Carte blanche

Du Pacte d’excellence et de son impact sur la vie des enfants à besoins spécifiques

Au-delà de la confusion des termes et des genres, de vrais projets inclusifs contribuent à l’école de demain.

Madame Piront a partagé au sein des pages du Vif son opinion sur l’école inclusive telle qu’elle en a interprété la mise en oeuvre selon le pacte d’excellence. Nous, 6 parents d’enfants porteurs de déficiences mentales, avons soutenu des projets inclusifs; nous aimerions apporter certaines clarifications quant aux termes utilisés ainsi que notre expertise sur les soutiens légaux dont nos projets ont pu bénéficier.

Intégration ou inclusion : comment s’y retrouver ?

Si on a longtemps parlé d’intégration des enfants à besoins spécifiques dans l’enseignement ordinaire, le concept d’inclusion est de plus en plus utilisé dans les milieux scolaires. Celle qui a fait émerger la notion d’inclusion est la Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous de 1990 (Déclaration de Jomtien) À l’issue de cette Conférence, il a été préféré le terme « d’inclusion » à celui « d’intégration »

L’intégration

Depuis 2004 en Belgique, l’intégration éducative des élèves à besoins spécifiques est définie par un décret qui propose différents types d’intégrations [1]. Cette intégration propose des méthodes éducatives individualisées. Elle permet donc à des élèves issus de l’enseignement spécialisé (et ce de n’importe quelle forme de 1 à 8) de participer partiellement ou totalement aux cours dispensés dans des classes ordinaires et ce moyennant un accompagnement de l’enseignement spécialisé.

Aujourd’hui, l’intégration est comprise comme un processus qui affecte une personne et non un milieu, c’est à l’élève seulement qu’il appartient de faire des efforts de s’adapter et non au milieu d’accueil. L’intégration reste un privilège et non un droit pour tous. De plus, les structures spécialisées restent la référence et le lieu que l’enfant devra, tôt ou tard, rejoindre. Ainsi, l’intégration est souvent vue comme temporaire. Un chiffre éclaire ce constat : en 2010, moins de 1 % des enfants à besoins spécifiques étaient intégrés de manière permanente dans l’enseignement ordinaire en Communauté française [2].

L’inclusion

Le concept d’inclusion, lui, implique de procurer les conditions nécessaires à la pleine participation de tous les enfants, ordinaires ou à besoins spécifiques.

L’inclusion déplace la charge de la responsabilité: ce n’est pas l’enfant qui doit s’intégrer mais c’est plutôt la structure qui doit offrir les conditions nécessaires à l’accueil de tous les enfants. Par ailleurs, l’inclusion ne signifie pas que l’enfant doit toujours se trouver avec le groupe « ordinaire »; il peut aller dans un groupe spécialisé ou recevoir une intervention individualisée à certains moments, selon ses besoins [3]. L’inclusion signifie que tous les enfants ont une place dans le groupe, quels que soient leurs besoins. L’inclusion se base sur les principes suivants, à savoir: la mixité et l’équité. Selon le principe d’équité, chacun a le droit de bénéficier des ressources adaptées à ses besoins afin de favoriser son développement. L’inclusion fait aussi l’éloge de la diversité, ce qui implique la reconnaissance des besoins de chacun, le respect de l’autre dans ses différences et la responsabilité du bien-être de chacun.

Du Pacte d'excellence et de son impact sur la vie des enfants à besoins spécifiques
© DR

Et le pacte d’excellence dans tout ça? [5]

Le pacte d’excellence s’interroge sur la facilité qu’ont les écoles d’enseignement ordinaire a envoyer les élèves considérés de type 1 (retard mental léger), 3 (trouble du comportement) et 8 (troubles des apprentissages – typiquement les ‘DYS’) dans l’enseignement spécialisé.

Il est souligné que les enfants principalement issus de milieux à indice socio-économiques sont surreprésentés [4]. Ce constat a de quoi surprendre car l’enseignement spécialisé n’a clairement pas pour objectif de résoudre des difficultés d’apprentissage liées à l’environnement social des enfants. Le pacte d’excellence propose que ces difficultés soient prises en charge dans le cadre de l’enseignement ordinaire, avec les moyens adaptés.

En effet, ce pacte prône une école inclusive qui permettrait de vraies mixités sociales, intellectuelles et de genres. La mixité scolaire est l’une des clés pour lutter contre les stéréotypes de tous bords et représente un premier pas absolument nécessaire pour envisager enfin une société mixte et équitable pour tous.

La qualité de l’enseignement spécialisé est reconnue dans ce pacte et son apport est indiscutablement salué. A long terme, l’expertise de l’Enseignement spécialisé devrait être transférée dans l’Enseignement ordinaire pour y permettre le maintien des élèves à besoins spécifiques. En effet, les équipes éducatives de l’enseignement spécialisé verront leur mission modifiée via l’enseignement en binôme avec des enseignants de l’ordinaire en apportant leurs savoirs et savoir-faire spécifique

Finalement, le pacte d’excellence ne prône pas l’inclusion à tout va sans accompagnement pour nos enfants de type 2 (retard mental modéré à sévère), non, il prône une inclusion dans le tissu sociétal de leur village en permettant l’ouverture d’établissements d’enseignement spécialisé au sein des écoles ordinaires.

L’école inclusive, 3 projets au service de l’Ecole de demain

Différents des projets d’intégration, nos projets d’école inclusive à Mont-sur-Marchiennes, Bièvre et Floreffe ont pour but de ne pas opposer l’enseignement ordinaire et l’enseignement spécialisé comme des milieux tantôt inadapté pour l’un tantôt discriminant pour l’autre, mais bien de les rapprocher dans la poursuite d’un même objectif.

En pratique, ces écoles ouvrent en leur sein, une classe issue de l’enseignement spécialisé qui propose à nos enfants à déficience mentale un enseignement adapté à leurs besoins.

En l’occurrence nos enfants vont à la même école que leur fratrie, partagent les moments de vie telles les récréations, cantines, excursions,…avec leurs pairs et ont l’opportunité en fonction de leurs compétences propres de rejoindre les classes ordinaires pour y suivre des périodes de cours définies; les apprentissages plus compliqués pour eux et nécessitant des méthodes spécifiques sont dispensés au sein de la classe d’enseignement spécialisé.

La réussite de nos trois projets réside dans la collaboration active d’un travail interdisciplinaire entre les professionnels issus de l’enseignement ordinaire et spécialisé, les pouvoirs organisateurs respectifs ainsi que dans l’investissement des parents via leur ASBL respectives. Notons, que ces projets sont largement soutenus par le pacte d’excellence [6].

Donc oui, dans ces projets l’inclusion est bel et bien présente! Et nous ne souhaitons rien de moins pour nos enfants: qu’ils apprennent et qu’ils vivent parmi tout le monde, ce monde dans lequel un jour, ils travailleront, auront leur appartement et leur vie d’adultes.

Mais le pari de l’inclusion tel que défini par ces nouveaux projets a encore de beaux défis devant lui. Le principal sera sans doute celui souligné à nouveau dans ce pacte [7].

« La seule exigence d’une socialisation pour certains élèves des formes 1, 2 et 3 est insuffisante, dans la mesure où elle ne permet pas toujours d’aboutir à un niveau d’ambition suffisamment élevé pour l’élève. Le principe de l’absence totale de certification doit dès lors être revu afin que des objectifs à atteindre soient assignés pour tous les élèves et que des évaluations permettent de mesurer leur réalisation dans un cadre certificatif. » Pourquoi ne pas valoriser les écoles qui pratiquent déjà l’inclusion, en leur proposant plus de facilités en termes de formation, et plus de souplesse en termes d’encadrement.

Nos projets et le pacte parlent de mixité, parlent d’un monde pour tous. Ils ne veulent certainement pas « normer » nos enfants que du contraire, ils veulent pouvoir apporter à chacun en fonction de ses compétences l’aide nécessaire à ses apprentissages. Il s’agit enfin d’initiatives qui se veulent équitables pour tous et qui posent les premiers jalons d’une société où chacun pourra y trouver sa place en fonction de ce qu’il est et de ce qu’il veut.

Quant à « la place laissée à la différence » nous estimons, bien au contraire, que c’est dans la rencontre avec l’altérité de l’ordinaire que s’expriment le plus merveilleusement et le plus richement les différences de nos enfants. Confrontés aux autres, ils apprennent à définir les contours de leurs particularités qui loin d’être des barrières deviendront des ponts de respect, entraide et compréhension mutuelle. Via nos projets, l’école de demain sera celle qui accueille tous les enfants sans discriminations, est en train d’émerger. Dans nos écoles, ce sont nos enfants qui sont en train de changer les mentalités des adultes. Nous vous invitons tous et toutes à venir les rencontrer, nous rencontrer.

[1]: Décret du 3 mars 2004 organisant l’enseignement spécialisé (voir les articles 130 à 158).

[2]: Calculs propres sur base de SNE data 2010 (Belgium and Finland), European Agency for Development in Special Needs Education.

[3] Conseil supérieur de l’enseignement Spécialisé, Avis n°:151 Vers une école inclusive.

[4]: Observatoire Belge des inégalités, Le spécialisé en Communauté française, un enseignement spécial… pour les pauvres. 10 Avril 2015.

[5]: Pacte de l’excellence : Axe stratégique 4 de la page 223 – 290

[6]: Axe stratégique 4 – OS 4.4 décloisonnement de l’enseignement spécialisé – orientation 5 (p256)

[7]: Axe stratégique 4 – OS 4.4 décloisonnement de l’enseignement spécialisé – orientation 8 (p258)

Par Jean-Charles, Isabelle, Carmela, Nicolas, Julien et Stéphanie , pour les asbl Base 21, Alternative 21 et Souris-moi

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