite une carte rouge, le CDH tout au plus une carte jaune.

Le fossé s’est creusé avec le MR

Il ne s’agit pas de diaboliser le MR qui est évidemment un parti respectable, et même parfois un allié pour les progressistes dans la défense du combat laïc. Simplement, les faits parlent d’eux-mêmes : ce n’est pas la ligne centriste de Christine Defraigne qui donne aujourd’hui le ton chez les libéraux francophones. Depuis le début de la législature, ceux-ci se sont le plus souvent alignés sur les slogans de la droite flamande, qui considère que le système social belge est trop généreux et que les syndicats – surtout en Wallonie – exercent un contre-pouvoir excessif. Objectivement, le fossé s’est creusé avec ce MR-là qui s’est réfugié dans les bras de la N.VA, cédant à la plupart de ses fantasmes très peu sociaux.

Il ne serait pas anormal que les socialistes présentent aux libéraux la note à payer pour leur aventurisme politique. En acceptant d’être le seul parti francophone dans un gouvernement archi-dominé par la droite flamande, le MR n’a pas seulement fragilisé la place des francophones dans l’Etat belge. Il a aussi enterré – provisoirement ? – le libéralisme social à la mode Louis Michel, qui jetait des ponts avec certains socialistes.

Un grand écart qui fait jaser

La base du PS comprendrait-elle que les dirigeants socialistes déroulent le tapis rouge pour le MR ? C’est peu probable. Pourtant, c’est ce qui se trame, notamment dans plusieurs grandes villes (Bruxelles, Liège, Charleroi…) et à l’échelon de certaines provinces. Si les alliances rouge-bleu se confirment, le PS aura du mal à fustiger le MR au fédéral, tout en le dorlotant dans les villes, communes et provinces du Royaume. Ce grand écart fera jaser dans le peuple de gauche.

Beaucoup de militants de la FGTB, qui votaient autrefois les yeux fermés pour le PS, sont cette fois tentés de donner leur voix au PTB. Les rumeurs de multiples mariages PS-MR pourraient définitivement les convaincre d’oser les grand saut. D’autres électeurs socialistes indécis pourraient manifester leur désapprobation face à l’avenir rouge-bleu que certains nous préparent, en votant non pas pour le PTB, mais pour « Défi », perçu comme un parti de centre-gauche, farouchement anti-MR, reprochant à ce parti d’avoir trahi les francophones pour quelques strapontins au côté de Bart De Wever.

Un mauvais coup contre la Politique

Les alliances PS – MR qui se préparent sont une arnaque. Un mauvais coup contre la Politique avec un grand « P ». Celle-ci a besoin de choix clairs, d’oppositions franches, de vrais conflits. Une démocratie perd son âme lorsque tout le monde peut gouverner avec tout le monde. Lorsque les clivages s’effacent, et que l’électeur est privé de repères, le poison populiste n’est jamais loin.

Le système proportionnel à la belge impose parfois des coalitions étranges entre partenaires défendant des projets sensiblement différents. Ce n’est pas toujours le cas. Un seul exemple : à Bruxelles-Ville, le bourgmestre socialiste Philippe Close devrait, si l’arithmétique électorale le permet, repartir pour un tour avec la droite libérale. Ce serait une totale hérésie. Car des alternatives plus cohérentes existent, une alliance avec « Défi » et Ecolo, notamment, à supposer que le PTB préfère faire ses gammes dans l’opposition.

Sociaux-libéraux / Libéraux-sociaux, même combat ?

C’est la thèse qui a longtemps prévalu au sein du PTB : le PS et le MR aiment gouverner ensemble parce qu’ils défendent, pour l’essentiel, une politique socio-économique libérale, avec seulement quelques nuances. Cette thèse est trop simpliste, et le PTB, malgré sa volonté de rupture radicale avec l’ordre européen néolibéral et ses critiques dures contre le PS, ne met plus aujourd’hui tout le monde dans un même sac. Les sociaux-démocrates, s’ils ne sont plus anticapitalistes depuis belle lurette, sont dotés d’un logiciel social tel qu’il les distingue toujours significativement des libéraux-conservateurs.

Encore faut-il que le PS résiste à la tentation d’alliances pantouflardes avec le MR. Les socialistes n’ont rien à gagner en privilégiant une cohabitation illisible pour le peuple de gauche. Ils ont beaucoup à perdre : leur crédibilité en prendra un coup s’ils apparaissent copains comme cochons avec le MR actuel, solidement à droite.

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