Le programme de réhabilitation de l'ancien hippodrome de Boitsfort ne semble pas rencontrer les objectifs de départ. © hatim kaghat

Drôle de Drôhme à Watermael-Boitsfort

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Le projet de réhabilitation de l’ancien hippodrome de Watermael-Boitsfort suscite plusieurs questions, selon les chercheurs qui ont examiné son fonctionnement. Ainsi que ses paradoxes…

Questionnant, ce projet Drôhme. C’est la principale conclusion à laquelle sont parvenus les chercheurs du Metrolab, ce laboratoire interuniversitaire (ULB et UCL) et interdisciplinaire financé par les fonds européens Feder pour mener des recherches sur la Région de Bruxelles-Capitale. Ces chercheurs, aidés d’étudiants réunis en master class ont choisi de se pencher sur le projet culturel, sportif et ludique du Drôhme Melting Park, implanté sur le site de l’ancien hippodrome de Watermael-Boitsfort.

Questionnantes, donc, les conditions dans lesquelles le site est désormais principalement géré par un opérateur privé, VO Group. Spécialisé dans l’événementiel, ce dernier a pour mission de réhabiliter le site comme espace public tout en assumant sa rentabilité. Le cahier des charges lui impose toutefois de rendre le lieu ouvert à tous les publics. Comme le relève le Metrolab, ce montage originel interpelle : un partenariat public-privé qui allie VO Group, Bruxelles Environnement et la SAU (Société d’aménagement urbain) dans un contexte d’extrême complexité administrative, politique et de partage des compétences.

Deuxième point soulevé : la programmation du site, qui prévoit de nombreuses activités payantes, de facto excluantes pour certaines familles. Le golf, fiché au milieu de l’anneau de l’hippodrome, occupe une place non négligeable et n’est pas accessible à tous. Pourquoi n’y installe-t-on pas un practice ouvert à toutes les catégories de population, comme l’ont suggéré les étudiants de la master class ? Aussitôt, revoilà la question de la rentabilité posée.

L’analyse du programme (type de restaurants, dojo de méditation, etc.) montre une tendance d’orientation vers un certain public – à qui le site Internet de Drôhme s’adresse plus directement – notamment les automobilistes venant de la couronne sud de Bruxelles. Du coup, le projet n’apparaît pas comme résolument tourné vers la Région bruxelloise, alors que tel est pourtant le but. La multiplication des activités événementielles ne semble pas cadrer non plus avec l’objectif de départ, mais bien avec le besoin impérieux d’engendrer des revenus. Il y a là un vrai paradoxe. L’un de ces événements avait mené à une situation ubuesque, en décembre dernier, lorsque Bruxelles-Environnement avait apposé des scellés sur le site, pour cause d’infrac-tions répétées. VO Group avait alors saisi le tribunal, qui avait permis à l’événement de se dérouler le soir même.

Les scénarios développés par la master class conduisent à penser que pour garantir l’exigence d’ouverture du lieu à tous les types de population, les pouvoirs publics pourraient porter ce projet eux-mêmes si l’on dégageait les moyens nécessaires, y compris en matière de gouvernance. Un partenariat public-privé peut certes constituer une piste intéressante mais il semble qu’il mène, dans ce cas-ci, à un véritable imbroglio et à des activités, sur le site, qui éloignent le projet de ses objectifs initiaux.

D’où cette suggestion, émise par le Metrolab : ne serait-il pas judicieux d’ajouter des exigences politiques et sociales aux financements européens lorsqu’ils profitent aux acteurs privés ? Le Feder finance en effet aussi le projet Drôhme.

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