Nicolas De Decker

Ecolo, une certaine idée du cochon

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Avec l’avant-bras, elle lissa ses hautes cuissardes de cuir noir, les rangea dans son armoire à chaussures, elle s’assit devant sa coiffeuse, et soupira. Cette fois c’était bien la fin, la gauche avait eu sa peau, se dit Emmanuelle en s’appliquant une petite noisette environ de Galvanic Spa de Nu Skin (40% de réduction pour le Black Friday via le groupe Facebook fermé « Adieu les rides » de sa fan page personnelle).

Mais désormais, elle aurait ses dimanches libres, pensa-t-elle, pendant que la technologie révolutionnaire AgeLoc, un nouveau mélange breveté d’ingrédients qui contribue à ralentir les effets du vieillissement à leur source, agissait sur son visage.

Elle n’avait pas eu beaucoup de temps pour elle, ces dernières années, et la police de la pensée de la dictature de gauche dans laquelle nous vivons allait, paradoxalement, lui en donner. Elle n’avait pas eu beaucoup le temps de lire, elle qui pourtant, adolescente, aimait tant se faire raconter des résumés des livres qu’il fallait étudier en cours de français.

Comme si c’était hier, elle se rappelait cette histoire avec des cochons qui prennent le pouvoir dans une ferme. Ils disent que c’est pour le bien de tous les animaux, et tous les animaux les aident à chasser le fermier, mais après ça les cochons se comportent comme des porcs et deviennent aussi pourris que les plus pourris des hommes. Ils se tiennent debout, fument de gros cigares, portent la redingote et expliquent à la fin que tous les animaux sont égaux, mais certains animaux sont plus égaux que d’autres. Elle ne se souvenait pas de l’auteur, mais de l’histoire, très bien, parce que c’était Thierry, le grand en manteau Chevignon qui avait de si beaux cheveux et qui plissait toujours les yeux quand il l’embrassait, qui lui avait raconté, et parce que les porcs, c’étaient les socialistes qui s’engraissaient sur le dos des pauvres, puis faisaient régner la terreur de la dictature de la gauche.

Elle aurait dû y penser avant, tiens.

D’ailleurs, Emmanuelle allait en profiter aussi pour faire une chose qu’elle n’avait pas pu faire ces dernières années avec toutes ces choses qu’elle avait eu à faire: s’intéresser à l’actualité. Alors, après avoir réduit ses rides légères autour des yeux grâce aux peptides collagènes de la crème TruFace, elle se mit devant son ordinateur et commença à se renseigner sur les moeurs de la porcherie.

Elle pensa qu’aujourd’hui tous les partis étaient écolos, mais certains étaient plus écolos que d’autres.

Ce jour-là justement, une manifestation en faveur des verts avait rassemblé septante mille personnes, et tout le monde trouvait ça bien, alors que quand les cochons rouges faisaient manifester deux fois plus de gens tout le monde était énervé.

Un jour plus tôt, la patronne des verts avait annoncé vouloir diriger une région sans se présenter aux bonnes élections, et tout le monde avait trouvé ça très bien, alors que quand un cochon bleu avait dit la même chose tout le monde était énervé.

Quelques jours plus tôt, à Bruxelles, un conseiller communal vert avait dû démissionner pour permettre à un candidat non élu de devenir échevin, et tout le monde avait trouvé ça bien, alors que quand d’autres cochons faisaient la même chose tout le monde était énervé.

Elle vit d’autres choses, à Amay, à Forest, à Molenbeek, à Rixensart, à Malines, ailleurs, qui n’avaient énervé personne alors que tout le monde trouvait ça mal quand c’était d’autres cochons.

Alors elle pensa dans sa tête qu’aujourd’hui tous les partis étaient écolos, mais certains étaient plus écolos que d’autres.

Et Emmanuelle n’avait pas tout à fait tort.

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